Inceste : trois pistes pour "protéger les enfants et les lanceurs d'alerte"

La Commission Inceste a publié trois recommandations pour "mieux protéger les enfants" victimes d'inceste, dans son premier avis rendu le 27 octobre. Les explications d’Arnaud Gallais, membre de cette commission.

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Inceste : trois pistes pour "protéger les enfants et les lanceurs d'alerte"
©Mary Long

Ils ont reçu des centaines de témoignages de mères d'enfants victimes d’abus. Et après les avoir étudiés, les membres de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) formulent trois recommandations ce 27 octobre pour protéger les enfants.

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1. "Principe de précaution"

Si des poursuites pénales sont engagées contre un parent pour inceste, le droit de visite et d'hébergement doit être suspendu "de plein droit", de même que "l'exercice de l'autorité parentale".

"Il faut appliquer le principe de précaution, revendique Arnaud Gallais, membre de la Ciivise, activiste pour les droits de l'enfant et lui-même victime d'inceste. Il existe des situations où malgré la dénonciation par la mère, il y a un maintien des droits de visite et de l’exercice de l’autorité parentale. Les enfants restent donc en danger."

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Le risque n'est pas d'inventer des violences mais de ne pas protéger des victimes, note la Ciivise, qui appelle à "croire l'enfant" et relève que "les études scientifiques montrent que les fausses dénonciations de maltraitance sont marginales dans un contexte de séparation parentale". 

Selon Arnaud Gallais, il faut oublier ce mythe selon lequel une mère pourrait manipuler son enfant afin qu’il accuse son père d’abus sexuels. "Cette idée n’a aucune valeur scientifique, elle n’est reconnue nulle part, s’indigne-t-il. Il existe une domination masculine dans la société, qui fait qu’une fois de plus, on discrédite la parole des femmes. C’est un danger terrible pour les enfants."

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2. "Protéger le parent qui lance l’alerte"

Ensuite, dès qu'une enquête est ouverte pour inceste, la commission recommande de "suspendre" les poursuites pénales contre un parent qui refuserait de laisser son enfant au parent soupçonné.

Beaucoup de femmes sont devant ce dilemme : respecter la loi et laisser son enfant passer du temps chez son père soupçonné de violences, ou bien protéger son enfant et risquer d'être poursuivie. La mère qui veut protéger son enfant du père incestueux doit être protégée, pour la Ciivise.

"Comme la justice ne prend pas en compte la parole de la mère, elle décide de ne plus remettre l’enfant à son père, raconte Arnaud Gallais. Mais alors, c’est elle qui se retrouve poursuivie ! C’est insupportable. Nous souhaitons que ce délit disparaisse en cas d’enquête, pour protéger les enfants et les parents qui lancent l'alerte."

3. "Retirer toute autorité d’un parent condamné"

Enfin, en cas de condamnation d'un parent pour viol ou agression sexuelle incestueux, l'exercice de l'autorité parentale doit lui être retiré automatiquement, selon la Ciivise.

"Il faut se dire qu’un père incestueux n’est jamais un bon père, décrit Arnaud Gallais. Aujourd'hui, le père pourrait être en prison, condamné pour violences sexuelles sur son enfant, et on impose à l’enfant d’aller au parloir pour le rencontrer ! Ou alors il prend des décisions pour cet enfant après ce qu’il lui a fait subir …"

Passer de la parole aux actes

Pour Arnaud Gallais, il est grand temps de mettre fin à ces violences. "Nous souhaitons que le gouvernement se saisisse de cet avis. L’état des lieux est dramatique : 22.000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. Cela représente un enfant toutes les trois minutes."

Selon le militant, il est urgent d’agir. "Il faut passer de la parole aux actes. Il faut protéger les enfants et l’ensemble des lanceurs d’alerte," conclut-il. D’après lui, le prochain chantier concerne les médecins. Il arrive trop souvent que des médecins signalent des violences, mais soient sanctionnés par l'Ordre des médecins pour rupture du secret médical.