Déjà 100 femmes tuées par leur conjoint ou ex cette année

En 2018, on avait déploré la centième victime en octobre. Une accélération inquiétante, dénoncée par le collectif Féminicides par (ex-)compagnons.

Maud Le Rest
Rédigé le , mis à jour le
Action organisée par #NousToutes au Trocadéro le 1er septembre 2019
Action organisée par #NousToutes au Trocadéro le 1er septembre 2019  —  © Laurène Levy

Une femme de 21 ans a été retrouvée morte dans la nuit de vendredi à samedi dans les Alpes-Maritimes. Les policiers ont découvert son corps tuméfié caché sous des branchages et une couette. Elle avait été aperçue par un témoin dans la rue plus tôt dans la soirée, ruée de coups par son compagnon. C’est le centième féminicide conjugal (ou uxoricide) depuis le début de l’année. Ce décompte sordide est assuré depuis 2016 par le collectif Féminicides par (ex-)compagnons, dont le travail est relayé par l’association #NousToutes.

Faire le décompte chaque jour pour choquer

"En 2017, il y a eu 135 victimes. La centième a été recensée en octobre. En 2018, il y a eu 121 victimes, et la centième a été recensée en octobre" indique une membre du collectif Féminicides par (ex-)compagnons. S’il faut attendre la fin de l’année pour établir, ou non, une augmentation du nombre de meurtres, pour le collectif, il est alarmant de constater qu’en 2019, la centième victime est recensée en août.

Par son décompte quotidien, Féminicides par (ex-)compagnons entend retenir l’attention du public. "Procéder ainsi, ça parle beaucoup plus. Les gens sont extrêmement choqués, il y a davantage de réactions" note la membre du groupe. Pour le moment néanmoins, c’est essentiellement la presse locale qui s’empare du sujet, parfois avec des termes qui créent le scandale. "Certains médias parlent de « crime passionnel », comme pour romancer les meurtres" déplore la membre du collectif.

Autres obstacles à la lutte contre les uxoricides constatés par les bénévoles de Féminicides par (ex-)compagnons : la relativisation des crimes et l’inversion de la culpabilité. Les internautes se demandent, bien souvent, pourquoi la victime n’est pas partie avant le meurtre. Un argument qui ne tient pas pour plusieurs raisons. Tout d’abord, certaines sont sous l’emprise de leur conjoint et/ou en difficulté financière, parfois avec des enfants à charge. Ensuite, la séparation n’est aucunement gage de sécurité. "Même quand une interdiction d’approcher est décidée par la justice, certains ex-compagnons reviennent, ils passent outre la loi" indique l’administratrice de Féminicides par (ex)-compagnons.

"Les internautes se sont saisis de la veille"

Toutefois, le vent tourne, constate-t-elle. En témoignent les nombreux messages que reçoit le collectif. "Avant, tous les matins, on faisait notre revue de presse. Les titres étaient plus sordides les uns que les autres. Il y avait des jours où j’avais envie d’arrêter. Mais les internautes nous ont soulagées, ils se sont saisis de la veille" développe-t-elle.

Pourquoi employer le mot féminicide et non pas l’expression "homicide conjugal", largement utilisée ? Si le terme reste pour le moment absent du droit français, il a fait son entrée dans Le Petit Robert en 2015. On qualifie de féminicide un homicide perpétré sur une femme en raison de sa condition de femme. Les hommes représentant 88% des auteurs d’homicides conjugaux, le caractère misogyne de l’acte est quasi-systématique. De plus, "le passage à l’acte est souvent motivé par la séparation du couple (64,8%) et le désir de possession du partenaire [homme]" écrit dans une étude la psychiatre et légiste Alexia Delbreil, qui a consacré une thèse à ce sujet. On peut donc légitimement employer le terme de féminicides pour la grande majorité des homicides conjugaux.

Le Grenelle des violences conjugales aura lieu du 3 septembre au 25 novembre. En parallèle, une marche des familles est prévue le 3 septembre, et une rencontre organisée par #NousToutes aura lieu le 19 septembre à Paris pour préparer la marche contre les violences sexistes et sexuelles prévue le 23 novembre.