Bisphénol A : responsable d'intolérances alimentaires ?

Une exposition périnatale - pendant la grossesse et l'allaitement - au bisphénol A pourrait être liée au développement d'intolérances alimentaires à l'âge adulte. C'est la conclusion d'une étude réalisée par une équipe de chercheurs de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), à Toulouse, qui appuie la décision des pouvoirs publics de bannir le bisphénol A de tous les emballages alimentaires, à compter du 1er janvier 2015.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image d'illustration.
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Le bisphénol A (BPA) est largement présent dans notre quotidien. Ce composé chimique entre dans la composition de plastiques tels que les emballages ménagers ou les résines utilisées comme revêtement interne des boîtes de conserves, des cannettes ou des pots de peinture.

Depuis plusieurs années, de nombreuses études pointent du doigt ses effets nocifs pour la santé. Un lien entre l'exposition pendant la grossesse et le développement de tumeurs du foie chez la souris avait été démontré par des chercheurs l'Université du Michigan (Etats-Unis) en février 2014.

En France, les pouvoirs publics ont interdit, depuis 2013, l'utilisation de BPA dans les contenants alimentaires à destination des nourrissons. En janvier 2014, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) recommandait d'appliquer au bisphénol A une valeur limite dix fois plus faible que celle jusque-là en vigueur, soit 5µg par kg de poids corporel et par jour.

Plus de 20% de la population souffrent d'intolérances alimentaires

Cette fois, c'est pour son effet présumé à de faibles doses sur le développement d'intolérances alimentaires, dont souffrent plus de 20 % de la population mondiale, qu'une équipe de chercheurs de l'Inra Toulouse s'est penchée.

Pour tester la possibilité d'un tel lien, les scientifiques ont utilisé deux groupes de souris en gestation. Le premier a reçu chaque jour par voie orale une dose de BPA depuis la gestation jusqu'au sevrage alors que le second, le groupe témoin, n'en a pas reçu.

Une fois atteint l'âge adulte, les progénitures des deux groupes de rates ont été nourries avec une substance absente jusqu'ici de leur régime : de l'ovalbumine, une protéine que l'on trouve dans le blanc d'œuf.

Résultat : les chercheurs ont observé une réaction immunitaire dirigée contre cette protéine chez les rats qui avaient été exposés au BPA au cours de leur développement. Ceux du groupe témoin toléraient bien ce nouvel aliment, ne développant pas de réaction immunitaire suite à son ingestion.

Ces résultats montrent la vulnérabilité du système immunitaire des organismes en développement à l'exposition du BPA et démontrent que même à de faibles doses, l'exposition du nourrisson au cours de sa vie périnatale le prédispose au développement d'intolérances alimentaires à l'âge adulte.

Les seuils de toxicité à revoir ?

Pour cette étude, les scientifiques ont testé différentes doses d'exposition journalière au BPA (0.5, 5 et 50 μg/kg de poids corporel et par jour). C'est à 5µg par kg de poids corporel et par jour que les perturbations les plus importantes ont été constatées, soit la dose considérée sans risque pour l'homme par l'EFSA.

"Ces résultats démontrent qu'il existe encore des effets sur l'intolérance alimentaire à ces doses chez le rats", notent les auteurs dans leur étude. Ces nouvelles données soulèvent la nécessité de considérer à nouveau les seuils toxicologiques d'exposition au bisphénol A.

Source : The FASEB Journal, August 2014. Sandrine Ménard et al. doi:10.1096/fj.14-255380

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