Quand l'encre des emballages contamine les aliments

L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a recommandé ce 9 mai de "réduire la contamination des denrées alimentaires par les huiles minérales", des dérivés d'hydrocarbures potentiellement cancérigènes présents dans de nombreux emballages, notamment dans les encres et les adhésifs. Elle conseille notamment aux fabricants d'emballages de revoir leur "procédé de fabrication" pour utiliser des matières premières qui n'en contiennent pas.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Quand l'encre des emballages contamine les aliments - Vidéo : entretien avec Charlotte Grastilleur, directrice adjointe évaluation des risques de l'Anses
Quand l'encre des emballages contamine les aliments - Vidéo : entretien avec Charlotte Grastilleur, directrice adjointe évaluation des risques de l'Anses

Les huiles minérales sont des mélanges complexes, issus du pétrole présents dans les encres et adhésifs des emballages alimentaires en papier et en carton. Des travaux en laboratoire ont montré qu'elles pouvaient migrer et se retrouver dans les denrées alimentaires sèches (pâtes, riz, lentilles...) contenues dans ces emballages.

Deux catégories d'huiles sont mises en cause : les MOAH (mineral oil aromatic hydrocarbons) et les MOSH (mineral oil saturated hydrocarbons). Or il a été prouvé qu'à partir de certains seuils, certaines MOAH sont cancérogènes et entraînent des altérations de l'ADN. De ce fait, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a estimé ce 9 mai qu’il était "nécessaire de réduire la contamination (...) en priorité". De façon générale, elle recommande de mieux "déterminer la composition des mélanges d'huiles minérales", de réaliser des "études de toxicité supplémentaires" sur ces mélanges et d'obtenir des "données supplémentaires sur la contamination" des aliments par ces substances.

"Dans l'attente", il faudrait dès à présent "limiter l'exposition du consommateur" en utilisant "des encres d'impression, colles, additifs et auxiliaires technologiques" sans MOAH dans la fabrication des emballages en papiers et cartons, juge l’Anses.

Le recyclage en question

L'agence sanitaire recommande d'appliquer le même principe de précaution "dans le domaine de l'impression", car "les journaux et autres supports imprimés" utilisés pour fabriquer papiers et cartons recyclés sont "les principales sources d'huiles minérales" dans ces derniers. Elle encourage par ailleurs à "identifier, au cours du procédé de recyclage, les étapes (tri, fabrication de la pâte à papier, etc.) conduisant à l'introduction [d'huiles minérales] dans les emballages", pour pouvoir ensuite réduire cette contamination.

Pour limiter la migration des polluants vers les aliments, l’Anses recommande aussi d'appliquer sur les emballages des "revêtements agissant comme des barrières", soit en matière plastique (PET, acrylate, polyamide etc.) soit à base d'amidon, une solution "en cours d'étude".

Aucune réglementation n'existe actuellement sur les quantités acceptables de ces huiles minérales dans les produits alimentaires. Mais l'agence sanitaire européenne (Efsa), dans un avis de 2012, indiquait que l'exposition à ces substances via la nourriture était "préoccupante".

Une pétition contre les risques de contamination

"L'avis de l’Anses confirme qu'il ne faut plus tergiverser. Les autorités publiques doivent protéger la santé des consommateurs par des mesures urgentes", a commenté Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch France, dans un communiqué. Dans une pétition adressée à la Commission européenne, qui a recueilli plus de 122.000 signatures, l'ONG de défense des consommateurs demande notamment que les "barrières" sur les emballages soient rendues obligatoires.

En octobre 2015, l’organisation avait alerté sur la présence d'huiles minérales dans 42 produits de grande consommation, vendus en France. L'association nationale des industries alimentaires (Ania) avait à l'époque jugé "indispensable de faire appel aux agences de sécurité en charge d’évaluer les risques liés à la sécurité des aliments dont c’est la mission et l’expertise" avant de lancer une alerte. Six distributeurs - E.Leclerc, Carrefour, Lidl, Intermarché, Casino et Système U - avaient toutefois pris des engagements pour limiter les risques de contamination dans leurs produits.

avec AFP