Et si trop travailler augmentait le risque d’AVC ?

Une étude française met en évidence une corrélation entre un temps de travail prolongé et un risque de survenue d’AVC.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Neurones : un venin d'araignée peut empêcher leur mort après un AVC -
Neurones : un venin d'araignée peut empêcher leur mort après un AVC -  —  Crédit photo : Сергей Лабутин - Fotolia.com

Vous êtes du genre bourreau de travail ? Voilà une étude qui devrait vous donner envie de lever le pied sur les heures supplémentaires. Un temps de travail prolongé est corrélé un risque de survenue de maladies cardio-vasculaires ou d’accidents vasculaires cérébraux (AVC). C’est ce que montre une étude menée par une équipe française de l’hôpital Raymond-Poincaré AP-HP, de l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, de l’Université Paris-Saclay et de l’Inserm, en collaboration avec des équipes américaines, européennes et japonaises. Leurs travaux ont été publiés le 20 juin 2019 dans la revue Stroke de l’American Heart Association.

Au moins 10 heures de travail quotidien

Afin d’étudier l’association entre temps de travail prolongé et risque d’AVC, les scientifiques se sont appuyés sur les données de la cohorte française CONSTANCES. Pilotée par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), elle regroupe 200.000 Français âgés de 18 à 69 ans et permet de mener des études épidémiologiques sur une grande partie de la population.

Dans l'étude, le "temps de travail prolongé" a été défini par une durée de dix heures ou plus par jour, au moins 50 jours par an. Un entretien médical complémentaire a permis d’identifier d’autres facteurs de risques cardiovasculaires et de précédents AVC.

Les personnes qui exercent un emploi à temps partiel et celles qui avaient déjà eu un AVC avant d’être exposées à un temps de travail prolongé ont été exclues de l’étude.

Plus les années de dur labeur s’accumulent, plus le risque augmente

Les chercheurs ont utilisé un modèle statistique qui permet d’évaluer l’association entre temps de travail et AVC, en fonction de l’âge, du sexe et du type de travail. Sur plus de 140 000 patients inclus, 0,9% ont rapporté un AVC, 29,6% des temps de travail prolongés et 10,1% des temps de travail prolongés sur plus de dix ans.

"Un temps de travail prolongé a été associé à une augmentation du risque global d'avoir un AVC de 29%", rapporte Alexis Descatha, professeur de médecine du travail à l'hôpital Raymond-Poincaré AP-HP.

Et les années passant, le phénomène s’amplifie. Etre exposé à un temps de travail prolongé sur dix ans minimum est fortement corrélé à la survenue d’AVC. "Quand on regarde précisément la durée d'exposition, on remarque qu'au-delà de 10 ans, l'augmentation du risque est évaluée à 45 %", ajoute le médecin.

"Au Japon, 60 % des cas de karoshi (décès par surmenage) sont décédés d'un accident vasculaire cérébral", note d’ailleurs les auteurs dans leur étude.

Les moins de 50 ans sont les plus à risque

L’association était plus significative chez les personnes de moins de 50 ans après prise en compte des facteurs de risque habituels. Aucune différence n’a en revanche été observée entre les femmes et les hommes.

Malgré ses limites (on ne peut pas conclure à un lien de causalité), ce travail confirme ainsi les conclusions d’une méta-analyse publiée en 2015 sur l’excès de risque d’AVC lié à un travail prolongé.

Un risque qui reste très faible

Pas de quoi, tout de même, s'affoler. "Le risque de base d'avoir un AVC est bas. Avec une augmentation du risque de 29 %, on passe de 0,8 à 0,93 % de risque, ce qui reste très peu, rassure le Pr Descatha. D'ailleurs, il a fallu attendre d'avoir un outil comme CONSTANCES pour être capable de mettre en évidence de manière solide cet excès de risque. S'il avait été plus important, il aurait été mis en évidence en France depuis longtemps."

Tous les milieux concernés

La nature du travail compte peu.Toutes les fonctions et tous les milieux sociaux sont exposés au même risque." Cadres, ouvriers, employés peu ou hautement qualifiés : tous sont concernés. Mais sans surprise, certains secteurs "ressortent" : la santé, les médias, et les métiers de la logistique, présentent un surisque, constate le médecin du travail. Ce sont des métiers où le temps de travail est généralement supérieur."

L'étude ne renseigne pas sur les mécanismes physiopathologiques du travail sur l'AVC. Mais Alexis Descatha et son équipe ont formulé des hypothèses. "Nous pensons qu'il y a une voie directe : certaines conditions de travail ont un effet sur l'AVC : le stress, le travail de nuit, certains travaux postés prolongés...Et aussi probablement une voie indirecte. Le travail modifie certains comportements comme le sommeil, l'alimentation, la consommation de tabac ou l'activité physique, qui sont eux-mêmes des facteurs de risque."

Ces résultats, qui pourront être utilisés dans le cadre de mesures de prévention globale et individuelle, devront être approfondis par des études complémentaires.