Mutilations génitales : des solutions pour mettre fin aux violences

Alors que le nombre de femmes excisées en France a doublé en 10 ans, les autorités sanitaires et les associations militent pour prévenir les actes, mieux informer et mieux prendre en charge les femmes victimes de mutilations sexuelles.

La rédaction d'Allo Docteurs
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200 millions de femmes victimes dans le monde et trois millions de filles supplémentaires chaque année. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) rappelle les chiffres des mutilations génitales féminines alors que se tient ce 6 février la journée internationale contre ces violences. Les Nations Unies définissent ces mutilations comme "l'ensemble des interventions qui consistent à altérer ou à léser les organes génitaux de la femme pour des raisons non médicales". Il s’agit dans la majorité des cas d’une ablation partielle ou totale des lèvres ou du clitoris (excision) ou de sutures des lèvres (infibulation), rappelle la Haute Autorité de Santé dans un communiqué publié le 6 février.

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120.00 femmes excisées en France

En France, ces mutilations sont considérées comme un crime et sont interdites par la loi, même si elles sont commises à l’étranger. Pourtant, "la France est le 2e pays le plus concerné en Europe après le Royaume-Uni", note la HAS.

Les derniers chiffres officiels de Santé publique France, publiés en juillet 2019, faisaient ainsi état de 120.000 femmes adultes excisées vivant en France. Soit le double du chiffre estimé 10 ans auparavant. Une recrudescence qui pourrait s’expliquer d’une part par l’arrivée "de nouvelles femmes migrantes en provenance des « pays à risque »" et "par le passage à l’âge adulte des jeunes filles mineures qui n’étaient pas comptabilisées lors de la précédente estimation" en 2007 d’autre part, propose Santé publique France.

Dédramatiser, expliquer, rassurer

Mais comment prévenir ces mutilations et accompagner les femmes victimes ? "Il faut dédramatiser, expliquer et rassurer » commence la docteure Ghada Hatem-Gantzer, fondatrice et médecin-chef de la "Maison des femmes" de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) interrogée par l’AFP.

Au sein de cette structure, les médecins examinent ces patientes "pour vérifier la profondeur des dégâts et leur expliquer ce qu'elles ont", explique Ghada Hatem-Gantzer car beaucoup d’entre elles "se sentent totalement démunies". Un accompagnement à construire au cas par cas, car "toutes ne souffrent pas de la même chose" note la médecin-chef.

La HAS publie ses recommandations

Pour accompagner au mieux ces victimes, les professionnels de santé doivent être formés à reconnaître et prévenir ces maltraitances. C’est en ce sens que la HAS publie de nouvelles recommandations destinées à améliorer la prise en charge des femmes victimes de cette maltraitance encore "largement méconnue".

Premier point essentiel : avoir conscience que ces violences touchent "tous les âges et toutes les catégories socio-professionnelles", et que le risque est accru si les mères des patientes sont elles-mêmes mutilées sexuellement, souligne la HAS.
Il faut ensuite savoir repérer les signaux d’alerte : l’origine géographique des parents de la patiente parmi une liste de pays à risque, l’existence de mutilations sexuelles de l’entourage ou encore un projet de voyage dans le pays d’origine.

Douleurs, infections, complications...

Aborder le sujet avec une patiente ou les parents d’une petite fille reste complexe. La HAS propose aux professionnels d’amener progressivement la question à certains moments-clés (premier examen de la nouvelle-née, examen de routine, avant ou après un voyage…), en rappelant la loi et en listant les risques pour la santé : infections, douleurs aiguës ou chroniques, complications urinaires et/ou gynécologiques, difficultés sexuelles, complications obstétricales ou encore conséquences psychologiques comme le stress post-traumatique ou la dépression. Dans tous les cas, la prise en charge ira donc "au-delà de la dimension chirurgicale et (devra) comporter un accompagnement psychologique" précise la HAS.

Orienter les victimes

Enfin, le professionnel de santé se doit d’agir s’il détecte un risque ou une violence avérée.

  • Si le risque est imminent : faire un signalement en urgence au Procureur de la République et à la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) du département.
  • Si le risque existe mais n’est pas imminent : transmettre une "Informations préoccupante" à cette même CRIP.

Dans ces deux cas, orienter les patientes majeures vers le numéro vert Violences Femmes Infos 3919, vers une association spécialisée, un centre d’information des droits des femmes et des familles (CIDFF) ou un hébergement d’urgence via le 115.

  • Face à une victime : établir un signalement au Procureur de la République et orienter la victime vers un service de chirurgie pédiatrique (si elle est mineure) ou une équipe multidisciplinaire expérimentée dans la prise en charge des mutilations sexuelles féminines.

"Eduquer les hommes, les mères et les grands-mères"

Au-delà de l’aspect médical, ce sont également les mentalités qui doivent changer. Les mutilations sexuelles féminines, principalement réalisées par des femmes, le sont souvent sous la pression des hommes.

"Il faut donc éduquer les hommes mais aussi les mères et les grands-mères sur les conséquences, qu'elles connaissent puisqu'elles les ont vécues, pour qu'elles arrêtent d'avoir peur d'être reniées et qu'elles l'expliquent à leurs soeurs, à leurs filles" propose Ghada Hatem-Gantzer. "Et expliquer aux maris que c'est beaucoup plus sympa de faire l'amour avec une femme qui prend du plaisir..." poursuit-elle.

"Nous choisissons de modifier nos corps"

C’est également le combat de Jaha Dukureh, elle-même victime, créatrice de l’association Safe Hands for Girls et ambassadrice d’ONU femmes pour l’Afrique. "Parce que les femmes devraient avoir le droit de faire un choix en ce qui concerne leur corps et que personne ne devrait pouvoir leur imposer quoi que ce soit sans leur consentement" écrit-elle dans un communiqué publié à l’occasion de la journée internationale.

"J’aimerais que chacune des femmes puisse désormais dire « Je n’avais pas le choix, mais maintenant j’ai une voix »". Une volonté aujourd’hui au cœur de la campagne de sensibilisation de l’association, matérialisée par la vidéo 200 Million Girls. "Nous choisissons de modifier nos corps. Elle n’a pas eu le choix" martèle ce clip réalisé avec des adeptes des modifications corporelles volontaires comme les tatouages et les piercings.

En plus de cette vidéo, l’association Safe Hands for Girls lance le hashtag #EndFGM ("End Female Genital Mutilation", soit en français "En finir avec les mutilations génitales féminines") sur les réseaux sociaux.  L’objectif : porter ces violences sur le devant de la scène publique, pour enfin éradiquer les mutilations génitales féminines d’ici à 2030.