Alimentation : le péril jeûne ?

Partiel ou complet, continu ou intermittent, le jeûne est pratiqué par de plus en plus de personnes en France. Jeûne diététique ou jeûne thérapeutique, ces restrictions caloriques sont-elles vraiment bonnes pour notre organisme ?

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
À partir de quand dit-on que l'on jeûne ?
À partir de quand dit-on que l'on jeûne ? Les réponses de la Dre Diana Kadouch  —  Le Mag de la Santé - France 5

Jeûne : quel impact sur l'organisme ?

Lorsqu'il est privé d'aliments pendant un ou plusieurs jours (voire plusieurs semaines), notre corps doit faire face à ce manque de "carburant". Heureusement, il peut continuer à fonctionner en puisant dans les ressources dont il dispose.

On distingue trois phases. Le premier jour, l'organisme utilise le glucose disponible directement dans le sang. Puis, il "pioche" dans le glucose stocké dans le foie sous forme de glycogène. Il s'agit forcément d'une solution de très courte durée.

Dès le deuxième jour, les réserves en glucose et glycogène sont épuisées. La plupart des cellules vont alors trouver un "plan B" et puiser dans le tissu adipeux, c'est-à-dire les réserves en graisse. Mais certains tissus, comme les cellules du sang ou du cerveau, ne se contentent pas de cette solution et puisent dans le tissu musculaire et transforment les acides aminés des protéines en glucose. C'est la néoglucogenèse.

Après le cinquième jour, le corps entre dans une phase où il cherche à épargner son stock de protéines. Le foie et les reins fabriquent alors des molécules de substitution : les corps cétoniques, qui vont être utilisés par le cerveau à la place du glucose. Les corps cétoniques inhibent le centre de l'appétit dans le cerveau et supprime la sensation de faim. C'est ce qu'on appelle la cétogenèse.

Jeûner sans danger

Qu'est-ce que le jeûne intermittent ?
Qu'est-ce que le jeûne intermittent ?  —  Le Mag de la Santé - France 5

Jeûne total, partiel ou intermittent... Le terme de "jeûne" recouvre une très vaste gamme de pratiques, dont les risques à court terme sont bien évalués, mais dont les conséquences sur le moyen et sur le long terme reste mal connus.

Premier constat très général : l'organisme de très nombreux vertébrés est susceptible de survivre de quelques jours à plusieurs semaines sans apports nutritionnels, en puisant dans les réserves de l'organisme. Cette capacité est le fruit d'une sélection naturelle des animaux les plus résistants à la famine. Peu d'animaux peuvent toutefois survivre bien longtemps sans boire...

L'Homo sapiens moderne peut-il jeûner sans danger ? Et peut-il tirer un bénéfice de ce jeûne ?

Les études sérieuses évaluant les conséquences du jeûne (plus ou moins prolongé) sur l'humain sont rares. Aucune n'arrive à montrer les bienfaits pour maigrir (l'organisme met en place des stratégies de compensation et la personne reprendra du poids à l'arrêt du jeûne), pour se détoxifier (l'organisme sait éliminer ce qui est mauvais pour lui) ou purifier ses organes (médicalement, l'expression n'a aucun sens).

 Si la personne est en bonne santé, de corpulence normale et qu'elle n'a pas à réaliser trop d'efforts, ne pas se nourrir une journée semble sans grand danger. Les conseils prodigués aux personnes pratiquant des jeûnes religieux sont à prendre en compte. Au premier rang desquels : faire attention à la déshydratation.

Ne pas boire pendant plusieurs heures est ce qui présente le plus de risques pour la santé.

Certains médecins conseillent d'ailleurs à leurs patients de manger salé au moment de la rupture du jeûne, pour maintenir l'eau dans l'organisme et éviter la déshydratation. 

Si l'on se trouve dans une situation de jeûne prolongé, il est en indispensable de s'hydrater régulièrement et tranquillement (lentement) durant les phases où la consommation d'eau est possible.

Le jeûne peut s'accompagne de vertiges, de sensation de maux de têtes, de fluctuations de la vigilance, de changements de l'humeur (pouvant aller jusqu'à l'euphorie). Il faut rester très attentifs à ces signes, et songer à interrompre le jeûne si ces troubles sont susceptibles de vous mettre en danger.

Un jeûne de plusieurs heures est souvent indiqué avant certaines procédures requérant une anesthésie générale (risque de vomissements liés à l’anesthésie) ou des prélèvements sanguins (mesure de glycémie, du cholestérol).

Jeûne et maladies

Attention, le jeûne n'est pas indiqué chez les personnes malades ou à la santé fragile. Comme l'organisme puise dans les réserves de protéines, le jeûne peut être néfaste chez les personnes minces, enceintes ou âgées. 

Dans le cadre du cancer, il est impossible de recommander officiellement le jeûne en l'état des connaissances actuelles. La perte de poids et de masse musculaire aggrave la dénutrition et l'insuffisance de cellules musculaires (sarcopénie), deux facteurs associés à un plus mauvais pronostic.

 Certaines études estiment que le jeûne intermittent pourrait ralenti le vieillissement et certaines maladies dont le cancer mais elles doivent être confirmées par des études de grande ampleur, randomisées et contrôlées.

Des stages de jeûne ?

En France, les stages de jeûne et randonnée remportent un succès grandissant. Lors de ces stages, pas de petit-déjeuner mais seulement un verre de jus de pomme. Durant une semaine, les randonneurs jeûnent. Ils suivent la méthode allemande du Dr Buchinger, qui repose sur la consommation exclusive de jus, d'eau et de bouillons.

L'objectif des randonnées quotidiennes en pleine nature n'est pas d'être dans la performance mais de trouver son rythme et d'être à l'écoute de son corps. Pour faire ces randonnées sans apports nutritionnels solides, les organismes de chaque participant puisent dans leurs réserves de graisse.

Si les premiers jours de jeûne ne sont pas faciles physiquement, très vite le corps s'adapte et s'habitue à cette restriction calorique. Pour les participants, l'effet de groupe joue un rôle important dans les moments de doute ou de faiblesse causés par la diète.

Balades, découverte de la nature, yoga, repos… pour les participants, ce stage d'une semaine est aussi l'occasion de faire une pause dans leur quotidien et d'être dans une démarche spirituelle et de bien-être.

Il est important de noter que jeûner pour "détoxifier" son corps n'a aucun sens en termes scientifiques ou médicaux.

Discipline "millénaire" ?

Un argument souvent avancé en faveur du jeûne est l’ancienneté de cette pratique (le plus vieux témoignage de jeûne volontaire est un texte egyptien daté du XIII siècle avant notre ère). Toutefois, il faut bien garder à l’esprit que le grand âge d’une "pratique thérapeutique" ne garantit en rien son efficacité : pour exemple, les saignées, elles aussi millénaires, qui n’ont jamais rien fait d’autre que d’accélérer la fin de vie des personnes "traitées" !

Le fait que certaines traditions thérapeutiques aient aujourd'hui confirmé leurs bénéfices ne doit pas faire oublier que le caractère traditionnel n'a pas de pertinence en soi.

Jeûne thérapeutique : attention aux dérives sectaires

Stages de jeûne : comment reconnaître et se prémunir des dérives sectaires ?
Stages de jeûne : comment reconnaître et se prémunir des dérives sectaires ?  —  Le Mag de la Santé - France 5

La Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) s'inquiète régulièrement de la mode du jeûne thérapeutique. Cette pratique n'est pas sans risques pour la santé et doit donc être médicalement encadrée.