PMA pour toutes : les coulisses d'une loi

La mission d'information parlementaire a donné son avis sur l'ouverture de la PMA aux femmes seules ou aux couples lesbiens. Tout cela s'inscrit dans un contexte de débat et d'avis rendus, parfois houleux.

Rudy Bancquart
Rédigé le , mis à jour le
Crédit photo : ©Fotolia - Vidéo : "PMA pour toutes : les coulisses d'une loi", chronique de Rudy Bancquart, journaliste, du 15 janvier 2019
Crédit photo : ©Fotolia - Vidéo : "PMA pour toutes : les coulisses d'une loi", chronique de Rudy Bancquart, journaliste, du 15 janvier 2019

Aujourd'hui en France, la PMA est interdite pour les femmes seules et les couples de femmes. Pour y avoir recours, elles doivent se rendre à l'étranger, souvent en Belgique ou en Espagne dans des cliniques spécialisées. Face à cette situation, une des propositions du candidat Emmanuel Macron était d'ouvrir la PMA à cette partie de la population.

Une fois élu, le président de la République a exprimé le souhait d'un débat apaisé sur la question. Lors des états généraux de la bioéthique, les Français ont donc été consultés et en juin, le Comité consultatif national d'éthique a rendu un avis favorable.

Les députés favorables à la PMA pour toutes

Pour autant, il ne s'agit que d'un avis. Les députés se sont réunis de leur côté et ont aussi rendu un avis favorable. Ils souhaitaient participer au debat. Pour cela, ils ont créé une mission d'information présidée par le député Xavier Breton qui est contre l'ouverture de la PMA. Le rapporteur était Jean-Louis Touraine, pro-PMA pour toutes.

Ils ont donné la parole aux représentants associatifs de tous bords, aux intellectuels et aux experts médicaux tout aussi divisés. De grands noms de la médecine comme René Frydman ou Israël Nisand se sont exprimés et ont émis un avis favorable. Au final, la mission a rendu un avis favorable. Dans ce contexte de dialogue, le vote officiel de la loi aurait dû avoir lieu fin 2018, au plus tard début 2019.

L'examen du projet de loi reporté

La révision de la loi promise en 2018 a été repoussée au premier semestre 2019 et finalement, elle devrait avoir lieu à l'été 2019. Officiellement, ce calendrier fluctuant est dû à un agenda législatif chargé. Mais le gouvernement veut aussi laisser passer les élections européennes pour éviter la confusion des sujets. La PMA est un sujet sensible et clivant.

Ce report du calendrier n'a pas bien été perçu du côté des associations homosexuelles. En novembre dernier, Emmanuel Macron a reçu à l'Élysée des associations LGBT pour parler d'homophobie et de PMA. A l'annonce du report en juin 2019, deux associations lesbiennes, Les dégommeuses et La conférence européenne lesbienne, ont quitté la réunion. C'est une façon de mettre la pression et de montrer leur mécontentement. Contactée par nos soins, Alice Coffin, porte-parole, craint qu'Emmanuel Macron ne tienne pas sa promesse.

Les associations veulent se faire entendre

Les associations utilisent différents moyens pour se faire entendre. Les associations homosexuelles ont quelques relais et soutiens au sein de l'Assemblée nationale comme Guillaume Chiche ouvertement gay-friendly ou à Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée ouvertement lesbienne qui défend le dossier. Contactée par nos soins, elle confie que ce report était un mauvais signal mais selon elle, la loi sera votée. Et pour se faire entendre, des lesbiennes se sont réunies et ont publiées une tribune intitulée "Ne vous inquiétez pas pour nos enfants, ils sont aimés". Elle a été signée par Amélie Mauresmo et par la journaliste Emmanuelle Laborie.

Les opposants à la PMA pour toutes se mobilisent

Les opposants à l'extension de la PMA sont les mêmes qui militaient contre le mariage pour tous. On retrouve La Manif pour tous, Alliance Vita ou encore l'association Juristes pour l'enfance. Ils sont soutenus par l'église catholique et notamment Mgr Aupetit, médecin de formation et archevêque de Paris. Tous craignent que la future loi organise légalement la privation du père. Ils ne veulent pas de cette loi et font tout pour qu'elle ne voie pas le jour.

Ces associations sont très bien organisées, très mobilisées avec des moyens financiers importants. Leurs voix étaient surreprésentées lors des débats des états généraux de la bioéthique. Elles ont procédé à une campagne d'affichages anti-PMA depuis deux ans dans toute la France. Elles organisent aussi beaucoup de conférences partout sur le territoire. Aude Mirkovic, juriste contactée par nos soins, rencontre tous les élus de sa région. La Manif pour tous a envoyé à tous les députés un ouvrage de 400 pages, une sorte de synthèse sur leur position dans le but de les convaincre et notamment les députés de la majorité.

Du côté de la majorité pour le moment, seule Agnès Thill a pris position contre la PMA. A droite, le message n'est pas passé auprès de Gérard Larcher président du Sénat et de Valérie Pécresse qui sont plutôt favorables à la PMA pour toutes sous certaines conditions. En revanche, ces associations ont su convaincre Laurent Wauquiez, chef des Républicains. En novembre dernier, devant Sens commun, l'émanation politique de la Manif pour tous, ce dernier avait fait un lien entre PMA, eugénisme et nazisme. Cette idée est toujours défendue par certaines associations comme Juristes pour l'enfance.

Six mois sous haute tension

Les six prochains mois risquent donc d'être agités. Sous haute tension même malgré le feu vert du Conseil d'Etat, du Défenseur des droits et du CCNE. L'incertitude réside aujourd'hui dans les rangs de la majorité.

Car si les députés LREM sont obligés de suivre le gouvernement sur des questions comme le budget, la République en marche leur laisse une liberté de vote sur les questions éthiques.