Orages cytokiniques : un rôle surestimé dans les décès du covid ?

Les emballements du système immunitaire, ou orages cytokiniques, auraient finalement joué un faible rôle dans les décès du covid, selon une nouvelle étude. Une découverte qui remet en cause l’utilité des traitements aux corticostéroïdes.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le
Image d'illustration.
Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / Giovanni Cancemi

Et si les orages cytokiniques étaient une fausse piste pour expliquer les décès du covid ? Selon une nouvelle étude publiée dans le journal Science Advances le 13 novembre, ces emballements du système immunitaire auraient en fait joué un rôle mineur dans les formes graves et la mortalité du covid.

Au contraire, les chercheurs américains de l’université de médecine de Washington et du centre de recherche hospitalier St Jude à Memphis qui signent l’étude privilégient la thèse d’un épuisement du système immunitaire.

A lire aussi : Deux pistes pour expliquer les formes graves de la Covid

Covid ou grippe, quelle réponse immunitaire ?

L’étude constitue à ce jour la plus importante comparaison de la réponse immunitaire humaine à deux infections respiratoires virales : la grippe et le covid-19. La recherche a porté sur 168 adultes atteints de covid, 26 adultes atteints de la grippe et 16 volontaires en bonne santé. Plus de 90 % des patients atteints de covid-19 ont déclaré une forme grave qui a nécessité une hospitalisation et 23% d’entre eux sont décédés.

Pour la grippe, plus de la moitié des patients ont été hospitalisés et 8 % des personnes hospitalisées sont décédées.

Seulement 4% d'orage cytokinique

Pour comprendre la réponse immunitaire, les chercheurs ont mesuré les taux de 35 cytokines différentes. Les cytokines sont de petites protéines sécrétées par les cellules sanguines pour organiser la réponse immunitaire et déclencher une inflammation. Les orages cytokiniques, ces emballements immunitaires potentiellement mortels, surviennent quand la production excessive ou anormalement régulée de cytokines entraîne une hyperinflammation.

Résultat : seuls sept patients covid, soit 4% du groupe, présentaient des taux correspondant à un orage cytokinique. La majorité présentait au contraire une réponse immunitaire très affaiblie. Et globalement, les patients covid affichaient des taux de cytokines plus faibles que les patients atteints de la grippe.

Épuisement plutôt qu’emballement

Si les orages cytokiniques ne sont pas en cause, qu’est-ce qui l’est ? Les chercheurs ont mesuré que le taux de certaines cytokines qui jouent un rôle central dans la réponse immunitaire antivirale, les interférons de type I et II, était significativement réduit.

Des résultats qui suggèrent un "affaiblissement de l'immunité" chez "la plupart des patients covid", interprète le docteur Paule Thomas, spécialiste en immunologie au centre St Jude dans un communiqué de cet établissement. "Ces patients pourraient avoir besoin d'une thérapie pour augmenter leur réponse immunitaire afin de faire tomber le virus" ajoute-t-il.

Revoir le traitement ?

Effectivement, ces nouveaux résultats remettent en cause le recours actuel aux stéroïdes comme la dexaméthasone qui inhibent le système immunitaire pour contrer les éventuels orages cytokiniques. Ces médicaments risqueraient d’enfoncer encore plus un système immunitaire déjà affaibli.

Les auteurs de l’étude suggèrent donc la mise en place d’un test rapide pour mesurer les cytokines chez les patients covid. Cet examen permettrait d’identifier les personnes chez qui un traitement immunosuppresseur – comme la dexaméthasone – serait bénéfique et celles chez qui un traitement immunostimulant serait préférable.