L’alimentation industrielle dans le collimateur des parlementaires

Un rapport parlementaire propose des pistes pour inciter le secteur agroalimentaire à utiliser moins de sel, moins de gras, moins de sucre et moins d'additifs dans ses produits et éduquer les enfants à manger sainement.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
L'étiquetage Nutri-Score étant facultatif, des industriels ont fait le choix de créer un classement alternatif des aliments.
L'étiquetage Nutri-Score étant facultatif, des industriels ont fait le choix de créer un classement alternatif des aliments.

Ces derniers mois, une commission d'enquête parlementaire a conduit une quarantaine d'auditions d’industriels, distributeurs, groupes de restauration collective, membres de l'administration, associations de malades, ONG et ministres. Ces travaux, rendus publics ce 26 septembre, concluent à l'urgence d'un changement.

"Au vu de l'échec avéré depuis trente ans des mesures d'engagement volontaire" de la grande distribution et des industriels de l'agroalimentaire, les députés préconisent en effet de limiter, "par voie réglementaire", la teneur en sel, en sucres et en acides gras des aliments transformés, et de rendre les étiquettes plus transparentes.

Des pains moins salés, et moins d’additifs "de complaisance"

Ainsi le pain, une "production 100% française sur laquelle on peut agir" et qui fournit "30% des apports quotidiens en sel" détaille Michèle Crouzet, députée (LREM) rapporteur de la commission, "ne devra pas excéder 18 grammes de sel par kilo de farine, et atteindre 16 grammes dans trois ans".

Le rapport préconise également de ramener à 48 le nombre des additifs utilisés dans les plats cuisinés notamment, contre 338 autorisés au total, d'ici à 2025, comme c'est déjà le cas dans l'alimentation bio. "Il va falloir qu'on détermine quels sont les additifs de complaisance, qui ne servent pas à grand-chose", a affirmé le rapporteur.

Éduquer au bien manger à l'école

Autre préconisation forte : renforcer "l'éducation à l'alimentation", dès l’âge trois ans, en rendant cet enseignement obligatoire au plus tard dans l'année scolaire 2019-2020, à raison "d'une heure par semaine de la maternelle au collège", a suggéré devant la presse Loïc Prudhomme, député (LFI) qui a présidé la commission.

Le repas de midi dans les cantines scolaires devra faire partie du programme d'enseignement en faveur d'une "alimentation saine, équilibrée et durable et de la lutte contre le gaspillage alimentaire", indique le rapport.

Pour protéger les plus jeunes, il est par ailleurs "impératif d'interdire la publicité alimentaire qui s'adresse aux enfants sur tous les types d'écrans", selon le député.

"Quand on prend l'habitude de manger trop salé, trop sucré, trop gras, des addictions se forment [...] il faut réapprendre à manger", a de son côté déclaré Mme Crouzet à l’AFP.

Des coupons pour consommer plus de produits sains ?

En outre, les cuisiniers de la restauration collective devront être mieux formés afin d'"améliorer la qualité des repas servis en milieu hospitalier" et de "lutter contre la dénutrition des personnes âgées en Ehpad", dit le rapport.

Alors que les personnes aux moyens modestes sont les plus consommatrices d'aliments industriels qui les exposent aux maladies chroniques, des coupons pourraient être délivrés par les Caisses d'allocations familiales (Caf) pour leur permettre de consommer plus de fruits et légumes frais.

Les modalités de la transposition de ces mesures dans une loi restent à préciser car "on touche à plein de points différents", a souligné Mme Crouzet.

Un véritable enjeu de santé publique

"En 2030, on estime qu'il y aura au moins 30 millions de personnes obèses ou en surpoids en France : c'est un problème de santé publique", source de maladies chroniques tels que les troubles cardio-vasculaires, a déclaré à l'AFP Michèle Crouzet. "Il n'est pas trop tard pour ne pas en arriver là et sauvegarder une alimentation saine et durable", juge-t-elle. 

"[Aujourd'hui, environ] 40.000 personnes déclarent [chaque année] un cancer lié à leur mode d'alimentation" a déclaré devant la presse Loïc Prud'homme. Le chiffre, qui peut surprendre, n’est pas sorti du chapeau du parlementaire. En effet, selon des travaux britanniques publiés en 2011 [1], plus de 9 % des cancers sont bel et bien liés à ce qui se trouve – ou ne se trouve pas – dans nos assiettes : 4,5 % pour l’insuffisance en fruits et en légumes ; 2,7 % du fait de la consommation excessive en viandes rouges et en charcuterie ; 1,5 % du fait d’une insuffisance de fibres alimentaires, et 0,5 % en raison d’un excès de sel…

avec AFP


[1] Parkin DM et al. "The fraction of cancer attributable to lifestyle and environmental factors in the UK in 2010: Summary and conclusions." Br J Cancer, 2011. 105(2). pp.77-81.