Obésité infantile : la faute à des gènes « intestinaux »

Deux nouveaux gènes pourraient augmenter le risque de développer une obésité chez l'enfant. Des gènes qui interviendraient au niveau des intestins. Une première dans la recherche sur ce fléau mondial.

Setti Dali
Rédigé le
Obésité infantile : la faute à des gènes « intestinaux »

Pour la première fois, des chercheurs ont identifié deux nouveaux gènes responsables de l'obésité chez l’enfant. Des gènes qui étrangement, ne sont pas associés aux fonctions du cerveau, mais de l'intestin. Une véritable nouveauté dans la recherche sur cette maladie mondiale, et dont les résultats sont parus dans la revue américaine spécialisée Nature Genetics.

De la statistique pure et dure

Pour parvenir à une telle découverte, les auteurs se sont contentés de faire de la statistique "pure et dure". En résumé, ils se sont appropriés les résultats de 14 études conduites à travers le monde ; des Etats-Unis à l'Australie, en passant par l'Europe et le Canada. Le tout a constitué une cohorte phénoménale, comprenant 5 530 enfants obèses, et 8 300 non-obèses, tous d’ascendance européenne. Le Center for Applied Genomics de Philadelphie a ainsi génotypé la plus grande collection au monde d'ADN d'enfants atteints d'obésité commune. Du jamais vu !

Le consortium international chargé de compilé ces études, a ensuite mixé tous les résultats, et recherché des mutations génétiques. Et quand on cherche, on trouve.

Des gènes et des intestins...

Les auteurs ont ainsi remarqué que les enfants obèses présentent une mutation plus élevée que les enfants non-obèses, et sur des gènes jusque-là jamais pointés du doigt. "C'est l'étude génomique la plus importante jamais réalisée sur l'obésité infantile commune, à la différence d'études précédentes qui portaient sur des formes plus extrêmes d'obésité, principalement liées à des maladies rares", explique l'auteur principal, le Pr Struan FA Grant, directeur associé du Centre for Applied Genomics à l'Hôpital pour enfants de Philadelphie. "Nous avons définitivement identifié et caractérisé une prédisposition génétique à l'obésité infantile commune".

Les gènes ainsi identifiés sont impliqués dans des fonctions qui n'avaient jusque-là jamais été démontrées. "D'habitude, les gènes impliqués dans l'obésité infantile ou adulte sont associés au cerveau", explique Amélie Bonnefond, chercheur à l'Institut Pasteur de Lille. Ce laboratoire dirigé par le Pr. Philippe Froguel, fut la première équipe de recherche à identifier des gènes responsables de l'obésité. C'était en 2008. Leur découverte fait d'ailleurs partie des 14 études compilées par le consortium international. "Que des gènes soient impliqués dans l'obésité chez l'enfant n'a rien de nouveau. Ce qui l'est néanmoins, c'est que ces gènes interviennent, l'un au niveau de la flore intestinale, et l'autre dans les fonctions intestinales", soulève Amélie Bonnefond.

De nouvelles pistes de recherche

Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes de recherche. Notamment pour les physiologistes. Ils pourront ainsi à l'avenir, générer des modèles de souris sur lesquelles les deux gènes identifiés seront désactivés. Puis voir ce qu'il se passe. "Normalement, si tout se passe bien, les souris désactivés pourraient devenir obèses", explique Amélie Bonnefond. Ce qui viendrait ainsi confirmer l'implication de ces deux gènes dans la prédisposition génétique des enfants à l'obésité.

Mais il reste encore beaucoup de travail à mener avant de concevoir des thérapies adaptées. "Quand toutes les anomalies génétiques auront été mises à plat, on pourra proposer de la prévention et du soin beaucoup plus individualisés en fonction de la carte génétique de chaque patient, une vraie médecine personnalisée", explique Philippe Froguel, directeur du laboratoire "Génomique et maladies métaboliques", à Lille.

Selon les études menées sur l’obésité infantile, 80 % des enfants dont les deux parents sont obèses, risquent de le devenir eux-aussi.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, à travers le monde, 300 millions d'adultes sont en surcharge pondérale et, pour la majeure partie d'entre eux, souffrent de pathologies liées à leur poids. Le tiers des personnes en surpoids vivent dans les pays en voie de développement.

En France, l'obésité ne cesse de progresser. D'après les dernières enquêtes nationales ObEpi, la proportion des personnes en surpoids ou obèses a progressé de 36,7 % à 41,6 % entre 1997 et 2003, soit une augmentation de 13 %. En 2009 14,5% des Français étaient obèses et 31,9 % en surpoids.

Source : "A genome-wide association meta-analysis identifies new childhood obesity loci", Nature Genetics, le 8 avril 2012.

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