La chirurgie et la médecine esthétique au masculin

Poches sous les yeux, paupières tombantes, poignées d'amour ou bedaine inesthétique, les hommes souffrent du vieillissement comme les femmes. Ils sont de plus en plus nombreux à succomber aux sirènes de la médecine et de la chirurgie esthétique. Pourquoi et pour quels actes ? Décryptage avec deux spécialistes.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
La chirurgie et la médecine esthétique au masculin
Crédit photo : Nikilitov - Fotolia.com

Des attentes différentes des femmes

D'après les statistiques[1] de l'American Society for Aesthetic Plastic Surgery, les actes de chirurgie et de médecine esthétique ont été multipliés par plus de huit, entre 1997 et 2016. Ce sont les actes non chirurgicaux, les injections, qui ont le vent en poupe puisqu'ils ont été multipliés par treize (les actes chirurgicaux seulement par 2,2).

"La population américaine reste proche de la population française, même s'il y a plus d'excès aux Etats-Unis, analyse le Dr Olivier Claude, chirurgien esthétique. On a toujours un petit temps de retard, mais les Etats-Unis donnent des tendances." Ce sont les 35-50 ans qui consomment le plus de procédures esthétiques, à raison de 39,3% de la population américaine. Les spécialistes de l'esthétique voient de plus en plus d'hommes les consulter. 

Toujours d'après l'ASAPS, en 2016, les cinq actes privilégiés par les hommes ont été la liposuccion, la réduction de poitrine (les hommes peuvent souffrir d'une gynécomastie, pour différentes raisons), la chirurgie des paupières, celle du nez, le lifting du visage.

Une volonté d'avoir l'air plus dynamique, plus frais

Dans son cabinet parisien, le chirurgien observe deux catégories d'hommes. "Les plus jeunes sont âgés de 20 à 35 ans, ils sont décomplexés et ont découvert la chirurgie esthétique par une expérience personnelle (par exemple le biais de l'orthodontie ou des oreilles décollées), familiale, si leur maman y a eu recours, ou encore via une petite amie ayant des prothèses mammaires, raconte le spécialiste. Les plus âgés viennent souvent avec leur épouse, ce sont elles qui ont initié la consultation et qui les rassurent."

Les hommes on en effet pris conscience de l'importance de l'apparence et ils sont aussi soumis au diktat de la société et du "jeunisme", même s'ils le sont moins que les femmes… Alors aussi bien pour des raisons professionnelles que personnelles, ils succombent parfois aux sirènes de l'esthétique. "C'est sociétal, les hommes voient leurs femmes vieillir de façon harmonieuse et constatent que ça se passe bien, constate le Dr Pierre-Alain Mayeux. Maintenant, j'ai des maris qui m'amènent leurs femmes ! Il y a une inversion…"

Mais s'ils se tournent vers la chirurgie esthétique, ce n'est pas tout à fait pour les mêmes raisons que les femmes. Contrairement à elles, paraître plus jeune n'est pas le critère principal : ils souhaitent avant tout être "avoir l'air plus frais, plus en forme" d'après le Olivier Claude. Paraître toujours dynamique est aussi une façon de s'imposer face à des collègues plus jeunes et frais comme une rose après une nuit de travail. "Ils travaillent dur et veulent avoir l'air moins fatigué, plus dynamique, pas forcément plus jeune, mais mieux dans leur peau, confirme le Dr Mayeux. La compétition professionnelle est importante, avoir l'air dynamique aide dans leur métier et ça les rend plus séduisants aussi dans leur vie personnelle." Comme il le rappelle judicieusement, la première motivation de la médecine esthétique est de séduire. Qu'il s'agisse de soi-même, de son compagnon, de ses clients ou de son employeur…

De plus, d'après le Dr Olivier Claude, les hommes veulent également des suites opératoires plus simples : "ils font plutôt des chirurgies plus simples et plus ciblées, complète-t-il. En somme, ils veulent être le même en mieux, ils ne veulent pas changer !" Le Dr Mayeux trouve les patients plus matures dans leurs demandes : "ils veulent être harmonieux. Le plus grand écueil de notre métier est de rajeunir à tout prix, en revanche, on peut les aider à vieillir harmonieusement."

Des différences entre les deux sexes

Certaines caractéristiques masculines expliquent un recours plus tardif au rajeunissement chirurgical ou médical. "La peau des hommes est plus épaisse et vieillit moins vite, détaille le chirurgien. Les reliefs osseux sont plus importants donc ils maintiennent un peu plus les tissus." Selon le Dr Mayeux, cette peau plus épaisse marque aussi davantage quand ils perdent du poids.

"Chez les hommes, il faut respecter beaucoup plus les rides et certains détails qui donnent le caractère (certaines rides du front, certaines cicatrices, ce qui donne du charme)", explique le médecin esthétique.

De surcroît, la peau des femmes est affectée à la ménopause par la chute hormonale et elle perd de son élasticité. "Grâce à l'absence de variation hormonale à la cinquantaine, les hommes réalisent moins de lifting complet et ils ne vont faire que les paupières", analyse le Dr Olivier Claude. Autre différence entre les deux sexes : l'implantation des cheveux et de la barbe, que les chirurgiens sont tenus de respecter. Ce qui implique de positionner les cicatrices différemment.


[1] L'ASAPS a compilé les données d'actes effectués entre 1996 et 2016, à l'aide de questionnaires remplis par 795 praticiens. http://www.surgery.org/sites/default/files/ASAPS-Stats2016.pdf

Comment trouver un médecin ou chirurgien esthétique ?

"Les hommes ont du mal à trouver des renseignements, hormis dans les magasines de leur femme, commente le Dr Mayeux. Ils s'informent sur internet, sur les forums mais c'est plus difficile que leurs femmes".

Le Dr Olivier Claude recommande de faire confiance au bouche-à-oreille ou aux praticiens adressant à un confrère (médecin traitant, dermatologue,...). "Il faut prendre le temps de se renseigner et de vérifier les qualifications", conseille-t-il

Une chirurgie plus ciblée

Actuellement, on ne fait plus de lifting complet du visage, chez l'homme : il est ciblé sur une zone. Certains hommes à la cinquantaine sont par exemple dérangés par l'aspect de leur cou ; le lifting se focalisera sur cette zone. "Un cou propre donne le côté dynamique au visage et il redessine les reliefs osseux, signes très importants de virilité, analyse Olivier Claude. Une autre zone est souvent travaillée chez l'homme, l'étage temporal (NDLR : au niveau de la tempe), pour remonter de façon harmonieuse et naturelle la queue du sourcil."

L'enjeu est alors de faire attention à ne pas féminiser le visage : les sourcils masculins sont horizontaux, à l'inverse de ceux des femmes, plus courbés. Le chirurgien remonte alors la partie latérale du sourcil pour donner un air moins triste et ouvrir le regard. Il peut aussi alléger la paupière supérieure, sans la creuser. C'est ce que l'on appelle une blépharoplastie. Sa durée est longue, de 15 ans, mais elle n'est pas éternelle puisque l'homme continue à vieillir…

En ce qui concerne le visage, l'objectif est de valoriser les signes de virilité, qui se passent sur le tiers inférieur, autrement dit le menton et les mâchoires. A l'inverse des femmes, chez qui les chirurgiens travaillent davantage le tiers moyen, comprenant les joues et les pommettes. Le lifting est donc ciblé sur le tiers inférieur : "Il faut prendre le temps d'écouter le patient, d'analyser son visage, de décider ce qu'il faut faire à tel ou tel endroit. L'amélioration doit être naturelle et indétectable, en jouant sur quelques millimètres et degrés…"

Le vieillissement s'accompagne d'une perte de graisse profonde et d'os, perte qui sera compensée par de la graisse ou de l'acide hyaluronique. "Le lipofilling du visage consiste à prélever de la graisse et à l'injecter au niveau du visage, en profondeur pour augmenter le menton, la pommette, l'angle de la mandibule, explique le Dr Olivier Claude. Cette technique améliore la qualité cutanée et elle a aussi un effet de prévention du vieillissement."

Enfin le nez  est également une zone fréquemment opérée. Contrairement aux femmes, l'opération tend à ne pas trop l'affiner pour ne pas le féminiser.

Une silhouette plus athlétique grâce à la chirurgie

La silhouette masculine souffre parfois d'une surcharge de graisse de type androïde, autrement dit "en pomme", au niveau du haut du corps (les femmes ont plutôt une silhouette en poire, où les graisses s'accumulent sur les cuisses et les fesses). Certains hommes souffrent de leurs poignées d'amour et d'une bedaine dysgracieuse, qui alourdit l'allure…

Aujourd'hui, la tendance esthétique redessine une silhouette athlétique : elle ne la "dégraisse" plus, mais souligne les reliefs musculaires et les zones d'insertion tendineuse, d'après le spécialiste. L'abdomen est travaillé pour mettre en valeur les "plaquettes de chocolat" et les pectoraux sont accentués : le chirurgien aspire donc différemment suivant les zones. La même "philosophie" est appliquée aux bras, où le relief du muscle deltoïde est dessiné. "La graisse aspirée pourra être remise sur certaines zones au dessus et dans les muscles, explicite le chirurgien. Car dans la graisse, on a des cellules souches qui pourront devenir des cellules musculaires en faisant du sport."

Avantage de la technique: les résultats durent très longtemps, car la graisse est composée de cellules vivantes et elle évolue comme le corps (si on perd du poids, on perdra de la graisse). "On peut aussi transférer la graisse au dessus ou dans le muscle grand fessier pour remuscler les fesses. Les fesses d'homme sont différentes de fesses de femmes : il faut une fesse plus haute, plus compacte et plus creusée sur la partie latérale."

"On associe souvent médecine et chirurgie esthétique, il faut souvent plusieurs outils pour un résultat très naturel, conclut le chirurgien. C'est encore plus vrai chez l'homme que chez la femme, pour personnaliser le traitement et respecter l'harmonie."

La gynécomastie, des seins trop développés

Certains hommes souffrent d'une gynécomastie, un développement anormal des seins. Elle peut être transitoire chez le jeune garçon, durant la puberté. Quand elle est permanente, elle peut être liée à un trouble hormonal, certaines maladies (du foie, du rein,…) ou encore un surpoids.

Un traitement médical, à base d'hormone mâle peut être proposé. En cas de gêne majeure, une intervention est proposée et le chirurgien retirera les éléments en excès (la graisse ou la glande mammaire). Cette opération est prise en charge par l'Assurance-maladie.

Le boom de la médecine esthétique

Aujourd'hui, elle dispose de plusieurs outils : les "stars" de la médecine esthétique sont les injections de toxine botulique et d'acide hyaluronique. Des peelings, le laser ou plus récemment les machines de cryolipolyse traitant les amas graisseux localisés, sont aussi utilisés.

L'acide hyaluronique chez les hommes

Cette substance produite naturellement par le corps confère son élasticité à la peau. En médecine esthétique, le produit sert à combler les volumes perdus et à améliorer la texture de la peau (Juvéderm Volite), comme ceux des pommettes, par exemple.

"Chez les hommes, ce qui pose problème est la partie moyenne du visage, le regard, la vallée des larmes, les cernes, un peu la ride de lion, explique le Dr Mayeux. C'est ce qui donne l'air fatigué et la correction de ces problèmes redonne l'air plus dynamique."

Les cernes creusés sont également comblés avec de l'acide hyaluronique (Redensity Eyes). La coloration peut être traitée par peeling ou produits dépigmentants. Et la vallée des larmes, cette partie sous le cerne, entre le nez et la pommette, retrouve le volume perdu grâce à de l'acide hyaluronique. Les plis d'amertume, qui partent de la bouche et donnent l'air de mauvaise humeur, s'aggravent avec l'âge et c'est une cible de choix pour le produit (Belotero).

Autre demande, autre public : "certains jeunes gens se plaignent d'un manque de virilité et souhaitent masculiniser leur visage, raconte le Dr Mayeux. On élargit alors un peu le menton, on renforce les angles mandibulaires, avec de l'acide hyaluronique, ou on repositionne correctement les pommettes qui doivent être plus centrales."

L'acide hyaluronique a une durée d’action de un an, voire un an et demi (dans les cernes, l'action peut durer plusieurs années). Tout est réversible dans le temps ou rapidement. D'après le médecin, le risque principal est un bleu et même s'il est peu fréquent, il est à éviter chez l'homme qui ne peut pas se maquiller ! Il persiste quelques jours, jusqu'à deux semaines et le médecin limite le risque en adaptant la technique et en utilisant des aiguilles très fines et des canules quand c'est possible. Les patients doivent s'assurer de la qualité de l'acide hyaluronique employé, comme Restylane vital de Galderma, Volite d'Allergan, Volite de Juvederme (conseillés par le Dr Nifaros).

Les réactions inflammatoires, sous forme de granulomes (sorte de petits nodules sous la peau sont très rares et heureusement réversibles en quelques jours à l'aide d'un traitement (en son absence, elle dure le temps que l'acide hyaluronique se dissolve). Il existe d'exceptionnelles réactions allergiques au produit de synthèse injecté.

Les prix évoluent entre 300 et 400 euros la seringue (le nombre de seringues est variable selon la zone à traiter et l'intensité du comblement), non remboursé par l'Assurance-maladie. Un prix à mettre en regard avec le budget cosmétique moyen annuel, qui s'élève à 1500 euros si l'on compte les crèmes, les soins cosmétiques, les épilations,… (source : Allergan).

La toxine botulique

La toxine botulique, connue du grand public sous le nom de Botox®, est injectée au niveau des muscles, sous les rides du visage. "La force du muscle est plus ou moins diminuée en fonction des besoins, empêchant ainsi la peau de se plisser", explique le Dr Mayeux. Son utilisation nécessite donc de bonnes connaissances anatomiques pour éviter les visages trop figés, que l'on voit parfois,… "Chez l'homme, la toxine servira à corriger la position des sourcils en jouant sur les muscles, ou à agir sur la ride du lion (entre les sourcils), le front, les pattes d'oie", détaille le médecin esthétique.

La durée d'action de la toxine botulique est de 4 à 6 mois. Les risques sont nuls d'après le Dr Mayeux, à condition qu'elle soit injectée par quelqu'un de compétent et bien formé en anatomie. Sous peine d'hématomes ou de rougeurs au point d'injection durant quelques jours, de chute des sourcils ou des paupières ou une petite gène pour sourire, réversibles en quelques semaines.

"Ce sont de très petites doses par rapport aux traitements médicaux effectués avec la toxine botulique dans les pathologies médicales, rassure-t-il. C'est un médicament, très sûr, très bien contrôlé, avec des études cliniques poussées et une AMM comme tous les médicaments."

Pour un traitement complet (front, entre les sourcils, pattes d'oie), il faut compter 400 euros d'après le spécialiste. Le prix est variable suivant les produits utilisés et il n'est pas pris en charge par l'Assurance-maladie.

Ultrasons et laser au service de l'esthétique

Autre technique qui ne fait pas appel aux injections, les HIFU, ultrasons focalisés. "Ils fonctionnent de mieux en mieux pour retendre la peau, avec 5 ans de recul, estime le Dr Mayeux. Ils marchent très bien sur les poches malaires (gonflements sur les pommettes), près de l'orbite, ou pour traiter l'ovale du visage et le cou. Ce n'est pas un lifting, soyons clairs, mais l'effet dure plusieurs années."

Les cicatrices d'acné seront traitées à l'aide de lasers, combinés parfois à des injections d'acide hyaluronique ou un peeling. Quant aux cicatrices chéloïdes ou hypertrophiques, plus fréquentes chez les hommes qui cicatrisent moins bien, elles nécessitent des injections de corticoïdes à action retardée et/ou des traitements par laser.