Annonce du cancer : des progrès restent à faire

Publiée ce 10 juin 2014, l'étude de l'Institut National du Cancer (INCa) relative à la qualité de vie des patients deux ans après le diagnostic de la maladie, fait état "d'améliorations" dans la façon dont l'annonce est faite au patient, depuis 2004. Les quelques progrès constatés démontrent l'intérêt du dispositif d'annonce formalisé par le Plan Cancer 2003-2007, tout en soulignant les difficultés existant dans sa mise en œuvre.

Florian Gouthière
Rédigé le
Annonce du cancer : des progrès restent à faire

Le dispositif d'annonce

"L'annonce d'une maladie grave […] marque l'entrée dans une vie où il faudra composer avec la maladie", insistaient en 2006 l'InCA dans un document de sensibilisation à destination des professionnels de santé. "[L'annonce] va convoquer des images de mort, de souffrance, de traitements longs et pénibles. Elle va, dans la plupart des cas, provoquer la sidération du patient qui va être dans l'impossibilité d'entendre ce que le médecin lui dit lors de la consultation."

Face à ce constat, le Plan cancer 2003-2007 avait prévu la création d'un dispositif d'annonce du cancer aux malades. A l'issue d'un an d'expérimentation dans 58 établissements de santé, un protocole a été proposé, qui a été peu à peu généralisé dans le cadre du Plan 2009-2013.

Le dispositif d'annonce se déploie en quatre temps (correspondant à quatre étapes de prise en charge par des personnels soignants).

1. Annonce et proposition de stratégie thérapeutique

Dans un premier temps, une ou plusieurs consultations dédiées à la seule annonce du diagnostic de cancer, dans un cadre formel. Dans un deuxième temps, des consultations réalisées par le même médecin sont consacrées à la présentation d'une proposition de stratégie thérapeutique (élaborée par dans le cadre de réunion pluridisciplinaire).

Si celle-ci est comprise et acceptée par le malade, elle est ensuite formalisée par écrit et remise sous forme d'un programme personnalisé de soins (PPS).

2. Reformuler et orienter

Il est ensuite proposé au malade et à ses proches d'accéder à des soignants capables de les écouter et de reformuler tout ce qui doit l'être. Ces soignants - généralement des infirmiers ou des radiologues - sont en outre formés à orienter la personne malade vers d'autres professionnels spécialisés dans les "soins de support", c'est-à-dire la prise en charge des conséquences du cancer et de ses traitements (problèmes sociaux, psychologiques, douleur).

3. Accès aux "soins de support"

Dans un troisième temps, le patient entre en relation avec une équipe qui va le soutenir et le guider dans ses démarches auprès des assistants sociaux, psychologues, associations, professionnels paramédicaux, en fonction des besoins exprimés.

4. Articulation hôpital/médecine de ville

Le dispositif prévoit enfin un suivi de la communication entre les équipes de soins et le médecin référent du patient, afin de garantir la continuité des soins.

Selon l'INCa, ce dispositif assure que l'annonce de la maladie "[respecte] la volonté de savoir du patient, et son rythme d'appropriation". Il est également destiné à faciliter l'implication du patient dans la décision thérapeutique.

Premiers bilans positifs

En mai 2012, une étude de satisfaction a été menée par l'INCa auprès de 908 personnes malades(1) ayant bénéficié de ce protocole.

Les patients louent "le climat de confiance instauré par les soignants autour de l'annonce", et "l'aide et [le] soutien apportés par ces soignants". Ils expriment également leur satisfaction par rapport à l'information apportée sur la maladie et les traitements proposés, tant par le médecin que lors du "temps d'accompagnement soignant".

Toutefois, il était constaté "une mise en œuvre souvent incomplète" du dispositif dans les établissements ayant participé à l'étude. Des questions persistaient sur la réalité de l'articulation hôpital-ville et notamment sur l'information transmise au médecin traitant et le recours proposé pour assurer le suivi au domicile de ces malades.

Un bilan plus mitigé en 2014

Le rapport de l'INCa intitulé "la vie deux ans après un diagnostic de cancer" (VICAN2), rendu public le 10 juin 2014, présente un nouveau bilan du dispositif.

Les auteurs du rapport ont constaté que "plus les personnes sont âgées au [moment du] diagnostic, moins elles se sont vu proposer [les consultations relatives aux soins de support]." Ils déplorent qu'elles aient ainsi "moins de chances de 'mieux' vivre l'expérience du cancer".

Par ailleurs, alors "qu'il serait logique que les personnes les plus défavorisées se voient plus souvent proposer de consulter une assistante sociale", "cette 'discrimination positive' est peu marquée, elle n'est pas vérifiée pour les personnes résidant dans une commune caractérisée par un indice de désavantage social élevé".

La satisfaction exprimée par les patients à l'égard de leurs échanges d'information avec les soignants est, enfin, "socialement différenciée" : "les personnes les moins diplômées et celles disposant des revenus les plus faibles sont moins souvent satisfaites de ces échanges, cette différenciation sociale étant plus marquée pour les hommes que pour les femmes".

Comparées à une étude réalisée huit ans auparavant, l'INCa déplore que "les circonstances de l'annonce du diagnostic de cancer [proprement dit] ont peu évolué" : environ 10% des annonces qui ne se font toujours pas en face-à-face, et environ une personne sur cinq juge cette annonce "trop brutale" (chiffre stable).

S'agissant de l'implication dans la stratégie thérapeutique, la proportion d'enquêtés estimant "avoir été associés au choix de traitement" est similaire en 2004 et 2012, tandis que la proportion de personnes satisfaites de cette implication est "en progression" (de 69% à 74%).

Le rapport observe enfin que si les sondés "sont aussi nombreux en 2012 qu'en 2004 à juger insuffisant le temps consacré par les soignants à répondre à leurs questions", la qualité des échanges d'information avec ces derniers semble "s'être notablement amélioré[e]" : "les proportions d'enquêtés estimant que l'information donnée par les soignants était trop importante ou trop compliquée, ou qu'eux-mêmes arrivaient mal à formuler leurs questions, ont toutes notablement baissé en 2012". 

(1) L'enquête a été effectuée auprès de 53 établissements de santé sélectionnés par tirage au sort. 908 personnes malades (dont 60% étaient des femmes et 60% avaient moins de 65 ans) ont été interrogées par téléphone entre 4 et 7 semaines après leur consultation d'annonce du diagnostic.

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