Du pastis contre les rats

Pour dératiser les rues, Jacques utilise des pièges, des fumigènes et un peu de pastis. La mairie du XVIIe arrondissement de Paris a fait appel à ses services.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image extraite du film ''Ratatouille''
Image extraite du film ''Ratatouille''

C'est avec des fumigènes, des tapettes et même du pastis, que Jacques d'Allemagne dératise bénévolement les rues. Le maire Les Républicains du XVIIe arrondissement, Geoffroy Boulard, a décidé d’avoir recours à ses services.

Financier, juriste... et piégeur de rats

Côté cour, Jacques, 54 ans, est conseiller financier et juriste. Côté jardin, il traque les rongeurs depuis son enfance et a été président de l'Association des piégeurs agréés d'Île-de-France pendant cinq ans.

L'été dernier, Geoffroy Boulard, fustigeant un "manque d'expertise" de la mairie de Paris sur le sujet de la dératisation, a donc fait appel à Jacques pour dératiser les abords d'une crèche infestée.

"J'ai principalement utilisé des nasses pour piéger les rats. J'en ai capturé une vingtaine", raconte Jacques, qui a suivi une formation de trois jours à l'issue de laquelle il a reçu un "agrément de piégeur" de la préfecture.

Au pied d'un arbre, il repère un terrier où il dépose un petit sachet contenant un fumigène, habituellement destiné à chasser les taupes. Lorsqu'il le recouvre d'eau puis de terre, du gaz s'en dégage et asphyxie les rats.

Du pastis, mais pas trop !

De manière plus originale, le pastis fait également partie de la panoplie de traqueur de rats de Jacques. "Il faut motiver les rats pour qu'ils aillent dans la boîte installée par la mairie où se trouvent les produits toxiques", explique le bénévole. "Comme les rats aiment l'anis, je mets une goutte de pastis devant la boîte", ajoute-t-il.

Pour Geoffroy Boulard, les méthodes de Jacques sont les bienvenues. "Nous sommes face à une urgence sanitaire. Les rats, ça fait bien deux ans que ça devient un problème fort", estime l’élu.

Quatre millions de rats dans Paris

Les experts évaluent le nombre de rongeurs, à Paris, à près de quatre millions. Leur recrudescence dans les rues s'explique, selon la mairie, par l'augmentation des déchets alimentaires et les crues de la Seine qui ont poussé les rats à sortir des égouts. En janvier, au moment de la crue, une vidéo virale montrant une colonie de rats grouillant dans une poubelle s'était répandue sur les réseaux sociaux.

Poubelles hermétiques, verbalisation des "nourrisseurs de rats" intentionnels par une amende de 68 euros, installation de boîtes contenant des raticides, etc. En 2016, la Ville de Paris a mis en place un plan de lutte contre les rats doté d'un budget de 1,5 million d'euros. Quelques 69 agents y sont dédiés.

La Ville affirme également avoir considérablement augmenté le nombre d'interventions : près de 5.000 de janvier à juillet 2018 contre 1.700 pour la même période, un an plus tôt.

Les "nourrisseurs de rats" pointés du doigt

Pourtant, certains Parisiens continuent de juger la situation critique. "On est débordés. Les habitants ont peur", s'alarme Hervé Gaudière, gardien d'immeuble dans le XVIIe arrondissement. "C'est vraiment un fléau, c'est problématique pour les enfants", abonde une mère accompagnée de son fils qui s'engouffre dans son école où un rat mort a été retrouvé dans la cour. 

"Ce sont les « nourrisseurs de rats » qui nous posent le plus problème. Sinon ce que fait la mairie aurait fonctionné", estime, pour sa part, Jacques, qui considère son action comme complémentaire de celle de la Ville.

Geoffroy Boulard juge, lui, que la mairie de Paris n'en fait pas suffisamment, et réclame le doublement du budget dédié à la dératisation.

Le gaz carbonique pour tuer les rongeurs ?

De retour d'un voyage à New York, où il est allé piocher des idées chez les édiles de Brooklyn et de Manhattan, le maire du XVIIe arrondissement espère également que la Ville de Paris généralisera l'utilisation de la glace carbonique, réputée efficace aux Etats-Unis. Une fois déposés dans des terriers, les glaçons de gaz carbonique se réchauffent et dégagent du CO2, qui asphyxie les rats.

"La glace carbonique est déjà en cours d'expérimentation, mais il faut attendre l'avis de l'Anses [Agence de sécurité sanitaire, ndlr] et voir si ça fonctionne avant d'envisager une quelconque généralisation", indique-t-on à la mairie.

En juin dernier, Geoffroy Boulard a lancé le site signalerunrat.paris, qui a reçu plus de 3.000 signalements dans le XVIIe et qui intéresserait, selon lui, d'autres maires d'arrondissement. De son côté, l'Hôtel de Ville renvoie vers son application mobile DansMaRue qui permet déjà de déclarer, outre la présence de détritus et les incivilités, la présence de rats.

Propriétaires et locataires aussi

Rappelons, toutefois, que la dératisation n’incombe pas uniquement aux services municipaux. En cas de prolifération de rongeurs dans un immeuble ou dans un établissement privé, le règlement sanitaire départemental impose à tout propriétaire ainsi qu’aux locataires "de prendre sans délai les mesures prescrites par le Préfet de police en vue d'en assurer la destruction et l'éloignement". Soit, en particulier, de procéder à la dératisation des locaux.