Feu vert en France pour les greffes d'utérus

L'Agence du médicament (ANSM) vient d'autoriser la transplantation d'utérus en France. Un essai clinique doit être lancé au CHU de Limoges - son protocole va inclure huit femmes, qui recevront l'utérus de donneuses en état de mort cérébrale. Le point avec le Professeur Michael Grynberg, gynécologue-obstétricien à l’hôpital Jean Verdier de Bondy, et spécialiste de l’assistance médicale à la procréation.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec le Pr Michael Grynberg, gynécologue-obstétricien à l'hôpital Jean Verdier de Bondy
Entretien avec le Pr Michael Grynberg, gynécologue-obstétricien à l'hôpital Jean Verdier de Bondy
  • A qui peut s'adresser une greffe d'utérus ?

Pr Michael Grynberg : "Cela peut intéresser les patientes chez qui on a enlevé l'utérus pour raisons médicales - soit suite à une hémorragie de la délivrance lors de l'accouchement, soit après un cancer de l'utérus. Cela peut aussi s'adresser à celles qui naissent avec une absence congénitale de l'organe."

  • Quels sont les critères d'inclusion dans le protocole de l'essai clinique de Limoges ?

Pr Michael Grynberg : "L'essai va d'abord s'adresser aux patientes qui ont une absence congénitale d'utérus : c'est la population la plus simple à traiter. Si une patiente a subi une radiothérapie, par exemple, ses tissus peuvent être abîmés - elle n'est donc pas forcément une bonne candidate de première intention."

  • Des chercheurs suédois, qui travaillent depuis des décennies sur la greffe d'utérus, ont eu recours à des donneuses vivantes - ils ont par ailleurs communiqué sur la naissance de quatre bébés depuis 2014. Pourquoi, en France, ce choix de donneuses en état de mort cérébrale ?

Pr Michael Grynberg : "Il n'y a pas de différence en termes de greffe, mais une planification différente. Avec une donneuse vivante, une organisation synchrone est possible, dans un timing assez restreint. Sur les donneuses en état de mort cérébrale, la logistique est plus complexe - mais pour les huit femmes du protocole de Limoges cela devrait être relativement facile à mettre en place."

  • Combien de temps va-t-il s'écouler entre une greffe d'utérus et la naissance d'un bébé ?

Pr Michael Grynberg : "Il faut au moins attendre un an pour s'assurer que la greffe est bien tolérée, qu'il n'y a pas de complications avec les traitements anti-rejet, avant d'envisager, dans un deuxième temps, une fécondation in vitro. Si le protocole de Limoges démarre en 2016, on ne peut pas escompter de naissance avant 2018."

  • On est là dans un domaine à la frontière de ce que la médecine pose comme questions éthiques : la procréation ne peut être considérée comme un domaine vital, or une greffe nécessite des traitements anti-rejet, avec le risque de développer un cancer… N’a-t-on pas dépassé ce que la médecine doit pouvoir proposer ?

Pr Michael Grynberg : "Non, je ne pense pas. Les femmes qui ont un désir d'enfant sont prêtes à aller relativement loin. Y compris à se tourner vers la gestation pour autrui, qui n'est pas sans poser d'autres questions éthiques. La médecine doit se pencher sur ces cas pour améliorer les choses. C'est bien notre rôle de faire avancer la recherche."