Se ronger les ongles : quels risques pour les dents ?
Près d'un tiers de la population française se rongerait les ongles. Une pratique qui comporte des risques pour les dents et la santé buccodentaire. Explications du Docteur Christophe Lequart, chirurgien-dentiste.

Faites-vous partie des personnes qui se rongent les ongles ? Cette habitude, appelée onychophagie, toucherait 20 à 30% de la population générale. Si l'on ne connaît pas sa cause exacte, le stress, l'anxiété ou la nervosité font partie des facteurs qui peuvent donner envie de se ronger les ongles. Outre les risques d'infection au niveau des doigts, cette manie peur aussi fragiliser l'émail, la structure qui protège la dent des attaques acides et des variations de température, augmentant le risque d'hypersensibilité dentaire.
En effet, l'onychophagie favorise l'usure dentaire à cause des microchocs subis par les dents de manière répétitive. "Les dents ne sont pas des outils. Cette pratique crée des micro-fêlures au niveau des incisives et entraîne des risques de fracture", révèle le chirurgien-dentiste Christophe Lequart, porte-parole de l'Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire (USFBD). Cela peut résulter en la formation de petits débris d'émail, qui fragilisent la dent.
Des traitements dentaires moins efficaces
Les pré-adolescents (de 10 ans jusqu'à la puberté) sont la part de la population la plus touchée par l'onychophagie. Pour celles et ceux qui portent des appareils orthodontiques, se ronger les ongles peut ralentir l'efficacité du traitement. "Ceux qui portent un appareil ont des petites plaquettes sur les dents qui servent à tenir le fil. Le fait de se ronger les dents a pour risque de décoller ces plaquettes", affirme le Dr Christophe Lequart.
Une résine composite permet de restaurer la dent dans le cas d'une fracture mais se ronger les ongles peut ralentir l'efficacité de tout type de soin. "Si on prend le cas d'une personne qui a fait une chute de vélo et qui se ronge les ongles, cela apporte un risque majoré du décollement des restaurations apposées sur une dent car ces résines ne tiennent que par collage", complète-t-il.
À lire aussi : Est-ce vraiment utile de se brosser les dents juste avant d’aller chez le dentiste ?
Usure de la gencive, douleurs, infections...
Se ronger les ongles comporte aussi des risques pour la santé buccodentaire, avec une usure prématurée de la gencive. L'onychophagie freine aussi la guérison des aphtes, ces lésions bénignes qui se développent au niveau de la langue ou des joues. "Les aphtes cicatrisent spontanément de 10 à 15 jours mais se ronger les ongles peut ralentir leur cicatrisation", estime le chirurgien-dentiste.
Le fait de se ronger les ongles exerce aussi une pression au niveau de l'articulation temporo-mandibulaire. "Le fait de serrer continuellement les mâchoires peut amener des douleurs que l'on ressent au niveau de l'oreille et des tempes, on va le sentir au niveau du conduit auditif", indique le Dr Christophe Lequart.
Enfin, les bactéries, champignons et virus présents sous les ongles peuvent favoriser les infections et les contaminations. "Cela peut évoluer en mycose ou favoriser la transmission de maladies virales comme des gastroentérites ou le Covid-19", ajoute-t-il.
Se ronger les ongles n'est pas la seule habitude risquée pour nos dents. Mordre un crayon, ou tout autre objet de manière répétée, peut aussi provoquer une fracture. "Un fumeur de pipe qui mâchouille toujours au même endroit va user une partie de ses dents et cela va se voir. À nouveau, les dents ne sont pas des outils. Elles servent à mastiquer mais aussi à parler", expose le Dr Christophe Lequart.
Des astuces pour arrêter de se ronger les ongles
Chez les enfants, se ronger les ongles est fréquent. Pour les parents, la première chose à faire est de parler avec l'enfant, rappelait au Mag de la Santé la Dre Inès Zaraa, dermatologue : "Il ne faut surtout pas le sanctionner, car il va le faire en cachette et on ne va pas le surveiller H24". Parmi les astuces concrètes, les parents peuvent essayer de remplacer l'envie de se ronger les ongles par une activité manuelle, comme de la peinture ou du coloriage. Placer un pansement à motif peut aussi faire prendre conscience à l'enfant d'une barrière, afin de l'empêcher de se ronger les ongles de manière inconsciente.
Pour les adultes, mettre un petit sparadrap couleur chair, tous les jours, sur les ongles peut être un moyen de perdre cette mauvaise habitude. Les vernis amers en pharmacie ne sont pas toujours une alternative efficace. Le risque est de s'habituer au goût du vernis et de revenir à ce trouble malgré soi. Les faux ongles peuvent dissuader, le temps de perdre l'habitude. Consulter un dermatologue ou un psychiatre est recommandé dans le cas où cette pratique devient trop fréquente et s'apparente à un trouble obsessionnel du comportement (TOC).