A vos livres ! Nos conseils lecture de la semaine
La dixième muse ; La Canine de George ; Les danseurs de l’aube ; L’œil du Paon... sont les livres présentés par Nicolas Houguet dans "Le Magazine de la santé" du 12 février 2021.
- La dixième muse
Alexandra Kosezlyk
Ed. Aux Forges de Vulcain, janvier 2021
La poésie habite le monde.
Alexandra Koszelyk conte l’histoire de Florent qui un jour découvre au cimetière du Père Lachaise la tombe d’Apollinaire. Peu à peu, Paris s’anime du souvenir du poète. Sa poésie et son souvenir semblent envahir le réel. Et nous sommes envahis avec Florent par cette réalité transfigurée visité par toutes les figures d’importance dans la vie du poète (ses amis, comme Picasso, ses maitresse comme Marie Laurencin et bien sûr Lou).
Alexandra Koszelyk nous transporte au cœur de ce qu’est une oeuvre, ce qu’aucune biographie ne peut fidèlement retranscrire : l’effet que fait un homme. Cela devient presque une incantation, un sortilège venu du fond des temps. Toutes les muses du poète qui s’allient pour dire ce qu’il a été et ce qu’il continue de représenter pour l’univers entier.
En lisant ce livre, on suit une extraordinaire passeuse qui rend sa pulsation à un art trop sacralisé et figé parfois. L’art qui aide à vivre et qui est partout pour ceux qui l’aiment et savent en déceler les signes. Guillaume Apollinaire devient aussi cher au lecteur que pour ceux qui l’ont connu.
- La Canine de George
Sigolène Vinson
Ed. L'Observatoire, janvier 2021
Ouvrir un livre de Sigolène Vinson, c’est entrer dans un rêve. Se faire à une folie et à un monde qui s’inventerait des codes. Une poésie qui se vit. C’est se laisser porter par une ivresse étrange et fascinante. Un film de David Lynch où il ne manquerait pas le tendresse. Une drogue d’une singulière et douce qui envelopperait votre âme. Lire Sigolène Vinson, c’est lire un sortilège. C’est quelqu’un qu’on aime dans ses mots, dont on découvre l’audace et la spontanéité désarmante comme celle d’un jeu d’enfants. C’est une énigme assez belle pour n’être jamais totalement élucidée. C’est la magie d’un texte qui n’appellerait pas d’explications. Juste des images qui portent comme des contes de Miyazaki, fantasques et envoûtants.
La Canine de Georgeest son sixième roman. Et c’est tout cela. Un rêve chamanique, un voyage psychédélique et une déclaration d’amour à George Harrison. Tout part d’une dent, la canine qui lui donne son sourire si particulier et si beau. Et puis cela appelle des personnages qui sont autant de variations de lui et d’elle (une petite fille, un vieil électricien, un curieux gourou, une femme obsédée par la quête de cette dent). Ça s’inscrit dans les astres comme des destins sacrés. Des songes que les matins ne parviendront jamais à effacer.
- Les danseurs de l’aube
Marie Charrel
Ed. L'Observatoire, janvier 2021
Marie Charrel pose des mots sur les échos de l’histoire et écrit les résonnances entre les destins, les souvenirs qui s’attardent dans le regard de protagonistes de deux époques différentes. Les mêmes combats, les mêmes engagements. Elle explore ces correspondances. Ces tragédies et ces grands espoirs qui hantent les pas de ses personnages. Comme si les époques se passaient le même flambeau, des idéaux sans cesse renouvelés La beauté de l’art qui sauve. Tout ce qui constitue le secret intime de chaque destinée.
C’est ce qui vous étreint à la lecture de son nouveau roman Les Danseurs de l’aube qui vient de paraître aux éditions de l’Observatoire. On y retrouve un esprit, une sensibilité propre à l’autrice. Une douceur et une immense humanité. Elle conte ici des vies entremêlées. Lukas, jeune homme à la beauté androgyne venu à Hambourg sur les traces de son idole, Sylvin Rubinstein. Il fut un danseur de Flamenco de génie qui s’habilla en femme dans les années 40 pour exercer son art. Lors de tensions et de manifestations en marge du G20, Lukas rencontre Iva, également chassée par les préjugés de son pays natal.
Marie Charrel décrit des êtres en liberté, qui jouent avec les normes et les codes, des funambules éclatant dont l’incandescent flamenco traverse toute l’Europe. Tous en quête d’eux-mêmes, tous en quête d’absolu, flirtant avec les marge et les interdits. Ils combattent toutes les idées reçues pour trouver leur identité et leur grâce profonde, pour s’élever à la hauteur de la sensualité intense du Flamenco. Conquérir le Duende.
Récit funambule entre deux époques qui se répondent, le roman est traversé d’un souffle immense, irrésistible. On y célèbre la passion pour échapper aux turpitudes, à l’intolérance, à la barbarie.
- L’œil du Paon
Lilia Hassaine
Ed. Folio, janvier 2021
Une jeune femme Héra, photographe, doit quitter son île natale au large de la Croatie pour s’installer à Paris chez des cousins. Chez eux, elle va découvrir le cynisme et le vertige de la capitale et du petit milieu artistique qu’elle côtoie. De la naïveté première le tableau évoluera vers une lucidité et une tension, une noirceur inattendue. Ce qui fait la beauté de ce livre c’est son élégance, sa poésie permanente. Ça m’a saisi aux premiers mots comme une sonate. Une belle langue et une grâce qui ne se dément jamais même pour décrire les travers les plus noir. Un livre découvert par hasard qui m’a emporté comme un voyage. Comme une vision qu’on partage. Beau comme une rencontre.
Vous pouvez commander les livres présentés par Nicolas Houguet en vous rendant sur le site de la librairie en ligne Griffe noire.