Ch@t : Fin de vie : qui décide ?

Ch@t du 21 janvier 2014 de 15h à 16h : le Dr Bernard Devalois, chef de l'unité de soins palliatifs de Pontoise et le Dr Vincent Morel, président de la Société française de soins palliatifs (SFAP) et Marion Broucke, infirmière en unités de soins palliatifs ont répondu à vos questions.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Ch@t : Fin de vie : qui décide ?

Les réponses du Dr Bernard Devalois, chef de l'unité de soins palliatifs de Pontoise

  • Pourquoi la loi Leonetti est-elle si mal connue ? Y compris dans le corps médical et dans les hôpitaux où les soins palliatifs ne sont pas toujours proposés ?

Excellente question je n'ai pas la réponse mais me bats tous les jours pour la faire respecter. Urgent de faire des soins palliatifs et de la lutte contre l'acharnement, la grande cause nationale. Malheureusement le jugement du TA dans l'affaire Lambert va aller à l'encontre, les médecins vont poursuivre l'acharnement par crainte d'être attaqués et désavoués par les juges.

  • Rédiger ces directives anticipées nous met face à notre propre mort. Comment rendre plus facile cela et surtout pour le plus grand nombre ?

Deux choses ne peuvent se regarder en face le soleil et la mort disait Cervantes je crois, oui c'est compliqué oui nous avons peur de la mort mais la peur n'évite pas le danger. C'est au médecin de vous aider à y réfléchir.

  • OLD 14 sous OLD 24/24 depuis 2012, sans cet apport d'oxygène je ne peux respirer seule plus de 10 mn : voire moins, n'est-ce pas une forme d'assistance artificielle ?

Oui mais cela ne veut pas dire que c'est de l'acharnement. C'est à vous de dire si cela en est ou non. Si vous ne souhaitez plus cette assistance, les médecins n'ont pas le droit de s'opposer à cette décision.

  • S'il n'y a pas sédation, un mourrant est-il conscient de son environnement ? Je me pose la question de la sédation en vis à vis de l'adieu à ses proches ?

La sédation n'est pas sur le mode ON OFF elle doit être proportiopnnée aux besoins du patient. Elle peut être allégée lors des visites et approfondie quand le patient reste seul. Cette question des contacts maintenus jsuqu'au bout est très importante et mobilise beaucoup l'attention des équipes de soins palliatifs.

  • Comment être certain que la personne ne souffre pas sous sédatif ? Un patient sous sédatif a-t-il pu s'exprimer après arrêt pour le confirmer ?

Oui on peut être certains, oui les patients sous sédation (qui est une technique d'anesthésie) en ont témoigné. Il n'y a pas de doute sauf erreur de dosage (sous dosage).

  • Ne pourrait-on pas créer un formulaire standard pour les directives anticipées et le confier au médecin traitant par exemple ?

Oui le rapport Sicard propose cela fort justement. Un formulaire type pour les biens portants et un véritable contrat entre malade et médecin en cas de maladie grave et incurable.

  • Je suis scandalisée par ce que je viens d'entendre. Mon mari à 5 jours de son décès, dans un instant de lucidité, de vigueur, a crié sa faim un soir après l'arrêt de son alimentation dans une maison de soins palliatifs réputée pour ses compétences, son humanité etc. La loi Leonetti n'est pas la panacée. Je ne sais que penser aujourd'hui.

Si un patient a faim (comme vous le décrivez) on lui donne à manger ... pas une nutrition artificielle. Souvent les familles disent que la patient a faim car ils ne veulent pas qu'il meurt. Le patient répond oui pour faire plaisir à sa famille. Mais dès qu'elle est partie elle exprime le contraire. Arrétons de laisser croire que les soins palliatifs seraient des tortionnaires. Notre engagement de chaque jour est de soulager et parfois contre la volonté des familles qui "gavent" le patient et le rendent inconfortable voire menace sa vie par la survenue de fausse routes.

  • Dans le cadre des soins palliatifs, il y a des bénévoles qui ont également un rôle dans ce temps d'adieu évoqué par Fouzette. Et les échanges verbaux ou non sont parfois très forts avec ces inconnus qui ne sont ni soignants, ni religieux, ni proches. Et ce temps de fin de vie fait partie de la vie.

Merci de rappeler le rôle fantastique des bénévoles d'accompagnement qui font partie intégrante de nos soins dans les USP par exemple. Merci et bravo à eux pour cet engagement citoyen.

  • Que pensez-vous de l'euthanasie ?

Je ne sais pas ce que c'est ... trop de sens pour en avoir un seul. Si on parle de faire une injection létale par médecin j'y suis totalement opposé (Belgique et ses dérives incroyables) si c'est pas d'acharnement je suis pour à 200 % si c'est suicide assisté par un bénévole (Suisse) je suis opposé en tant que citoyen si c'est tout faire pour soulager même si cela peut raccourcir la vie je suis d'accord et la loi de 2005 m'y autorise dans l'article 2 dit sur le double effet.

  • Je garde un souvenir formidable dans le service des soins palliatifs, que ce soit les médecins, le personnel à l'écoute de toute la famille, les soins sur notre mère, la disponibilité le jour comme la nuit !

Notre job est d'aider le patient et sa famille à supporter au mieux ces épreuves terribles que sont les pertes d'êtres chers. Nous sommes fiers quand nous y parvenons.

  • Dans le cas où la famille ou les proches ne prennent pas l'initiative de déclencher la réflexion collégiale, le corps médical doit-il la proposer pour respecter la loi Leonetti ? Je confirme qu'il s'agit d'un cas d'état végétatif reconnu depuis 13 ans.

Vous pouvez exiger la mise en œuvre d'une réflexion collégiale. Les médecins ne peuvent pas refuser et devront vous communiquer les conclusions motivées (décret janvier 2010).

  • Sur le formulaire il n'y a pas de modèle de lettre. Je ne sais pas comment formuler. Mon médecin traitant n'a pas le temps de l'écrire pour que cela soit juste. Corriger oui mais m'aider à formuler non. Le médecin a dit les phrases simples et claires que je n'ai pas eu le temps de copier. Merci de me les donner, simples et claires.

Impossible évidemment.. J'ai proposé une tarification spécifique pour que les médecins trouvent le temps (qui est parfois de l'argent). Vous pouvez aussi changer de médecin si le votre ne répond pas à vos attentes

  • Etant donné la difficulté d'élargir la loi Leonetti, ne serait-il pas important de développer davantage les soins palliatifs ? Il n'existe pas des unités partout, et beaucoup ignorent ce qu'on y fait... Ouvrir de nouvelles USP, informer et surtout former le personnel à quand un nouveau plan soins palliatifs ?

OUI les SP doivent être une grande cause nationale, mais les USP ne sont qu'une petite partie. L'essentiel est dans la diffusion de la démarche palliative. Le renforcement des équipes mobiles, le développement des lits identifiés des réseaux etc ... Les USP ne sont là seulement pour les cas les plus compliqués de fin de vie ...

  • Les directives anticipées doivent comporter des termes bien précis. Où peut-on trouver des modèles ? Sur quel document peut-on désigner la personne de confiance ? Pour l'avenir j'espère vivement que le suicide assisté sera légalisé comme en Belgique, en Suisse ... Quel retard avons-nous !

Première partie cf sur site sfap.org vous trouverez réponse seconde partie une éventuelle légalisation du suicide assisté poserait surement plus de pb qu'elle n'en résoudrait. On parle ici d'un suicide tel qu'en Oregon où on fournit à certains patients une pilule mortifère qu'ils prennent ... ou pas, comment faire la prévention du suicide de personnes agées et leur donner par ailleurs une pilule létale ?

  • Malheureusement ce sujet n'est-il pas un peu trop politique quand on voit que le président de la République et la ministre de la Santé parlent de fin de vie dans la dignité à propos de Vincent Lambert et que la loi ne suffit pas ?

Il est d'abord politique parce que récupéré par un mouvement extrémiste politico religieux. A mon sens injection létale n'est pas une valeur de gauche. Je l'ai expliqué dans un article paru dans Marianne (faire sur google Marianne/Devalois pour le retrouver en ligne.

  • Je tenais simplement à remercier tous ces professionnels qui parviennent à mettre fin à ce qui ne ressemble plus à une vie ...la décision est difficile pour tous, la famille comme le corps médical ! Nous ne les remercierons jamais assez...

Merci mais je ne sais pas si je vais continuer ce métier si décision Reims Lambert confirmée. Les juges administratifs de Chalons viendront le faire à ma place pusiqu'en 24 jours ils ont jugé possible de juger des décisions médicales ... Ils viendront prendre ma place et je rendrai des jugements ?

  • Le modèle de lettre de la SFAP n'aide pas du tout, il est quasiment vide, je cite : "J’énonce ci-dessous mes directives anticipées dans le cas où je ne serai plus en mesure d’exprimer ma volonté". Quelle formule valide faut-il mettre ? Je pense que c'est une des raisons pour laquelle les personnes ne la remplissent pas.

Pas faux, il faut prendre conseil de votre médecin. Un modèle plus précis serait vraiment aidant je suis d'accord.

  • Votre invité s'offusque de la différence de réaction du quidam entre l'arrêt de la ventilation artificielle et l'arrêt d'hydratation/nourriture. Différence fondamentale pour le patient et son entourage. Mort presque immédiate par manque d'air par contre la mort par déshydratation peut demander plus d'une semaine (cela a été le cas pour mon père). De fait la dignité humaine n'est pas respectée.

Pardon mais rien a voir avec dignité... mort par injection létale potassium qui fait exploser le coeur n'a rien de digne le temps ne fait rien à l'affaire.

  • Mon père a agonisé pendant 1 mois, fin de vie Alzheimer 90 ans, 7 ans en soins de suite... Le médecin a arrêté la nutrition et les traitements. J'ai demandé l'arrêt de l'hydratation (voie parentérale) et la mise sous sédation, refus généralisé de l'équipe soignante, motif : soins de confort ! Pas de loi Leonetti dans ce cas, pas tous égaux en fin de vie !

Vous aviez rasion ils avaient tort adressez-vous aux Commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la Prise en Charge (CRUQPC) .

  • Je confirme qu'il est très utile de laisser les directives auprès de son médecin traitant et auprès de la personne de confiance.

Merci à toutes et tous pour la qualité des questions.

 


Les réponses du Dr Vincent Morel, président de la Société française de soins palliatifs (SFAP)

  • Pouvez-vous redonner le modèle de directives anticipées à rédiger pour que l'on respecte notre choix ?

Pour trouver un modèle de directives anticipées vous pouvez aller sur le site de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs, l'idée est d'écrire ce que vous souhaitez que les médecins fassent si un jour vous ne pouvez vous exprimer et ils suivront votre avis.

  • Est-il possible de détailler la volonté de don d'organe sur les directives anticipées (bien sur en n'étant pas inscrit au registre national des refus) ?

Vous pourriez parfaitement sur les directives anticipées exprimer la volonté de don d'organes. L'idée des directives anticipées est de dire ce que l'on souhaite pour le jour où nous serions plus en capacité de le faire.

  • En cas de SLA, peut-on refuser la trachéotomie et la gastrotomie ?

En cas de SLA vous pouvez parfaitement refuser la trachéotomie et la gastrostomie c'est une discussion fondamentale qui doit avoir lieu entre le médecin et le patient pour éviter toute forme d'acharnement thérapeutique l'objectif de la loi Leonetti est de refuser tout acharnement thérapeutique et considére que c'est à chacun de juger le moment où il considérera que la médecine ne doit pas tout mettre en oeuvre pour le maintenir en vie alors qu'il ne le souhaite pas.

  • Pouvez-vous m'indiquer où puis-je trouver, un modèle de lettre me permettant d'indiquer mes vonlontés de fin de vie ?

Vous pouvez trouver un modèle de lettre permettant d'exprimer votre volonté sur le site de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs vous avez raison il est extrêmement important de les remplir.

  • La personne désignée comme personne de confiance peut-elle à elle seule prendre une décision concernant le devenir du patient concerné - de par son statut - face à une famille mise de côté lors de la désignation de la personne de confiance ?

Dans la loi Leonetti, la décision revient toujours au médecin lorsque la personne malade ne peut pas s'exprimer néanmoins il doit prendre avis auprès de ses collègues, les directives anticipées, de la personne de confiance et de la famille. Sachant que l'avis de la personne de confiance prevaut sur tout autre avis non médical sauf sur les directives anticipées. voici l'article de loi "Art. L. 1111-12. − Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause et hors d’état d’exprimer sa volonté, a désigner une personne de confiance en application de l’article L. 1111-6, l’avis de cette dernière, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à l’exclusion des directives anticipées, dans les décisions d’investigation, d’intervention ou de traitement prises par le médecin."

  • Est-il possible d'accéder au souhait d'une personne très agée, dépendante, sourde et aveugle, mais très consciente, de s'endormir et ne pas de réveiller. Ce souhait est réitéré quotidiennement.

Madame, la question que vous posez est une question compliquée et comme médecin la première chose que je regarderais serait de savoir s'il n'y a pas pour cette personne des traitements qu'elle ne souhaite plus et que je pourrais interrompre sachant que mon objectif ne sera en aucun cas qu'elle vive une situation qui ne désire pas et que le rôle des soignants sera de la soulager. Et dans la majeure partie des situations il y a effectivement des traitements qui peuvent être suspendus pour éviter tout acharnement thérapeutique.

  • Dans quels cas peut-il y avoir une dérogation à l'interdiction d'euthanasie ?

Il n'y a dans la législation française aucune dérogation possible à l'interdiction de l'euthanasie. Pour les médecins nous avons deux repères fondamentaux le premier et de refuser l'acharnement thérapeutique et le deuxième de ne pas provoquer la mort d'un patient. Entre ces deux repères nous devons tout faire pour soulager un patient l'expérience des soignants de soins palliatifs montre une réponse qui lui convient sans que pour autant il soit nécessaire de lui provoquer la mort. Il s'agit parfois de simplement calmer la douleur et dans d'autres occasions trouver une solution satisfaisante pour le patient nécessite plus de temps et de faire appel à des équipes spécialisées. Si un jour il y avait des exceptions ou des dérogations sera qu'il y aura forcément au fur et à mesure du temps un élargissement des conditions c'est le cas par exemple actuellement en Belgique ou la loi initialement été restrictive et s'élargit de plus en plus avec il y a un mois le vote par le Sénat une possibilité d'euthanasie pour les enfants. La loi porte en elle-même ses propres risques de dérive et d'extension. Néanmoins j'entends parfaitement que dans des situations particulières les situations soient très pénibles raisons pour laquelle nous pouvons, lorsqu'un patient présent un symptôme insupportable, l'endormir. Par exemple si un patient se met à avoir des difficultés respiratoires, nous pourrons l'endormir pour qu'il ne ressente pas l'effroi de la situation sachant que le décès sera du à l'évolution même de la maladie. L'objectif dans ce cas est donc bien de soulager les patients qelles qu'en soient les conséquences.. L'objectif des soins palliatifs n'est pas de prolonger la vie de prolonger ou l'agonie mais de soulager les patients.

  • Je souhaiterais avoir un modèle simple de directives anticipées pour que l'on respecte mon choix au moment venu.

Vous pouvez aller sur le site de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs.

  • Dans la mesure où des médecins vous annoncent la disparition d'une personne malade dans deux jours et que celle-ci arrive en effet deux jours après, ne peut-on pas dire que cette personne a été aidé à partir dans la dignité ?

L'objectif de la médecine et des soins palliatifs est d'assurer que les personnes malades vivent la fin de leur vie et puissent mourir dans la dignité c'est-à-dire sans souffrir, entourées de leurs proches, dans le lieu qu'ils souhaitent et bien sûr en refusant tout acharnement thérapeutique ce qui n'est pas normal c'est qu'aujourd'hui un français sur deux n'a pas accès à des soins palliatifs alors que sa situation le nécessiterait qu'il y ait une vraie politique de la fin de vie et un développement des soins palliatifs pour que tous les malades aient accès à ces soins de qualité afin qu'ils ne souffrent plus et cela aussi bien à l'hôpital qu'à la maison.

  • Un patient sous sédation (dort très profondément et ne répond pas aux pressions de mains) comprend-t-il les paroles prononcées près de lui par ses proches ?

Quelle que soit la situation d'un patient je crois que nous pouvons émettre l'hypothèse qu'il comprend ce que nous pourrions dire avoir cette position de principe même si elle est fausse n'est pas grave car elle incite à mettre le patient au coeur des préoccupations de l'équipe médicale et paramédicale, mon propos est donc de dire qu'en cas de doute il faut considérer que la personne pourrait éventuellement percevoir quelque chose (je dis bien percevoir quelque chose car très endormi il n'y a pas de capacités à avoir une compréhension parfaite de ce qui est dit,) je profite également de votre question pour dire qu'il n'y a pas que la parole qui permet la communication le toucher, le goût les odeurs sont aussi des éléments de communication auquels il faut être très attentif merci beaucoup pour votre question.

  • Dans l'émission vous avez dit que le document écrit pour indiquer notre volonté n'était valable que 3 ans. J'ai rédigé ce document en septembre et l'ai fait enregistré par l'administration publique, dois-je le renouveler dans 3 ans ?

Merci pour cette question très précise. Effectivement la loi nous demande de renouveler ce document tous les trois ans.

  • Que peut -on faire pour un nouveau né ayant subi une SFA à la naissance dont les examens (IRM et EEG ) indiquent qu'il sera encéphalopathe sévère (handicaps moteurs ne permettant pas la marche et handicap cognitif ne permettant pas une relation) mais qui parallèlement montre une ventilation spontanée et qui arrive à s'alimenter sans sonde naso gastrique ?

Vous comprendrez bien que je ne peux apporter une réponse précise à la situation que vous décrivez et vous dire que la loi Leonetti nous impose, dans les situations singulières et complexes, de réfléchir avec nos collègues avec les parents avec la famille sur la moins mauvaise décision que nous pourrions prendre. Aucune loi ne pourrait rentrer dans le détail de chacune des situations et c'est pour cela que la loi Leonetti ne nous dit pas que faire mais comment faire pour prendre la décision la plus respectueuse du malade, de l'enfant, des parents, de la famille. Cette démarche est reconnue dans le monde entier et un très grand nombre de pays copie la loi Leonetti merci beaucoup pour ce témoignage.

 

Les réponses de Marion Broucke, infirmière en unités de soins palliatifs

  • La désignation d'une personne de confiance peut-elle se décider a tout moment, et sous quelle forme ?

La désignation de la personne de confiance est (ou du moins devrait être) systématiquement proposée au patient lors de chaque hospitalisation. Ainsi la PC peut être différente d'une hospitalisation à l'autre. Elle est désignée sur papier (formulaire pré rempli)qui est inséré au dossier médical.

  • Des sensibilités et préférences sur sa propre fin de vie faites oralement (lors d'une discussion par exemple) peuvent-elles constituer des directives anticipées solides face à la loi ?

Malheureusement non. C'est d'ailleurs tout le problème dans l'affaite dite "Lambert". Ce dernier avait formulé ses directives à son épouse mais celles-ci n'étaient pas inscrites et signées par le patient. Ce dernier n'étant plus en mesures de désigner une personne de confiance, elles ne seront pas entendues. Il est donc primordiale de les rédiger et de faire connaître à une personne de son entourage l'endroit où elles se trouvent !

  • Où trouver 1 formulaire pour faire ma directive anticipée pour que les mots soient justes pour toutes contestations de ma famille . J'ai besoin des mots justes.

Les directives anticipées peuvent être rédigées sur papier libre, elles doivent être datées et signées. Afin de préciser les termes que l'on souhaite utiliser pour une juste interprétation en cas de besoin (ex : qu'entend-on par "je ne veux pas de tuyaux"?), il est préférable d'en discuter avec son médecin traitant. Celui-ci pourra vous aider à clarifier les différentes situations dans lesquelles les directives anticipées peuvent être nécessaires.

  • Un de mes parents en fin de vie a mis 15 jours sans alimentation pour partir, bien sûr il ne sentait rien mais quel calvaire pour les proches... La loi léonetti ne va pas assez loin.

Comme vous le dites bien,la fin de vie n'est pas simple et est éprouvante pour l'entourage. Ceci dit en réponse à la souffrance de l'entourage supprimer l’agonie par une injection létale (violente et brutale) n'est pas la solution. A cela, un accompagnement quotidien des proches est préférable (expliquer, dédramatiser...).

  • Est-il possible, que le cas inverse se produise, c'est-à-dire un arrêt des soins alors que le patient avait clairement exprimé de son vivant le fait qu'il ne voulait pas qu'on arrête sa vie ?

Les soins sont quel que soit l'objectif de la prise en charge poursuivis jusqu'au terme de la vie. En revanche, certains traitements peuvent être arrêtés s'il sont jugés disproportionnés, inutiles ou n'ayant d'autre but que le seul maintien artificiel de la vie, après consultation des directives anticipées, discussion avec l'entourage et concertation en équipe pluridisciplinaire. La nutrition et l'hydratation sont considérés comme des traitements et peuvent être remis en question. Si pour des convictions religieuses par exemple, un patient inscrit dans ses directives la poursuite de la nutrition et de l'hydratation artificielles, cela sera pris en compte dans la réflexion de l'équipe, évidemment.

  • Le maintient sous oxygène d'une personne en fin de vie est-elle considérée comme un acharnement thérapeutique ?

Effectivement, dans certains cas le maintien de l'oxygène peut être considéré comme déraisonnable. La seule question qu'il faille se poser est : le maintien de l'oxygène génère-t-il du confort chez le patient. Le cas échéant l'arrêter est injustifié. Si le patient est dans le coma, rien ne justifie sa poursuite.

  • J'ai 35 ans cette année et en bonne santé, puis-je déjà rédiger mes directives anticipées pour que ma famille (épouse et mère) n'aient pas à le faire en cas de malheur ?

Évidemment ! Nous vous y encourageons fortement. C'est parce qu'il ne l'avait pas fait, qu'il y a conflit dans l'affaire dite "Lambert"! Encouragez d'ailleurs vos proches à les rédiger également. Et si vous ne savez comment formuler les choses, votre médecin traitant peut vous y aider.

  • Faut-il être dans un service se soins palliatifs pour bénéficier de la loi Léonétti ? Mon père a agonisé un mois en soins de suite, malgré l'arrêt de l'alimentation l'équipe médicale a refusé l'arrêt de l'hydratation que je demandé et le refus de le sédater.

Absolument pas ! Malheureusement la loi Léonetti est méconnue, y compris par le corps médical. Arrêter la nutrition sans arrêter conjointement l'hydratation est insensé (mais pratique courante parce que persiste le fantasme de "laisser mourir de soif"); ce qui concrètement retarde le décès (naturel entendons-nous) et génère des effets secondaires notables (encombrement, œdèmes...). Quant à la sédation, elle doit être discutée avec le patient (si possible) et/ou avec son entourage et n'être instaurée que s'il existe un réel inconfort chez le patient. Souvent l'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles ne s'accompagne pas d'inconfort (l'organisme s'habitue de manière progressive au jeûne) si ce n'est la sécheresse buccale prévenue par des soins de bouche adaptés et fréquents. Il est possible de faire une relecture du dossier de votre père avec le médecin qui le prenait en charge afin que vous puissiez comprendre pourquoi la loi n'a pas été appliquée correctement.

  • C'est difficile de voir qu'en France rien n'est fait pour abréger les personnes mourantes ? A quand une vraie loi ?

De quel droit s'arrogerait-on le droit de raccourcir la vie de quelqu'un ? Il est certain que supprimer le souffrant est plus aisé que de venir à bout de la souffrance. Prenez connaissance de la loi Léonetti qui apporte réponse à toutes les situations.

En savoir plus

Le tribunal administratif s'est donc prononcé contre la décision d'euthanasie passive. Mais en quoi demander son avis à un tribunal serait une avancée en matière de fin de vie ? S'agirait-il d’une avancée en matière de fin de vie, d'un progrès que de demander à des juges si, oui ou non, Vincent Lambert subit une obstination déraisonnable de soins, si, oui ou non, il lui reste un peu de conscience, si, oui ou non, l’hydratation et l’alimentation artificielle sont des soins.

Les juges seraient-ils compétents dans ce moment si particulier ? Sur la fin de vie, qui doit décider ? Des spécialistes vous aident à répondre lors de notre ch@t du mardi 21 janvier de 15h à 16h.

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