« Si on avait eu les masques, on aurait eu moins de propagation du coronavirus »

Pénurie, recommandations confuses voire contradictoires des médecins et du gouvernement, la question des masques se retrouve au coeur de la crise du coronavirus.

Lucile Boutillier
Rédigé le , mis à jour le
« Si on avait eu les masques, on aurait eu moins de propagation du coronavirus »
Crédits Photo : © leo2014 / Pixabay

« L’usage du masque par la population générale n’est pas recommandé et n’est pas utile », déclarait Olivier Véran le 6 mars lors d’un point presse sur l'épidémie de Covid-19. Le ministre de la Santé et le reste du gouvernement répètent cette idée depuis le début de l'épidémie : les masques doivent être réservés aux soignants.

Pourtant, au fur et à mesure de la propagation de l'épidémie en France, des soignants et même des hôpitaux ont commencé à diffuser des tutoriels pour fabriquer soi-même des masques, soit pour les soignants, soit en appelant la population générale à les porter.

Des tutos crées par des médecins et des hôpitaux

Quatre médecins ont ainsi mis en ligne fin mars le site internet stop-postillons.fr, qui explique comment créer des écrans anti-postillons afin de se protéger un peu mieux du virus. Alors qui faut-il croire ? Les soignants sont-ils les seuls à avoir besoin de masques ? Les masques peuvent-ils être utiles à l'ensemble de la population ? 

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Pour le savoir, tournons-nous vers la Chine. Berceau de l’épidémie, elle commence juste à en apercevoir la fin après un confinement drastique. Tous les pays touchés par le coronavirus observent avec attention l’évolution de la situation sur place et les mesures prises par le gouvernement chinois. 

L'exemple de la Chine

Georges Gao est directeur général du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies. Dans un article publié le 31 mars par Le Monde, le virologue a déclaré : « La grande erreur aux Etats-Unis et en Europe est, à mon avis, que la population ne porte pas de masque. »

Le médecin explique cette nécessité, selon lui, de faire porter un masque à toute la population : « De nombreux individus atteints sont asymptomatiques, ou ne présentent pas encore de symptômes : avec un masque, on peut empêcher les gouttelettes porteuses du virus de s’échapper et d’infecter les autres. »

Des recommandations basées sur la pénurie de masques ? 

En France, aucun recommandation n'a été faite dans ce sens. En revanche, d’autres pays européens comme l’Autriche ou la République Tchèque ont de leur côté rendu le port du masque obligatoire.

Fianlement le 21 mars, soit deux mois après le début de l'épidémie en France, le ministère de la Santé admet une pénurie de masques. Certains font rapidement le lien entre cette pénurie et les recommandations initiales du gouvernement. « Depuis le début, je dis que la doctrine française est basée sur la pénurie de masques et pas sur les besoins sanitaires », affirme à Allodocteurs.fr le président du syndicat UFML Jérôme Marty.

Des initiatives individuelles

« Il y avait une communication totalement erratique, tout ce qu’on voyait c’est qu’en pharmacie on ne recevait rien. Le principal reproche que je ferai, car cette situation n’est pas due au gouvernement, c’est qu'il n'a pas dit la vérité », déclare le médecin généraliste.

Face à la pénurie de masques, des médecins, de manière individuelle ont lancé des initiatives. Certains hôpitaux, comme le CHU de Grenoble, ont même lancé un appel pour récupérer des masques faits maison en tissu. De nombreux tutoriels pour fabriquer ce genre de masques ont vu le jour sur internet.

Production de masques en tissu

Parallèlement, des entreprises spécialisées dans le textile ont arrêté leur production pour se mettre à coudre des masques. Pour finir, l'exécutif a même annoncé le 30 mars une collaboration avec 45 entreprises du textile en France pour produire ces masques non sanitaires.

« On se fout de nous, on s’est foutu de la médecine libérale, mais aussi des hospitaliers qui sont à poil, sans équipement ! Si on avait eu les masques, on aurait sans doute eu moins de propagation du virus. » poursuit le dr Jérôme Marty.

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Multiplication des plaintes ? 

Face à la pénurie d'équipements de protection, sept plaintes ont été déposées devant la Cour de justice de la République. L’une d’elles provient de trois médecins, soutenus par 1500 confrères. « L’UFML ne fait pas partie des syndicats qui ont porté plainte », précise son président. « Le moment n’est pas là, il faut se consacrer aux malades. Mais on le fera après la crise, notre avocat prépare le dossier. »

Selon Jérôme Marty, « les plaintes se compteront par centaines. On va remonter jusqu’à Xavier Bertrand et tous les traîner au tribunal. Ils n’auront pas affaire à des ingrats. Quantité de soignants vivent dans la peur : peur d’être contaminé et de ne pas pouvoir aider alors qu’on a besoin d’eux, peur de ramener le virus chez eux … Ce traumatisme doit être réparé. Il va falloir que les politiques s’expliquent. »

Aujourd'hui, l'Académie de médecine a de son côté recommandé le port de masques même "alternatifs" pendant le confinement et même après sa levée.