Perversions sexuelles, des comportements déviants

Fétichiste, exhibitionniste, masochiste, sadique mais aussi pédophile ou zoophile… ce sont tous des pervers sexuels. Qu'est-ce qu'une perversion sexuelle, désormais appelée paraphilie ? Comment reconnaître un pervers sexuel ? Et surtout, comment s'en protéger ? Les clés pour comprendre un phénomène en augmentation.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Perversions sexuelles, des comportements déviants

Qu’appelle-t-on perversion ?

Le terme est issu du latin pervertere qui signifiait mettre sens dessus dessous, bouleverser. Il désigne des conduites sexuelles inhabituelles, réprouvées par la morale, et il est désormais remplacé par le mot ‘paraphilie’.  A chaque époque, sa codification de la sexualité. Ainsi l'homosexualité était considérée comme une perversion au siècle dernier... Aujourd'hui, les paraphilies comprennent le sadisme, le masochisme, le voyeurisme, l'exhibitionnisme, la pédophilie, la zoophilie.

Les psychiatres classifient parfois les perversions selon le moyen par lequel l'excitation et le plaisir sont obtenus (sadisme, masochisme, voyeurisme, exhibitionnisme) ou selon l’objet nécessaire à la jouissance (pédophilie, zoophilie). Le pervers obtiendra toujours son plaisir de la même pratique, de façon répétée et exclusive. Il est en grande majorité de sexe masculin.

Zoom sur les perversions

Le sadisme est défini par la réalisation d'humiliations de la victime et/ou la provocation de douleurs afin d'obtenir du plaisir. Il serait présent en chacun de nous, réprimé par notre éducation mais parfois exprimé dans nos fantasmes. C'est là toute la différence entre la personne ayant une sexualité "normale" et le pervers : la première limite son sadisme au fantasme tandis que le second le met en actes.

Le masochisme sexuel se caractérise par l’obtention de plaisir en se soumettant à des humiliations, des punitions ou des actes douloureux. C’est le pendant du sadisme : il faut une victime et un bourreau.

Le fétichisme nécessite la présence et l’utilisation d’un objet pour la satisfaction sexuelle. Il peut s’agit d’un objet comme un vêtement ou sous-vêtement, un tissu (soie, latex, cuir) ou d’une partie du corps. En pratique un fétichiste des chaussures à talon n'arrivera à être satisfait sexuellement que si sa partenaire porte des chaussures à talon.

Le voyeurisme consiste à épier les autres dans leur intimité, au moment des rapports sexuels, de l’habillage ou du déshabillage, de la toilette ou même lors de la miction et de la défécation. Internet, avec son accès facile aux images pornographiques, est fréquemment utilisé par les voyeurs.

L'exhibitionniste expose ses organes génitaux à des étrangers, dans des endroits publics, sans aller au delà et sans avoir besoin d’un contact plus étroit. L’excitation sexuelle est alors soulagée par la masturbation. Le scenario est répétitif, auprès du même profil de victime le plus souvent. L’exhibition aurait pour but de soulager l’angoisse du pervers.

La pédophilie est caractérisée par tous les abus sexuels sur les enfants. Elle a un retentissement terrible, aussi bien physique que moral, sur les victimes du fait de leur jeune âge. Son développement a été accentué par le tourisme sexuel et Internet.

La zoophilie concerne les pratiques sexuelles sur des animaux.

Le travestisme qualifie le fait de porter les vêtements du sexe opposé. Attention, il ne s’agit d’une perversion qu’à la condition que cela soit indispensable au plaisir, ce qui n'est pas toujours le cas (loin de là).

Comment reconnaître un pervers ?

C'est la répétition et l'exclusivité qui caractérisent le pervers. Si l'homme réitère à chaque ébat le même scénario (fétichiste, masochiste, sadique,…), qu'il est impossible de le faire changer de pratique et qu'il ne tient pas compte de vos demandes, il y a de gros risques qu'il s'agisse d'un pervers sexuel. Un conseil : fuir avant de tomber amoureuse...

Le pervers, narcissique et dangereux ?

Le terme "pervers narcissique" peut sembler redondant, tant un pervers est centré sur lui. En réalité, la définition de la perversion a évolué : le terme ‘perversion sexuelle’ date de Freud : elle vise à détourner la pratique sexuelle pour obtenir la jouissance. Il nie son partenaire sexuel, qui n’est plus un sujet mais un objet sexuel, destiné à assouvir ses désirs.

La "perversion narcissique" est une perversion morale : elle qualifie une personnalité perverse associée à une personnalité narcissique. Le but est de détourner la personnalité de l’autre. Le pervers narcissique est centré sur le déni de l’autre, de sa personnalité et a un narcissime défaillant (une image de lui-même fragile), du fait d'angoisses majeures et anciennes (comme l’angoisse de séparation, d’abandon,…).

Une dangerosité réelle

Le pervers sexuel peut être très dangereux, en se prenant à des enfants, en usant de la force, en exerçant des violences qui peuvent aller loin. Les répercussions physiques et/ou psychologiques (culpabilisation, manipulation, isolement, destruction..) peuvent être immenses.

Quelle est l'origine de la perversion ?

Bon nombre de pervers reproduisent un schéma : ils ont été l'objet de maltraitance, notamment sexuelle, et ils répètent ce qu'ils ont vécu. Mais une constante est leur immaturité : ils ont une sexualité infantile, restent bloqués dans leur propre plaisir, incapable de faire évoluer leur sexualité et de la partager avec leur partenaire. Et Internet en facilitant l'accès à des images pornographiques, mais aussi les contacts avec de potentielles victimes, aurait joué un rôle dans l'augmentation du nombre pervers. La société elle-même favorise les comportements pervers en exacerbant l'exhibitionnisme (via les réseaux sociaux notamment), en mettant en valeur le sado-masochisme dans certaines publicités.

Avoir beaucoup de fantasmes traduit-il une perversion ?

Non. Les fantasmes permettent l'expression de nos pulsions, sans avoir à passer à l'acte. Nous flirtons avec le souffre de l'interdit en fantasmant ce que nous ne mettrions jamais en pratique.

D'après les psychanalystes, nous sommes tous névrosés. Le pervers s'oppose au névrosé par le fait qu'il met en acte ce que le second fantasme. Le pervers n'a qu'un seul scenario excitant alors que le névrosé butine dans ses différents fantasmes.

Mais attention à ne pas trop se centrer sur sa jouissance à tout prix, au mépris de l'autre, ce qui est le risque de la sexualité actuelle. Notre société, très ouverte et très axée sur le plaisir égoïste banalise la perversion et fait courir le risque de ne voir sa ou son partenaire que comme accessoire nécessaire à l'obtention de son propre plaisir.

Pervers ou pas ?

Pimenter sa vie sexuelle en s'adonnant ponctuellement à une nouvelle pratique, comme le libertinage, l'exhibitionnisme ou l'échangisme ne relève pas d'une perversion. Le pervers ne trouve son excitation que dans une seule pratique et se reconnaît par cette exclusivité. Précisons tout de même que plusieurs perversions peuvent être associées et donc plusieurs moyens d'accéder au plaisir.

Le partenaire, objet et victime

Dans une perversion, le partenaire est exclu et réduit à une chose, à un objet, qui n’est qu’un moyen de jouissance, pas une personne. Il est utilisé, parfois humilié et avili pour le plaisir du pervers. Celui-ci nie son ou sa partenaire et son désir, dont il ne tient pas compte.

L'illusion de l'amour est souvent de changer l'autre, d'oublier la dernière humiliation et de se convaincre que celui qu'on aime changera. En tombant amoureuse d'un pervers, on risque gros : l'amour ne sera pas réciproque, on restera toujours un objet utilisé pour le plaisir du pervers.

Parfois abusé…

Le partenaire a parfois été abusé sexuellement dans l'enfance et culpabilisé, il est en grande demande affective. Considéré enfant comme un objet, il a du mal à se voir différemment et à se penser digne d'amour.

Le risque est alors d'accepter des pratiques sexuelles qui heurtent, des humiliations et des souffrances dans le seul but d'être aimé.

Souvent culpabilisé…

Pour parvenir à ses fins, le pervers manipulera, jouera, embrouillera, fascinera… Il n'hésitera pas à exercer une pression psychologique sur sa victime pour qu'elle cède et se soumette à ses desiderata sexuels.

Pour imposer sa pratique, il la culpabilisera, lui reprochant le fait d'être coincé ou la menaçant d'aller voir quelqu'un d'autre. Là encore, la victime fragilisée accepte alors des pratiques qui ne lui conviennent pas, avec le risque d'en être traumatisée.

Soigner la perversion ou fuir à tout prix ?

Le pervers ne culpabilise pas de faire souffrir son entourage, il n'en a pas honte et il ne voit pas où est le problème, il ne ressent aucune envie ni besoin de soigner. Difficile à partir de ce constat de se lancer dans une prise en charge : le pervers n'est pas demandeur de soin. Le ferait-il pour la personne qu'il aime ? Cela impliquerait qu'il veuille changer, ce qui n'est pas le cas avec ce genre de personnalité.

Le corps médical reste souvent démuni face aux pervers sexuels. Toutefois, les différentes options thérapeutiques comprennent la psychothérapie, les médicaments (castration chimique pour les pédophiles) et en dernier recours la prison…

Aider la victime

A partir de là, on comprend que la prise en charge doit concerner l'entourage du pervers, afin qu'il soit soutenu et qu'il prenne du recul sur ce qu'il vit.

Parallèlement à l'humiliation et la maltraitance, le pervers fait subir un véritable lavage de cerveau à sa victime. Celle-ci doute d'elle-même, se remet en question, perd ses repères en se soumettant aux règles du pervers. A tel point qu'elle ne sait parfois plus ce qu'elle ressent. Le recours à une association ou un professionnel de santé est essentiel pour sortir des griffes du pervers, de l’isolement qu’il a instauré.

La fuite reste le meilleur conseil car on reste souvent en se raccrochant à l’illusion de changer les gens et aux débuts séduisants de l’histoire avec le pervers. Or le changement n'est pas possible et l'aide d'un thérapeute est nécessaire pour l'accepter. Reste encore qu'il n'est pas toujours possible de fuire lorsque l'on a des enfants ou pas d'argent. Que faire à ce moment-là ? Commencer à préparer son départ en prenant rendez-vous avec un avocat, en se faisant aider avec un thérapeute mais ces démarches ont un coût… Prendre contact avec l'association Aide aux victimes de violences psychologiques est alors un premier pas.

La parole fait également partie du processus. Il faut parler de ce que l'on n'accepte pas comme pratiques sexuelles, se tenir à ses souhaits et ne pas céder à la pression et aux arguments spécieux, comme quoi l'on est ringard ou coincé sous prétexte que l'on ne souhaite pas se soumettre aux volontés du pervers. Affirmer ses désirs est nécessaire pour une sexualité mature et complice. Si l'on se sent soi-même dériver vers des pratiques extrêmes, là encore s'ouvrir à l'autre peut permettre de grandir et de faire évoluer sa sexualité. Et il ne faut pas hésiter à pousser la porte d'un thérapeute lorsque l'on se sent dépassé.

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 Livre :

  • La manipulation affective dans le couple : Faire face à un pervers narcissique
    Pascale Chapaux-Morelli et Pascal Couderc
    Ed. Albin Michel