La lettre de Jean-Luc Romero au futur président de la République

La santé est la préoccupation numéro 2 des Français, après l'emploi. Pourtant elle reste quasiment absente des programmes des candidats à l'élection présidentielle. La rédaction d'Allodocteurs.fr a demandé à plusieurs acteurs de la santé d'écrire une lettre au futur président de la République. Euthanasie, avortement, urgences, médicaments, droit des patients, sida... En espérant que ces thèmes de santé feront enfin leur apparition dans la campagne électorale.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
La lettre de Jean-Luc Romero au futur président de la République

Madame, Monsieur le futur président de la République,

Les Françaises et les Français, en majorité, ont voté pour vous et vous ont élu pour être le président de la République française, ce dimanche 6 mai 2012.

Certains sujets que vous aurez à traiter sont d'une technicité ahurissante et je vous souhaite d’avoir d’excellents conseillers à vos côtés. Alléger le poids de la dette publique va blanchir beaucoup de vos nuits. Réduire le chômage est une nécessité impérieuse. Certaines décisions que vous aurez à prendre seront lourdes de conséquences humaines. Engager la France dans un conflit armé est un poids sur la conscience qui s’accroit à chaque drame.

Il est un sujet que vous aurez à traiter en priorité, assez simplement au fond, parce qu’il concerne 100% de vos concitoyens et que, selon les sondages, entre 86 et 94% des Français y sont favorables. Ce sujet, c’est celui de la légalisation de l’aide active à mourir. Non pas pour poser une alternative entre la vie et la mort, mais pour poser une alternative entre une mort choisie, abordée dans une relative sérénité, en conscience, et une mort subie, imposée, qui survient à l’improviste, dans la solitude d’une chambre d’hôpital. Pour répondre à cette question : la mort est là, que faisons-nous…

Je dis simplement, non pas que je méconnaisse la gravité de ce passage obligé de toute vie humaine, mais parce que certains pays européens – trois des six fondateurs de la CEE en 1957, je veux parler des Pays-Bas, de la Belgique et du Luxembourg – nous ont devancés et ont établi des dispositifs efficaces, encadrant les procédures, prévenant toutes les dérives, assurant l’égalité de traitement de chacun.

Inutile donc d’inventer ce qui existe déjà et qui donne satisfaction. Inutile de perdre encore de trop longues années durant lesquelles des femmes et des hommes que nous aimons vont mourir dans des conditions insupportables car non choisies.

Monsieur le futur président de la République, envoyez une mission impartiale auprès des autorités sanitaires des pays du Benelux, demandez à ces observateurs de rédiger un rapport et de préparer un texte de loi transposant dans notre droit cette loi de liberté que ces peuples connaissent depuis parfois plus de dix ans. Organisez le débat à l’Assemblée nationale et au Sénat et veillez à ce qu’aucun argument débordant de la laïcité plus que centenaire de notre République ne soit invoqué.

Le texte voté, ratifié, les décrets d’application pris, vous apprécierez cette loi de liberté qui place les Français au cœur de toute décision médicale de fin de vie, qui fait de notre pays un pays respectueux de la liberté individuelle et des consciences, et qui exonère les médecins de décisions qu’ils ne veulent pas, qu’ils ne peuvent pas ou qu’ils ne savent pas prendre.

Monsieur le futur président de la République, vous serez élu le dimanche 6 mai 2012 par la volonté majoritaire des Françaises et des Français. Entendez alors la demande d’une autre majorité qui souhaite conserver la maîtrise de son propre corps jusqu’au dernier jour de sa vie, qui souhaite que soient respectées ses dernières volontés.

Monsieur le président de la République, rappelez-vous durant ces cinq prochaines années que la France est un pays laïque, qui a toujours défendu la liberté.

Celle de finir sa vie dans la dignité doit être entendue.

 

Jean-Luc Romero
Président de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité