Dans le Grand-Est, “on fait de la médecine de guerre”

Le cap des deux mille cas de CoVid-19 a été dépassé hier dans le Grand-Est. Selon les soignants, tous les moyens ont déjà été déployés dans les hôpitaux et les cabinets médicaux. Mais l’afflux de malades, lui, ne faiblit pas.  

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Dans le Grand-Est, “on fait de la médecine de guerre”

Le Grand-Est a été la première région touchée par l’épidémie de coronavirus. Le nombre de malades ne faiblit pas : il a dépassé hier le cap des 2000 personnes. En médecine de ville comme à l’hôpital, les soignants sont forcés de s’adapter.  

“On fait de la médecine de guerre, de la médecine de catastrophe, constate Eric Thibaud, chef de service des urgences et du SMUR des Hôpitaux Civils de Colmar. C’est comme s’il y avait eu un tsunami ou un tremblement de terre, mais on est en plus sur un événement qui dure dans le temps.” 

“Les besoins sont très importants” 

Comme à Mulhouse, l’épicentre de l’épidémie dans la région, ou à Strasbourg, les services de l’hôpital de Colmar arrivent à saturation. La capacité d'accueil a pourtant presque doublé : de trente lits de réanimation en temps normal, l’hôpital est passé à cinquante. “Cinq malades graves arrivent chaque jour, et il faut réussir à faire rentrer cinq malades dans des lits qui sont déjà pleins”, déplore Dr Thibaud.  

Une prouesse quasi-impossible, d’autant que les malades graves, qui souffrent d’un syndrome de détresse respiratoire aigüe, restent au moins une dizaine de jours en réanimation. “C’est une petite proportion des malades, de l’ordre de 2%, précise Jean-François Cerfon, chef d’un des services de réanimation des Hôpitaux Civils de Colmar. Mais comme il va y avoir de plus en plus de gens touchés, les besoins sont très importants.” 

Pour gérer les arrivées de nouveaux malades, certains sont transférés dans d’autres hôpitaux. Le 18 mars, six patients du Haut-Rhin ont été transportés par avion vers les hôpitaux de Toulon et Marseille pour soulager les services saturés. A Colmar, Eric Thibaud compte sur l’ouverture de “l’hôpital de campagne" promis par Emmanuel Macron : “Nous, on arrive au bout des ressources disponibles. Cela représente 30 lits supplémentaires, c’est énorme.”  

Les médecins de ville en première ligne 

Dans la région, même la médecine de ville est saturée. Jean-François Cerfon est président du conseil départemental de l’Ordre des médecins, et salue l’effort des médecins libéraux : “J’ai reçu des appels de médecins catastrophés, qui n’ont pas de masques. Certains d’entre eux ont sûrement été contaminés."  

Annic Jarnoux, médecin généraliste à Strasbourg depuis 25 ans, a dû bouleverser ses pratiques pour réduire les risques. “Il y a trois semaines j’avais deux patients atteints. Lundi, je comptais 24 CoVid probables”, rapporte la généraliste. Sans instructions, elle prend elle-même ses précautions : "On s'est mises à avoir une tenue spéciale pour le travail, comme pour un bloc opératoire.”  

Dr Jarnoux a également décidé de ne prendre que des consultations téléphoniques, sauf pour les cas les plus graves, qui nécessitent d’être vus. “On les examine masqués, bottés, puis on désinfecte tout.” Mais elle redoute un afflux de ces cas grave : “Les complications arrivent entre 5 et 7 jours après, ça va être difficile à gérer pour nous.” 

Vers une nouvelle vague de contaminations 

En Moselle, les soignants s’attendent aussi à une vague de contaminations sous peu. “L’Alsace a été touché avant nous, mais on attend un pic épidémique d’ici ce week-end ou le début de la semaine prochaine”, précise Emmanuelle Seris, déléguée syndicale AMUF et cheffe du service des urgences de Sarreguemines. Mais dans son hôpital, il n’y a déjà presque plus de lits disponibles :  “Sans être pessimiste, je crains que nos moyens ne soient dépassés.” 

La médecin déplore le manque de matériel nécessaire aux soignants : “On n’avait pas assez de masques FFP2 pour se protéger dès le début.” Elle-même est atteinte du CoVid-19, et confinée chez elle. L’hôpital attend un nouvel arrivage de masques et de blouses. “On envoie des gens au front sans le matériel ! Ils vont se retrouver sur la touche, ou alors on va devoir faire travailler des soignants malades, qui vont contaminer les soignants et les malades.” 

Pour freiner l’épidémie, tous les soignants ont une unique recommandation : respecter les règles de confinement. “Avec tous ces gens qui se rassemblent, c’est certain que ça ne va pas diminuer, on va de nouveau avoir une flambée des cas dans 15 jours”, s’inquiète Dr Seris. A Colmar, le chef des urgences et du SMUR Eric Thibaud la rejoint : “Le confinement a pour but de stopper la propagation de l’épidémie, et c’est ce qui va permettre aux hôpitaux d'accueillir les cas graves.” En résumé : restez chez vous.