On vous explique la polémique autour de l'origine du coronavirus

Plutôt que la piste officielle d’une contamination mondiale par le coronavirus à partir d'un marché de Wuhan, certains évoquent une faille dans la sécurité d’un laboratoire de la ville. Le point sur cette nouvelle polémique.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Le Pr Luc Montagnier, prix Nobel français et co-découvreur du virus du SIDA, a fait une arrivée fracassante dans le débat sur l'origine de la pandémie. Il affirme en effet que le SARS-CoV-2 a été créé artificiellement dans un laboratoire de recherche de Wuhan.

De nombreuses démonstrations scientifiques ont été développées pour contredire la thèse du Pr Montagnier. Cette personnalité historique de la recherche française a affirmé que le responsable de la pandémie actuelle avait été créé en associant des fragments du VIH à un coronavirus peut-être, selon lui, pour créer un vaccin contre le virus du SIDA.

D'après lui, ces manipulations auraient eu lieu au sein du laboratoire de virologie P4 (le plus haut niveau de sécurité pour les virus les plus dangereux) situé à Wuhan. Et il y aurait eu un accident qui aurait provoqué la "sortie de ce virus artificiel", responsable de la contamination d’habitants de la ville, puis du reste du monde.

Le Pr Montagnier appuie sa thèse sur une étude indienne publiée fin janvier et qui aurait été, toujours selon lui, censurée car elle n'allait pas dans le sens  de la thèse officielle de la contamination par le marché alimentaire de Wuhan. En réalité, sa suppression a été provoquée par l’apport de contradictions scientifiques solides. Des chercheurs de différentes équipes ont à leur tour examiné les gènes du Sars-CoV 2 et les ont comparés avec ceux le VIH. Ils n’ont identifié aucune véritable séquence commune. Seulement de "vagues" similarités partagées avec un grand nombre d’autres virus.

De plus, de nombreux articles chinois – accusés par certains de partialité - et une publication de scientifiques australiens, écossais et américains dans Nature réfutent également sur le fond l’hypothèse d’une construction en laboratoire.

Une diffusion accidentelle d’un virus naturel sur lequel travaillaient les équipes d'un laboratoire ?

Cette autre hypothèse a été largement actualisée ces derniers jours par les révélations du Washington Post. 

Cette piste est très appréciée par Donald Trump. Mais on ne peut vraiment pas taxer ce grand quotidien américain d’être pro-Trump, au contraire : il accuse le gouvernement Trump de ne pas avoir réagi face aux alertes rédigées en 2018 par ses propres équipes diplomatiques basées en Chine. A la suite de visites du fameux laboratoire P4, elles ont signalé un besoin de renforcement des procédures de sécurité, jugées défaillantes. Des faiblesses d’autant plus inquiétantes que des équipes trop peu expérimentées étudiaient justement des coronavirus de chauve-souris, dans le cadre de recherches qui soulignaient le haut risque d'émergence de nouvelles épidémies.

Les diplomates soulignaient à la fois le danger et l’importance de ces travaux pour essayer d'éviter un pareil évènement. Mais aucun de leurs courriers n’ont provoqué de réaction à l’époque.

Qu'en pensent les scientifiques qui travaillent sur l’origine du virus ?

La méfiance est alimentée par le "blocus" qui vient d’être décrété par Pékin sur toutes les recherches concernant l’origine du Sars-Cov 2. Ce sujet devient un sujet de propagande. Et la belle coopération internationale, symbolisée par la publication de la séquence du virus en janvier, en "prend un coup". 

Les scientifiques qui travaillent sur l’origine de ce nouveau coronavirus ne croient pas à l’hypothèse d’un point de départ accidentel à Wuhan. C’est en particulier le cas de Peter Forster, un généticien de l’Université de Cambridge.

Le scientifique, qui travaille habituellement en archéologie, a mis au point un système pour dater les gènes préhistoriques. Il s’en est servi pour retracer l’histoire du Sars-Cov2. Son point de départ, c’est la publication mondiale de la séquence du virus à partir de prélèvement sur les patients.

Il l’a transformée comme ceci. 

Son équipe a identifié trois "sous-groupes" du nouveau coronavirus : A, B et C. En les comparant avec celui "d’origine" de la chauve-souris, ils ont trouvé que c’était le groupe A qui en était le plus proche. Or, ce virus A, on ne le trouve presque pas à Wuhan. Mais plus au sud. Au niveau d’un autre foyer très précoce de l’épidémie, à Guangdong. Pour lui ce serait là, le point de départ de l'épidémie, et non un laboratoire de virologie à Wuhan.

Comment expliquer que le signal soit seulement venu de Wuhan ?

Peut-être parce que le type A dans le sud provoquait moins de symptômes. C’est le type B qui serait devenu plus agressif au fil de la transmission d’homme à homme, associée à Wuhan, où le COVID-19 a explosé. Pour en savoir plus, il faudrait plus de prélèvements de patients de Guangdong fin 2019 et de chauve-souris de cette région. Le travail de Peter Forster est aussi passionnant parce qu’il montre que le virus évolue davantage hors d’Asie. Comme s’il s’adaptait à son environnement, c’est-à-dire "nous".