Les urgentistes perplexes face aux annonces d'Agnès Buzyn

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé hier plusieurs mesures pour pallier la crise des urgences. Les syndicats d'urgentistes parlent eux de "mesurettes, rien de concret". 

Maud Le Rest
Rédigé le
L'afflux des services d'urgences n'a cessé de croître pour une majorité de motifs ne le justifiant pas
L'afflux des services d'urgences n'a cessé de croître pour une majorité de motifs ne le justifiant pas

"On ne peut pas réorganiser sans donner des moyens supplémentaires" s’insurge Patrick Pelloux, membre de l'association des médecins urgentistes de France (Amuf). Pour le praticien hospitalier, les mesures annoncées pour gérer la crise des urgences et stopper la grève sont clairement insuffisantes.

Parmi elles :

- une admission directe pour les personnes âgées sans passer par les urgences

- une assistance vidéo dans tous les Samu pour communiquer avec les Ehpad

- l'autorisation pour les Samu d'envoyer une ambulance vers un cabinet de ville ou une maison de santé

- une extension des prérogatives des personnels paramédicaux (prescription de radios, sutures) et une "prime de coopération" de 80 euros par mois

- l'élargissement des compétences des infirmières de pratique avancée à la spécialité urgences

"Le fonctionnement en flux-tendu, ce n’est pas possible"

D'après le Dr Pelloux cependant, ces annonces ne sont que "des mesurettes, rien de concret". Le médecin urgentiste s’attriste notamment de la situation des Ehpad, pour qui les annonces d’Agnès Buzyn ne vont rien changer. "Il faut leur donner des moyens supplémentaires. Et l’assistance vidéo, je n’y crois pas un seul instant ! Pour soigner des humains, il faut de l’humain" déplore-t-il.

Son confrère Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Amuf, se dit également "très déçu". Il s’agace tout particulièrement du bed management (gestion des lits en français, technique  d’organisation des hospitalisations), pratique courante. "Ca a été proposé pour la première fois il y a dix ans. Si ça marchait, ça se saurait ! Le fonctionnement en flux-tendu, ce n’est pas possible. L’hôpital n’est pas un hôtel !", développe le médecin urgentiste.

"La situation n’est plus tenable, et on l’a laissée évoluer pendant 20 ans"

D’après lui, quand on dépasse 85% du taux d’occupation des lits, l’hôpital dysfonctionne, d’où une surmortalité. "D’autant qu’on ne sait pas prévoir l’activité, qui peut varier d’un jour à l’autre de + ou – 20%" ajoute le dr Prudhomme.

La grève des urgences a débuté il y a presque six mois. Elle concerne près de la moitié des services du secteur public. Pour les Drs Pelloux et Prudhomme, ce mouvement socal ne risque pas de s’arrêter de sitôt. Mais Patrick Pelloux tient à souligner, au moins, un élément positif : "Avec la ministre, nous sommes d’accord sur le diagnostic : la situation n’est plus tenable, et on l’a laissée évoluer pendant 20 ans."

Agnès Buzyn, qui recevra "tous les acteurs du secteur" le 9 septembre, a déclaré que d’autres annonces allaient suivre dans les jours à venir.