Grève des blouses blanches : pourquoi sont-ils en colère ?

Chirurgiens des cliniques et internes des hôpitaux publics sont en grève à partir du lundi 12 novembre 2012, pour une durée illimitée. Si l'accord obtenu par Marisol Touraine, la ministre de la Santé, avec les principaux syndicats de médecins, surnommé "l'avenant 8" est à l'origine du mécontentement, les objets de protestation divergent selon la profession médicale gréviste.

Cécile Guéry-Riquier
Rédigé le

"Pourquoi les médecins font-ils grève ?" - 12 octobre 2012
Reportage de Géraldine Zamansky, Maxime Vautier et Hervé Droguet

 

La journée risque d'être mouvementée dans les cliniques et les hôpitaux de France. Suite à l'appel à la grève des syndicats d'internes et de chirurgiens, le planning des blocs opératoires va être chamboulé. Et la grève est pour l'instant annoncée comme illimitée.

Pourquoi ces médecins en sont-ils arrivés là ? L'objet commun de la grogne est le fameux accord, appelé "avenant n°8", signé par la ministre de la Santé et les trois principaux syndicats CSMF, SML et MG France. Tour d'horizon des différents motifs d'une révolte annoncée.

Des internes épuisés et inquiets

Les internes sont les premiers à avoir lancé un préavis de grève pour se faire entendre par leur ministre de tutelle. Etudiants en médecine en fin de formation, ils n'ont pas eu la possibilité de participer activement aux négociations et n'ont assisté qu'aux débats de la réforme sur les dépassements d'honoraires.

Inquiets des "attaques" faites à la médecine libérale, les internes demandent à la ministre de valoriser ce mode d'exercice nécessaire à l'organisation de la santé publique en France, et de plus en plus en perte d'attractivité. La limitation des dépassements d'honoraires fait aussi partie des motifs d'inquiétude de ces internes, dont une partie s'installera en cabinet de ville à la fin de l'internat.

"Il y a une mise en place prévue dans l'accord d'un calcul régional des dépassements d'honoraires. Ce qui va poser problème aux jeunes praticiens, explique Emanuel Loeb, président de l'Inter Syndicat National des Internes des Hôpitaux (ISNIH). Par exemple en Rhône-Alpes, les charges qui sont allouées au praticien ne sont pas les mêmes à Lyon et à Saint-Etienne. Nous aimerions donc que le calcul des dépassements soit réalisé sur une base départementale, et non régionale."

Marisol Touraine a tenté de les rassurer en leur rappelant que, malgré les "rumeurs", le gouvernement "n'a pas la moindre intention de remettre en cause la liberté d'installation des médecins."

Les internes font aussi grève pour défendre leurs conditions actuelles de travail. Une récente enquête menée par le principal syndicat, l'ISNIH, a démontré que plus de 20% des internes ne peuvent pas prendre leur repos de sécurité. Ce repos de sécurité, obligatoire après une nuit de garde, permet à l'interne de ne pas travailler plus de 24 heures d’affilée. Ce non-respect de la réglementation n'est pas sans danger : 15% d’entre eux déclarent avoir déjà commis des erreurs médicales en lendemain de garde.

Ils manifesteront, ce lundi 12 novembre 2012, à 14 heures, de la gare Montparnasse au ministère de la Santé.

Des chirurgiens en manque de reconnaissance financière

La grève est aussi largement suivie par les médecins libéraux, en majorité les chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens travaillant en clinique privée.

La Fédération hospitalière de France estime que 70% des cliniques privées de Paris et de Lyon sont touchées, avec une participation moins importante en province, entre 30 et 70% d’établissements seraient concernés.

A l'origine du mouvement, la même désapprobation de "l'avenant 8", accord signé par Marisol Touraine, ministre de la Santé, et les trois principaux syndicats CSMF, SML et MG France. Dans cet accord, un taux maximum de 150% a été fixé pour les dépassements d'honoraires, soit deux fois et demi le tarif fixé par la Sécurité sociale. 

Le Bloc, syndicat majoritaire chez les spécialistes de bloc opératoire, réclame un plafond de dépassements plus élevé pour les chirurgiens, les anesthésistes et les obstétriciens. Leurs arguments : l'absence de revalorisation depuis plusieurs années de leurs actes par l'Assurance-maladie et la hausse du coût des assurances professionnelles

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a affirmé qu'elle était prête à "regarder" la question du prix des assurances professionnelles des médecins. "On peut regarder comment peser sur les assurances que contractent les chirurgiens", qui sont de plus en plus chères, a indiqué le ministre, interrogée sur i-Télé.

Les médecins ne sont pas des pigeons

La grève d'aujourd'hui fait suite à un mouvement de colère des médecins libéraux qui s'étaient d'abord exprimés sur les réseaux sociaux. Au début de l'automne 2012, un groupe Facebook appelé "Les médecins ne sont pas des pigeons" avaient relayé le désaccord de certains médecins libéraux non-syndiqués, qui ne se reconnaissaient pas dans l'accord obtenu par les syndicats principaux.

Un nouveau mouvement est né de cette protestation, l'Union Française de la Médecine Libre (UFML), réunissant des chirurgiens et médecins libéraux non-syndiqués. Ils ont prévu de manifester mercredi 14 novembre 2012, et ont donné un préavis de grève illimitée. 

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