Une tribune de médecins et patients demande la dissolution de l’Ordre des Médecins

Une tribune en ligne signée par 26 organisations dénonce des abus de la part de l’Ordre des Médecins. Les signataires pointent une institution « inutile et nocive ».

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Une tribune de médecins et patients demande la dissolution de l’Ordre des Médecins

"Il faut dissoudre l'Ordre des Médecins", clame une tribune signée par plusieurs syndicats de médecins et associations de patients. D'après eux, le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) "protège des professionnels de santé corrompus et maltraitants".

Ces organisations s'appuient notamment sur le rapport "accablant" publié par la Cour des comptes en décembre 2019. Ce rapport pointait des sanctions trop tardives contre des auteurs d'agressions sexuelles, ainsi que des comptes "souvent incomplets et insincères."

La tribune est signée par plusieurs organisations de professionnels de santé (SMG, Syndicat national des jeunes médecins généralistes, Mouvement d'insoumission aux ordres professionnels, Union fédérale des médecins-CGT, Globule noir, qui se présente comme un groupe de soignants "racisés"). De nombreuses associations féministes et de patients ont également signé la tribune (Stop violences obstétricales et gynécologiques, Collectif national des droits des femmes, CLE Autistes...).

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Une institution "inutile"

Pour faire fonctionner le CNOM, tous les médecins doivent payer une adhésion chaque année. Elle s'élève à 335€ pour l'année 2020, et à 95€ pour les médecins à la retraite. Le Dr Coadou, secrétaire du mouvement médical d’insoumission ordinale partielle (MIOP), qui vise à "regrouper les opposants aux ordres professionnels pour obtenir une gestion plus démocratique de la profession." ne comprend pas son utilité.

Bernard Coadou est catégorique : "Les fonctions actuellement dévolues à l’Ordre sont soit inutiles, soit assurées par ailleurs. On voit tout à fait la possibilité de fonctionner sans. On n’a pas besoin de l’Ordre, mais des autres instances."

D'après lui, "ils nous font chaque année un beau guide de la répartition des médecins", admet-il. "Mais cela n'a jamais empêché les déserts médicaux. Je n’ai plus envie de les financer pendant ma retraite."

Le rôle du CNOM

L'Ordre des Médecins explique sur son site qu'il "assume un rôle moral, administratif, consultatif, juridictionnel et de conciliation. Il est le garant de la relation médecin-patient." Mais pour Bernard Coadou, la réalité est différente. "En tant que professionnel sur le terrain pendant 40 ans, c’est une institution que j’ai souvent trouvée en travers de ma route plutôt qu’à mon aide."

En outre, d'après lui, l'Ordre ne doit pas remplir de rôle juridictionnel. "C’est un tribunal d’exception. On préfère avoir à faire à la justice commune en cas de litige, éventuellement avec un éclairage d’experts", explique le Dr Coadou.

Protection de médecins "corrompus et maltraitants"

En ce qui concerne le rôle "moral" du CNOM, Bernard Coadou et les autres signataires le contestent. "Cette institution protège des professionnels de santé corrompus et maltraitants, tout en maltraitant des usagers du système de soin et des professionnels qui tentent de respecter leur éthique professionnelle", argumentent-ils dans la tribune.

Plusieurs plaintes auprès de l'Ordre à l'encontre de l'ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, condamné en décembre 2020 pour viols et agressions sexuelles sur mineurs, ont été "classées" selon Guillaume Getz, du Syndicat de la Médecine Générale (SMG), l'une des organisations à l'origine de la tribune. 

"On voit constamment des affaires qui surgissent", ajoute Bernard Coadou. 

La "confraternité"

Un des plus grands problèmes "systémiques" que relève Bernard Coadou est l’obligation à la confraternité établie par la déontologie. Selon lui, ce fonctionnement est "nocif". 

Dans la déontologie, la confraternité exige que deux médecins règlent leur litige par la conciliation et surtout que "les médecins se doivent assistance dans l'adversité." Mais d'après ce médecin, ce devoir dérive.

"Cela établit un communautarisme, qui nous oblige à nier l’assistance à personne en danger. Si je mets à disposition des éléments contre Le Scouarnec par exemple, je peux être attaqué pour rupture de la confraternité. Elle oblige à une solidarité à toute épreuve, y compris avec les pires prédateurs", regrette le médecin.