Les députés déclarent la guerre contre les substances chimiques

Les députés ont adopté ce 14 janvier en première lecture une proposition de loi écologiste, dite "Detox", destinée à inciter les industriels à remplacer les substances chimiques les plus toxiques par d'autres moins dangereuses afin de lutter contre la hausse des maladies chroniques.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Les députés déclarent la guerre contre les substances chimiques
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Selon ce texte, qui doit maintenant être débattu au Sénat, les entreprises devront déclarer les substances chimiques "préoccupantes" pour la santé humaine ou l'environnement qu'elles utilisent et seront incitées, par la fiscalité et l'étiquetage, à les remplacer par des alternatives moins dangereuses quand celles-ci existent "à un coût raisonnable". Ce recensement permettra au gouvernement d'établir un "plan national de substitution des substances chimiques préoccupantes".

La proposition de loi, qui défend selon son auteur Jean-Louis Roumégas "la vision de l'écologie positive et non punitive" chère à la ministre Ségolène Royal, a été soutenue par les socialistes et les radicaux de gauche, alors que la droite a voté contre et que le Front de gauche s'est abstenu.

Tant l'UDI Yannick Favennec que l'élu Les Républicains Gérard Menuel ont justifié leur opposition à ce texte par les risques sur la "compétitivité de l'industrie" et de "doublon" avec le droit européen. Même argumentation, de manière plus inattendue, pour le Front de gauche : Patrice Carvalho a vanté "le point d'appui" de "la législation européenne Reach".

Des centaines de substances dites "préoccupantes"

Bien qu'elles soient présentes un peu partout au quotidien (textiles, produits de nettoyage, revêtements, appareils électriques, jouets, etc.), ces milliers de molécules sont méconnues et nombre d'entre elles sont soupçonnées d'être responsables de l'augmentation des allergies, des cancers et de la stérilité constatées depuis des années.

Mais, pour M. Roumégas, si "la législation Reach fut une avancée majeure", elle "ne suffit pas" car elle est basée sur le "principe de gestion des risques" et non de "substitution".

Seules 31 substances, parmi les plus dangereuses comme celles qui sont cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR), sont actuellement soumises à autorisation sur 800 à 900 substances préoccupantes d'après la liste de référence de la Commission européenne citée par M. Roumégas.

Il faut donc aller plus loin, selon M. Roumégas, qui souligne que la France s'était aussi portée à "l'avant-garde" en Europe de la lutte contre les perturbateurs endocriniens en interdisant le bisphénol A dans les biberons, puis dans les contenants alimentaires. En outre, selon lui "l'action substance par substance n'est plus suffisante" face aux derniers travaux toxicologiques qui prouvent que les effets sur la santé sont d'autant plus forts que les molécules "interagissent entre elles par effet cocktail".

Il s'est étonné que "la droite puisse balayer d'un revers de main les coûts sanitaires", estimés ainsi à 19 milliards d'euros pour la pollution de l'air intérieur par l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail). Pour le secrétaire d'Etat aux Transport Alain Vidalies, "la compétitivité, c'est aussi la prise en compte des exigences des consommateurs".

Pour faire adopter son texte, qui avait été rejeté en commission, M. Roumégas a dû cependant, à la demande au gouvernement et du PS, renoncer à imposer aux entreprises la réalisation d'un audit externe sur ces substances en raison du coût pour les PME, mais "ce n'est pas l'essentiel" selon lui. "Les obligations et les sanctions ont laissé place à un système incitatif", s'est réjoui le socialiste Jean-Yves Caullet.

Adoptée en 2007 au terme de quatre années de féroce bataille entre ONG et industriels, Reach (acronyme en anglais d'Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques) prévoit, d'ici 2018, l'enregistrement progressif de quelque 30.000 substances fabriquées ou importées dans l'UE.

Pour la première fois, ce ne sont plus aux autorités publiques de démontrer la nocivité des produits, mais aux industriels de prouver qu'ils sont sûrs.