Prime aux soignants : "Nous demandons une revalorisation, pas l’aumône"

Alors que le gouvernement annonce verser une prime aux soignants qui luttent contre le coronavirus, le Syndicat national des professionnels infirmiers craint une "graduation" du personnel et appelle à une revalorisation pérenne des salaires.

Laurène Levy
Rédigé le , mis à jour le
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Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / David Herraez Calzada

Une prime exceptionnelle pour les soignants. C’est ce que le gouvernement compte verser en mai, selon le Premier ministre Edouard Philippe : 1.500 euros pour les personnels soignants des services de santé dans les départements les plus touchés par l'épidémie et pour ceux des services ayant accueilli des patients Covid-19 dans les départements les moins touchés. Les autres personnels de santé recevront une prime de 500 euros. Ces primes seront "nettes de tout", c'est-à-dire exemptes de charges et d'impôts.

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Entre 1.000 et 2.000 euros par agent

A ces primes s’ajouteront une majoration de 50% des heures supplémentaires, ce qui représente en moyenne plus de 600 euros par agent, également sans impôts ni charges, a ensuite souligné le ministre de la Santé Olivier Véran. Chaque agent recevra donc en moyenne 1.000 à 2.000 euros environ, a précisé Olivier Véran.
Enfin, le personnel du secteur médico-social, notamment celui des Ephad, qui a dû se réorganiser, recevra une prime supplémentaire.

Une "graduation choquante" des soignants

Mais Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC, reste "méfiant". Il redoute une différence entre un discours qui a "l’air généreux" et une réalité qui l’est bien moins. "Nous avons en mémoire le plan hôpital dévoilé en novembre dernier, qui promettait 800 euros par an pour les soignants mais qui, dans le décret du 30 janvier 2020, ne concernait finalement que quatre départements sur 100 et 11% des infirmières seulement" se souvient-il.

Le porte-parole s’inquiète donc d’une répartition des primes bien moins avantageuse qu’elle n’y paraît. "Qu’en sera-t-il notamment pour les infirmières déplacées de leur service pour renforcer les effectifs des services Covid ?" s’inquiète Thierry Amouroux.

Autre terrain de désaccord : "sur le principe, trier les soignants, comme s’il y en avait des plus impliqués que d’autres, pour attribuer les primes, constitue une graduation qui est choquante pour nous" confie-t-il à Allodocteurs.fr. "Nous avons tous les mêmes compétences, nous souffrons tous de la suppression de postes et des fermetures de lits. Notre charge de travail a doublé en 10 ans ! " justifie-t-il.

"Nous voulons être reconnus pour ce que nous sommes"

Plutôt que des primes, les syndicats infirmiers demandaient depuis maintenant un an une revalorisation du salaire à hauteur de 300 euros. "Nous sommes le seul pays du G20 où les infirmiers ont un salaire inférieur au salaire moyen français" déplore Thierry Amouroux. "Nous demandons une revalorisation, pas l’aumône. Nous voulons être reconnus pour ce que nous sommes, à la fois pour nos compétences, nos responsabilités et le poids de nos contraintes" appuie encore le porte-parole, qui rappelle les effets délétères pour la santé du travail la nuit et le week-end.

Trop de "morts évitables"

Et le coronavirus n’a pas terni ces revendications, bien au contraire. "Cela fait des années qu’on dénonce les restrictions budgétaires, on avait déjà du mal à faire face au quotidien bien avant le Covid. Aujourd’hui les soignants ont réussi à tenir car ils ont donné le maximum." Mais la situation n’est pas viable sur le long terme : "il y a des enjeux de santé publique et il y a des morts" constate Thierry Amouroux. "Ce que l’on voit aujourd’hui, ce sont tous les morts évitables, à cause d'un manque de matériel et de contaminations, des choix imposés par un manque de lits" souffle-t-il avec amertume.

Aux revendications déjà formulées vont donc s’ajouter dès la fin de l’épidémie une procédure pénale collective. L’objectif, pour Thierry Amouroux : "poursuivre en justice tous les responsables au niveau du gouvernement et les hauts fonctionnaires qui n’ont pas fait leur travail."