Des vaccins thérapeutiques dans l'arsenal de lutte contre le cancer

RECHERCHE - Le Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon a annoncé lundi 2 février 2015 l'expérimentation prochaine chez l'homme d'un nouveau vaccin thérapeutique ciblant des cellules cancéreuses.

Florian Gouthière
Rédigé le

L'équipe des professeurs Olivier Adotevi et Christophe Borg au CHRU de Besançon a annoncé le lancement, courant juin, d'un essai clinique sur un "vaccin" nommé UCPVax (pour Universal Cancer Peptide). Portant sur 54 patients, il sera réalisé sur trois ans. L'objectif est à la fois de vérifier la bonne tolérance du traitement, et d'observer d'éventuels premiers effets.

L'UCPVax n'a pas vocation à prévenir l'apparition du cancer (ce n'est pas un vaccin préventif) mais bien de contribuer à la guérison en stimulant le système immunitaire(1). Lorsqu'une tumeur se développe, le système immunitaire peine à identifier les cellules comme un danger à éliminer. En effet, les cellules malades ne sont pas étrangères à l'organisme ; de surcroît, elles expriment souvent de multiples signaux chimiques qui "désamorcent" les attaques du système immunitaire.

Certaines cellules immunitaires, en l'occurrence les lymphocytes T auxiliaires 1 (ou Th1), "parviennent très bien à cibler les tumeurs", nous détaille Olivier Adotevi. "Tandis que d'autres lymphocytes auxiliaires sont associés à un pronostic très défavorable", poursuit-il.

Son équipe a identifié une molécule (un peptide) émise, chez certains malades, par les cellules cancéreuses au cours de la production de télomérase. Cette télomérase assure la conservation de la longueur des chromosomes au gré des divisions cellulaires ; sans elle, après un certain nombre de divisions, la chaîne d'ADN se raccourcit progressivement, jusqu'à atteindre le code génétique, et rendre la cellule non viable. Toutes les cellules cancéreuses surproduisent cette télomérase, ce qui les rend immortelles…

Or, certains lymphocytes Th1 sont particulièrement sensibles à ce peptide émis en cas de surproduction de télomérase. L'idée des chercheurs bisontins est d'injecter ce peptide avec un adjuvant "pour activer, puis multiplier ces Th1 spécifiques".

En soit, les lymphocytes T auxiliaires(2) ne peuvent pas venir à bout du cancer. "Ce sont les officiers, qui donnent les ordres aux soldats, les lymphocytes T cytotoxiques(3)", détaille Olivier Adotevi. "De nombreux essais de vaccins thérapeutiques ont cherché à stimuler les lymphocytes T cytotoxiques seuls, mais il apparaît aujourd'hui qu'il faut d'abord activer les lymphocytes T auxiliaires. C'est ce que nous essayons de faire aujourd'hui."

L'UCPVax est loin d'être le seul vaccin thérapeutique ciblant la télomérase à être développé de par le monde. "C'est un domaine assez compétitif", reconnaît volontiers le professeur Adotevi. "[Certains vaccins expérimentaux ciblent] la télomérase dans son ensemble, tandis que nous nous sommes concentrés sur ce peptide. Il existe par ailleurs d'autres vaccins peptidiques en cours de développement. On peut citer le GV1001, qui a été testé en phase III pour le cancer du pancréas".

Le chercheur souligne le fait que les stratégies d'immunothérapies ne fonctionnent pas de façon universelle. "Elles ne fonctionnent que pour des sous-groupes, qu'il faut identifier. Elles sont à rapprocher en cela des thérapies dites "ciblées", qui fonctionnent uniquement sur des patients ayant une mutation génétique bien déterminée".

"Ce qui est intéressant avec notre vaccin", poursuit le Pr Adotevi, "c'est que nous avons élaboré un test qui permet de détecter le peptide, et donc les patients susceptibles de répondre au traitement".

Toutes les cellules cancéreuses produisant de la télomérase, le vaccin pourrait être utilisé pour aider à soigner toutes formes de cancers. "Pour l'heure, notre essai ne porte que sur un seul type de cancer (les cancers bronchiques non à petites cellules métastasiques). Nous ciblons une seule pathologie, pour évaluer la toxicité et les propriétés immunogènes de notre vaccin. Il faut rester très prudent(4) sur les annonces autour de cette recherche", insiste le chercheur.

 

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(1) Cette stimulation est complexe et ciblée, et n'a absolument rien à voir avec les fantaisistes "stimulations des défenses immunitaires" proposées à des personnes en bonne santé à grand renfort de marketing mensonger.
(2) Les lymphocytes T auxiliaires présentant, à leur surface la protéine CD4, les chercheurs les désignent plus couramment sous le nom de lymphocyte T CD4+.
(3) La plupart des lymphocytes T cytotoxiques présentent, à leur surface la protéine CD8. Les chercheurs les désignent couramment sous le nom de lymphocyte T CD8+.
(4) En outre, il faut noter que les traitements d'immunothérapie sont généralement testés sur des patients atteints d'une pathologie à un stade avancé. Les succès et les échecs d'un essai clinique permettent d'améliorer la compréhension des mécanismes biologiques en jeu, mais n'aboutissent pas nécessairement à un traitement.