Les médecins sont tenus par le secret médical, mais qu'ont-ils droit de dire ?

Le secret médical, garanti par le Code Pénal, s’applique a priori en permanence. Toutefois, il existe des circonstances qui obligent le médecin à révéler certaines informations. Les explications de Me Patrick de La Grange, avocat spécialiste du droit de la santé.

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Les médecins sont tenus par le secret médical, mais qu'ont-ils droit de dire ?
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Après la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise le 5 octobre 2021, la notion de secret de la confession a fait débat. Mais qu'en est-il du secret médical ?  

"Le secret médical est un principe absolu de la relation patient médecin, y compris après la mort du patient. Il sert à défendre la vie privée du patient, dans ce qu’il a de plus important, c’est à dire sa santé", explique Me Patrick de La Grange, avocat spécialiste du droit de la santé. 

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Qu’est-ce que le secret médical ?

Le secret médical est un "principe intangible du droit français", décrit Me de La Grange. "Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret [médical] couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel […]. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé", précise l’article Article L1110-4 du Code Pénal.  

Un médecin qui brise ce secret peut encourir un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende, selon l’article 226-13 du Code Pénal. Ce principe peut être opposé à tous : famille du patient, même très proche, employeur … 

Des exceptions pour les mineurs

Il existe néanmoins des cas où la loi exige du médecin qu’il passe outre le secret médical. Cette exception est valable lors d'une prise en charge d'un patient mineur ou handicapé victime de maltraitances ou de violences.  

"Si un médecin a la certitude qu’un enfant est maltraité, il a le devoir de faire un signalement. Mais il doit passer par ses instances ordinales qui jouent les intermédiaires. Ensuite, le signalement part entre les mains de la justice. Le médecin ne décroche pas son téléphone pour appeler un parent ou la police, il doit suivre un parcours très précis", explique Me de La Grange. 

Toutefois, un médecin ne peut signaler ce type de situation que si elle concerne une personne vulnérable, comme un enfant ou une personne mentalement handicapée. "Dans le cas d’une femme majeure qui subirait des violences conjugales connues du médecin mais que cette dernière ne veut pas les dénoncer, le médecin n’est pas délivré de son secret médical", précise l’avocat. 

Un patient incapable d’exprimer sa volonté

Il existe une autre situation où l'appréciation du médecin peut entrer en ligne de compte. "Si un patient n’a plus sa lucidité ou s’il est inconscient, par exemple dans le coma, le médecin dispose d’une latitude d’appréciation de ce qu’il peut dire ou pas à la famille", explique Me de La Grange. 

L’avocat précise que si le patient a eu le temps de nommer une personne de confiance, la situation est plus facile. "Mais s’il n’y en a pas, si la famille est en conflit, ce n’est pas facile de savoir ce qu’on dit à l’un et pas à l’autre, explique-t-il. Il y a le texte de loi, c’est une chose, mais quand le médecin se retrouve au milieu d’un conflit autour d’un patient incapable d’exprimer sa volonté, c’est difficile. Les instances ordinales sont là pour l’aider, bien sûr."

Un patient décédé

Dans le cas d’un décès, le médecin reste soumis au secret médical. Mais il reste des situations très encadrées où il peut être levé.  

"La loi prévoit dans le cas du décès d’un patient trois situations dans lesquelles le médecin peut être délivré du secret médical. La défense de la mémoire, la connaissance des causes de la mort, et faire valoir des droits des ayants droits", explique Me de La Grange. "Dans le cas d’une enquête pour meurtre, par exemple, un médecin peut être entendu par le juge d’instruction."