Quels sont les effets des antidépresseurs sur la sexualité ?
En France, plus d’un tiers des personnes âgées de 15 à 85 ans ont déjà pris un antidépresseur. Ces médicaments peuvent occasionner des effets secondaires, notamment sur la santé sexuelle. Le Dr Gilbert Bou Jaoudé vous explique.

Le terme "antidépresseur" prête à confusion. Il laisse supposer que ces médicaments soignent uniquement la dépression. Or, les antidépresseurs sont utilisés pour d'autres indications, telles que certaines douleurs neurologiques : l’anxiété, les phobies, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), certaines douleurs, les migraines... Au total, plus de 4 millions s’en voient prescrire chaque année en France.
Ces médicaments modifient l’équilibre de plusieurs neurotransmetteurs : sérotonine, noradrénaline ou encore dopamine. Ces messagers interviennent dans plusieurs fonctions du cerveau et du corps. Les effets dépassent largement la dépression et peuvent impacter différentes zones de l'organisme, dont la fonction sexuelle.
Quel est le lien entre antidépresseurs et sexualité ?
D'après les études, 40 à 70 % des patients, femmes comme hommes, ont remarqué un changement dans leur sexualité. Sur les notices des antidépresseurs, on lit plutôt "10 à 15 %”. Cela dépend des molécules, des doses, et de la raison du traitement, mais globalement, une personne sur deux constate un impact sur la fonction sexuelle, ce qui est donc assez fréquent !
Comment expliquer cet impact ? Un antidépresseur agit sur les zones du cerveau responsables de nos émotions afin de les diminuer, tels que l'anxiété, la tristesse, le stress… Or, l’excitation sexuelle, d’un point de vue neurobiologique, est une forme d'émotion, donc elle va, elle aussi, diminuer. L'effet domino conduit à moins d’érection ou de lubrification, moins de plaisir et moins de désir. L'orgasme est difficile, voire impossible, à atteindre. En somme, le système sexuel tourne au ralenti.
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Faut-il craindre les antidépresseurs ?
Il ne faut ni craindre ni aduler les médicaments, mais les connaître pour bien les utiliser. La preuve : cette même classe de médicaments peut aussi améliorer la sexualité. D'abord, si le trouble sexuel est causé par une anxiété majeure ou une dépression, traiter la cause par un antidépresseur peut améliorer la sexualité !
Et surtout, deux médicaments de cette même catégorie sont officiellement commercialisées pour traiter des troubles sexuels :
- La dapoxétine, prescrite en France, pour traiter l’éjaculation prématurée.
- La flibanserine, prescrite aux États-Unis, pour la baisse de désir chez les femmes non ménopausées…et ces médicaments sont contre-indiqués dans la dépression !
Que faire en cas d'effet sur la sexualité ?
Il y a 20 ans, les effets sexuels des antidépresseurs étaient peu étudiés. Aujourd’hui, choisir et adapter les molécules est plus simple. À l’avenir, des tests pourraient permettre de connaître les risques de développer des effets secondaires. Le mieux est de discuter avec le médecin, au moment de la prescription ou après, si des problèmes sexuels surgissent.
Malgré les difficultés à en parler, il est indispensable de le faire car il existe des solutions. Il est possible d'ajuster la dose ou parfois changer l’heure de la prise - prendre le médicament le soir au lieu du matin, par exemple, ou bien de fractionner la dose. Une autre possibilité est de changer de molécule ou d'ajouter un traitement pour améliorer la sexualité le temps de finir l’antidépresseur.
Attention, il ne faut jamais arrêter le traitement seul. Le risque est un effet rebond d’anxiété ou de dépression. La règle d’or est de ne pas rester seul, de ne pas bricoler le traitement, mais d'en parler pour avoir les solutions adaptées.