Comment les champignons poussent-ils dans une carrière ?

Franchir, ce passage secret près du Cher, c’est faire un bond dans l’Histoire. Dès la fin du 15ème siècle, des carriers empruntent ces souterrains pour extraire une pierre blanche, le tuffeau royal où se cachent désormais des champignonnières.

Céline Morel
Rédigé le

"On vient de rentrer dans l’ancienne carrière de pierres de tuffeau royal, qui a servi à construire les châteaux de Chambord, Chenonceau, Cheverny. Le tuffeau est une pierre vivante qui apporte un taux d’humidité exceptionnelle de plus de 98% dans l’air, une température de 12 degrés constante tout au long de l’année, une très bonne ventilation" explique Julien Delalande, champignonniste.

Ces conditions climatiques sont idéales pour faire pousser des champignons. Dans cette galerie cela fait 140 ans que les carriers ont progressivement laissé leur place à des cueilleurs.

Quatre générations de champignonnistes se sont succédés entre ces murs mais la recette est toujours restée la même.

Le champignon subit un choc thermique

"La nourriture du compost est du crottin de cheval mélangé avec de la paille. Ensuite on fait chauffer à 23 degrés pour que le mycélium, donc les spores du champignon se mettent dans le compost, puis on ajoute un peu de terre pour garder l’humidité ", commente Marlène, cueilleuse de champignons.

Les bacs sont ensuite disposés dans ces souterrains, prêt à subir un véritable choc thermique.  

"La différence de température entre l’incubation à 23 degrés et l’arrivée en carrière où il fait 10/13 degrés est ce qui va faire relever cette moisissure que vous voyez. Cela va devenir un peu plus compact, et puis on commence à voir le petit bout qui va se former pour le champignon", renchérit Marlène.  

Il faut moins de 48h à ce champignon de l’espèce pied bleu pour atteindre sa taille adulte, une fois sorti de terre. C'est une croissance aussi rapide que celle du rosé des prés qui pousse lui aussi par choc thermique. 

Un petit air de champignon de Paris

Le rosé des prés est riche en fibres, en vitamines et en minéraux. Il fait partie de la famille du plus connu des champignons, celui de Paris, popularisé grâce à sa couleur blanche.  

"Le blanc est un hybride. La ménagère voulait dans les années 1960 un champignon blanc, alors que le rosé des prés à l’état naturel est blond crème. Le brun a plus de goût que le blanc. On retrouve une chaire ferme et vous avez le goût qui va vous rester en bouche pendant 1h" confie Julien Delalande champignonniste.

Le Shiitake, excellent pour la santé

Dans cette étrange forêt de bûches blanches constituées de paille et de copeaux de chênes poussent les shiitakes, une espèce endémique du Japon. Pour se développer, ils ont besoin d’être "ébranlés".  

"Ils poussent naturellement sur le chêne, ce sont les tremblements de terre au Japon qui vont stimuler les pousses de champignons dans la nature.

Ici on va laisser tomber la bûche brutalement pour stresser les microscopiques filaments et démarrer cette pousse. On va atteindre 10 jours et on va récolter les premiers champignons" explique Julien Delalande.

Ces champignons au goût délicatement boisé cachent bien d’autres atouts.  

Ce champignon est un anti-cholestérol, il contient autant de protéines que la viande, et certains laboratoires l’utilisent comme crème de soin pour ses propriétés dermatologiques. 

Chaque bûche permet de récolter environ 3 kilos de shiitake qui partiront garnir les plats des plus grands chefs de la région.