Cancer de l'utérus : les produits de défrisage capillaire en cause ?

Utiliser régulièrement des produits de défrisage pour lisser les cheveux doublerait le risque de développer un cancer de l’utérus, alerte une nouvelle étude. Et les principales concernées seraient les femmes noires.

Mathieu Pourvendier avec AFP
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Produits de défrisage : risque de cancer de l'utérus
Produits de défrisage : risque de cancer de l'utérus  —  Le Mag de la Santé - France 5


Les produits de défrisage utilisés pour lisser les cheveux font courir un risque accru de cancer de l'utérus. C'est ce que révèle une vaste étude des Instituts américains de santé (NIH) publiée lundi 17 octobre dans le Journal of the National Cancer Institute.  

Les femmes ayant fréquemment recours à ces produits - plus de quatre fois par an - voient ainsi leur risque de développer un cancer de l'utérus plus que doubler, selon ces travaux qui précisent que les principales concernées sont les femmes noires.

378 femmes ont développé ce cancer

Le cancer de l'utérus (à ne pas confondre avec le cancer du col de l'utérus) représente environ 13 % des cancers survenant chez les femmes en France. Aux Etats-Unis, il correspond à environ 3 % des nouveaux cas de cancer, avec 66.000 cas et 12.500 décès en 2022. Mais le taux d'incidence de ce cancer est en hausse dans ce pays, notamment chez les femmes noires. 

L'étude se fonde sur les données de près de 33.500 Américaines, recrutées entre 2003 et 2009 et suivies sur quasiment 11 ans. Au total, 378 femmes ont développé un cancer de l'utérus. Pour les femmes n'ayant jamais utilisé de produit de lissage capillaire, le risque de développer un cancer de l'utérus d'ici leurs 70 ans est de 1,64 %, contre 4,05 % pour les utilisatrices fréquentes, a détaillé dans un communiqué Alexandra White, autrice principale de l'étude et directrice du groupe Environnement et épidémiologie du cancer au National Institute of Environmental Health Sciences (NIH).   

60 % des utilisatrices sont noires

Cette étude précise qu'environ 60% des femmes ayant dit utiliser des produits de défrisage étaient noires. "Parce que les femmes noires utilisent des produits de lissage ou de défrisage plus fréquemment et ont tendance à commencer plus jeunes (...), ces résultats pourraient être particulièrement intéressants pour elles", a souligné Che-Jung Chang, co-autrice de ces travaux et chercheuse au NIH.

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Produits cancérogène et perturbateurs endocriniens

Les chercheurs n'ont pas récolté d'informations sur les produits et les marques spécifiquement utilisés. Mais ils relèvent que plusieurs produits chimiques fréquemment utilisés pourraient contribuer à l'augmentation du risque de cancer : parabènes, bisphénol A, métaux ou encore formaldéhyde. Ce dernier, communément appelé formol, peut notamment être utilisé pour les lissages dits brésiliens - à des taux limités dans certains pays, dont la France. Il est classé comme cancérogène.           

Un autre mode d'action potentiel pourrait être la perturbation des mécanismes hormonaux. "Nous savons que ces produits de lissage contiennent de nombreux produits chimiques, dont des perturbateurs endocriniens, et on peut s'attendre à ce qu'ils aient un impact sur les cancers hormonodépendants", a expliqué a l'AFP Alexandra White. "L'inquiétude est que ces articles contiennent des produits chimiques qui pourraient agir comme l'œstrogène dans le corps", a-t-elle ajouté. De précédents travaux menés par la chercheuse avaient déjà soulevé un lien entre produits défrisants et risque accru de cancer du sein et des ovaires.

Lésions du cuir chevelu et chaleur des fers

Durant l'étude, aucune association similaire entre cancer de l'utérus et d'autres techniques comme les teintures, décolorations ou permanentes n'a été observée. 

Les produits de défrisage pourraient favoriser l'absorption des produits chimiques via des lésions ou brûlures causées sur le cuir chevelu, ou par l'utilisation conjointe de fers à lisser dont la chaleur décompose les produits chimiques.

Il est "temps d'intervenir"

Dans un commentaire publié simultanément, des experts indépendants ont loué l'utilité de ces recherches portant sur un sujet qui n'a jusqu'ici été que peu étudié. Bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour approfondir ces résultats, ils ont jugé qu'il était "temps d'intervenir" et ont invoqué un "principe de précaution" pour réclamer davantage de réglementations. 

Des changements "concernant les produits de soins personnels sont probablement requis à plusieurs niveaux", ont-ils écrit, afin notamment de "s'attaquer aux standards de beauté racialisés", et au "manque de transparence sur les produits chimiques" utilisés.

Prévenir le cancer du col de l'utérus  —  Le Magazine de la Santé