Une IRM du cerveau pour diagnostiquer un comportement pédophile ?

Un examen du cerveau peut-il diagnostiquer un comportement pédophile ? C'est ce que suggèrent des chercheurs allemands, qui ont soumis 25 hommes pédophiles à une IRM fonctionnelle. Une étude controversée.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Une IRM du cerveau pour diagnostiquer un comportement pédophile ?
IRM du cerveau
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Présentée comme une avancée méthodologique, cette étude conduite par le Professeur Jorge Ponseti, de l'université de Kiel en Allemagne, et publiée dans les très sérieuses Archives of General Psychiatry, propose l'IRM fonctionnelle cérébrale comme un moyen objectif d'identifier les pédophiles. Des conclusions qui sont loin de faire l'unanimité.

 Une IRM cérébrale pour identifier les pédophiles

Jorge Ponseti et son équipe ont recruté 25 hommes pédophiles, diagnostiqués comme tels et suivis dans le cadre d'un programme anonyme d'une clinique berlinoise. Ils ont soumis ces hommes à une IRM fonctionnelle (une Imagerie par Résonance Magnétique qui permet de visualiser l'activité cérébrale), pendant laquelle ils leur ont présenté brièvement 490 photos. Parmi ces clichés, quelques photos d'individus nus : des adultes hommes et femmes puis des enfants, garçons et filles. La même expérience a été conduite sur un autre groupe de 32 hommes volontaires, déclarés "non pédophiles" hétérosexuels et homosexuels.

Pour chaque participant, l'équipe a enregistré les variations d'oxygène dans le cerveau, signe d'une augmentation d'activité cérébrale. Ils ont constaté que pour dans le cas des hommes pédophiles, cette augmentation d'activité se concentrait, à la vision des clichés d'enfants nus, dans des aires cérébrales "connues comme étant impliquées dans les processus d’excitation sexuelle". Sur ces résultats, ils ont pu classer les témoins en différents sous-groupes : "pédophiles attirés par les petits garçons", "pédophiles attirés par les petites filles".

Selon les auteurs de l'étude, les résultats sont statistiquement fiables à 95 %, et la méthode par IRM beaucoup plus performante que les examens habituellement pratiqués sur les pédophiles. Jusque-là, le seul moyen d'évaluer les préférences sexuelles d'un homme consistait à enregistrer les variations de diamètre ou de volume du pénis. Cet examen, appelé la pléthysmographie pénienne, était jugé peu fiable et trop intrusif.

Des applications judiciaires ?

L'étude de Ponseti subit à son tour le feu des critiques et suscite des interrogations. Pas tant sur sa méthodologie que sur ses potentielles applications : que faire, en effet, des informations qu'elle nous donne ? Ce genre de résultats peut-il être utilisé à terme dans les tribunaux ? Aujourd'hui, l'utilisation des tests de pléthysmographie pénienne n'est pas reconnue par la justice. Quand ils sont effectués, c'est à des fins thérapeutiques, tout au long des traitements prodigués aux pédophiles pour en évaluer l'efficacité.

Pour le Dr Catherine Vidal, neurobiologiste, l'éventualité d'une utilisation judiciaire de la méthode de Ponseti est inenvisageable et éthiquement condamnable. Une position partagée par le Pr. Olivier Oullier, chercheur en neurosciences à l'Université de Provence. Pour lui, "il est dangereux de discriminer des personnes sur la simple base d'une imagerie fonctionnelle."

En revanche, Serge Stoleru, chercheur à l'Inserm, qui a conduit lui-même, dans une moindre échelle, une étude similaire à celle de Ponseti, est enthousiaste. "Cette étude a permis d’enregistrer chez un individu pédophile une réaction physiologique, cérébrale, à la vision d’enfants nus. L'utilisation d'une IRM pourrait donc effectivement s'avérer précieuse, dans un procès pour pédophilie par exemple, où l'on juge souvent parole contre parole. Mais elle n'apporte pas une information suffisante en soi. Elle ne peut que venir confirmer un faisceau de soupçons sur un individu."

Etude de référence : "Assessment of Pedophilia Using Hemodynamic Brain Response to Sexual Stimuli", Arch Gen Psychiatry. 2012;69(2):187-194. doi:10.1001/archgenpsychiatry.2011.130

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  • Centre d'analyse stratégique
    "Perspectives scientifiques et légales sur l'utilisation des sciences du cerveau dans le cadre des procédures judiciaires".