Le ''grand procès'' du Mediator prévu pour 2015

La clôture, courant février, de l'une des deux informations judiciaires conduites sur le Mediator doit permettre de programmer pour 2015 le "grand procès" du médicament des laboratoires Servier, selon François Molins, procureur de Paris.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Le ''grand procès'' du Mediator prévu pour 2015

Deux informations judiciaires sont en cours, à Paris, dans l’affaire du Mediator. La première porte notamment sur des faits de tromperie, d'escroquerie et de trafic d'influence. Dans la seconde, des juges enquêtent sur des faits d'homicides et blessures involontaires, examinant l'éventuelle causalité entre la prise de Mediator et les pathologies développées par chacun des plaignants.

Cette seconde enquête risque de prendre plusieurs années. Toutefois, "les cas de 328 victimes" pour lesquelles, selon M. Molins, "toutes les investigations, notamment médico-légales, étaient terminées sans soulever de contestations de la part de la défense", ont pu être ajoutés au premier dossier en fin d’année 2013.

Cette première "jonction" entre les deux informations judiciaires autorise la tenue, au plus vite, d'un "maxi-procès du Mediator" visant tous les acteurs du scandale, a annoncé jeudi 16 janvier 2014 le procureur de Paris.

Il ne faudra donc pas attendre la clôture de la seconde enquête (pour homicides et blessures involontaires) pour débuter le procès.

Mediator : 328 premiers cas validés

Parmi les 328 cas joints à la première information judiciaire, 49 "présentent d'ores et déjà un lien de causalité certain" entre la prise de Mediator "et les pathologies constatées, valvulopathie ou hypertension artérielle pulmonaire", a expliqué le procuteur.

Sur ces 49 cas, il y a trois décès, mais des expertises sont toujours en cours concernant 11 autres morts.

Pour le procureur, la tenue d'un procès cherchant à déterminer la responsabilité de l'ensemble des acteurs possède un grand avantage : si le laboratoire Servier est seul sur le banc des accusés, il pourrait aisément se dédouaner sur l'administration, en l'occurrence l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

26 personnes mises en examen 

Après cette jonction, 26 personnes se trouvent mises en examen dans ce volet principal de l'affaire. Onze sont des personnes morales, parmi lesquelles différentes sociétés de la galaxie Servier mais également l'ANSM. Les 15 autres sont des dirigeants de Servier, des fonctionnaires, des médecins qui ont favorisé le maintien du Mediator sur le marché ou encore une ex-sénatrice soupçonnée pour ses liens avec Servier lors de la rédaction d'un rapport parlementaire sur le produit.

Les juges "devraient avoir fini mi-février", a précisé Aude Le Guilcher, vice-procureur au pôle santé publique de Paris.

Ensuite, il reviendra au parquet de prendre ses réquisitions, avant que les juges ne se prononcent sur d'éventuels renvois en correctionnelle. Ce procès est espéré au premier semestre 2015, selon une source judiciaire.

M. Molins a précisé que deux des huit magistrats de la section santé publique du parquet étaient affectés exclusivement depuis juin 2013 au dossier du Mediator, afin que le ministère public soit en mesure de rendre au plus vite ses réquisitions quand l'enquête sera terminée.

Ces réquisitions n'interviendront cependant pas avant que la cour d'appel ait rendu, le 7 mars 2014, sa décision sur une série de nullités soulevées par les avocats des mis en examen.

Le Mediator, qui contient une molécule coupe-faim, le benfluorex, a été indiqué pendant trente ans, d'abord contre l'excès de graisses du sang, puis comme traitement adjuvant chez les diabétiques en surpoids, avant d'être retiré du marché fin 2009. Il a en fait été largement prescrit pour maigrir.

Or, "l'effet anorexigène" a "été écarté systématiquement de la stratégie d'information de la firme Servier", a déclaré M. Molins, citant les conclusions de l'expertise de 800 pages versée au dossier en décembre.

Selon cette expertise, "rien ne justifiait que le Mediator soit maintenu sur le marché [...] après 1994 et surtout après 1997", a ajouté le procureur.

En savoir plus sur l'affaire Mediator :

Utilisé par cinq millions de personnes en France, le Médiator est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques et pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise effectuée dans le cadre de l'enquête.