Dépister et prévenir le cancer du foie

La cirrhose n'est pas la seule maladie du foie... Le nombre de cancers du plus gros organe du corps est en augmentation ces dernières décennies en France. Même si les traitements s'améliorent, comment prévenir la maladie ?

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Marina Carrère d'Encausse et Régis Boxelé expliquent le cancer du foie
Marina Carrère d'Encausse et Régis Boxelé expliquent le cancer du foie

Le cancer du foie fait peur car il est l'un des cancers digestifs les plus agressifs. Mais le cancer du foie est aussi l'un de ceux dont les traitements ont le plus progressé ces dernières années.

Qu'est-ce que le cancer du foie ?

Le foie est le plus gros organe du corps. Il est très vascularisé et contient à lui seul plus de 10% du volume sanguin total du corps. Chaque minute, chez un adulte, il est traversé par presque un litre et demi de sang. Le foie fabrique la bile qui aide à la digestion des graisses. Il stocke le glucose, les vitamines et les minéraux issus de la digestion et les libère dans le sang lorsque l'organisme en a besoin. Il débarrasse aussi le corps d'une bonne partie de ces toxines. Le sang arrive chargé de déchets, par exemple d'alcool ou de médicaments, puis rejoint la circulation sanguine une fois purifié.

Toutes ces fonctions sont en grande partie effectuées par les cellules du foie, les hépatocytes. Elles s'organisent en petits groupes, les lobules, autour d'une veine centrale. Ces cellules hépatiques peuvent être le point de départ d'un cancer, lorsque le foie est déjà endommagé par une maladie chronique, comme une hépatite par exemple. Dès que la cellule devient anormale, elle se multiplie de façon anarchique pour former une masse. Neuf fois sur dix, il s'agit de carcinomes hépatocellulaires.

D'autres formes de cancer peuvent se développer à partir de cellules des canaux biliaires ou à partir des vaisseaux sanguins. Le foie peut être le siège de métastases, des tumeurs secondaires issues d'un cancer du côlon, du poumon, du sein. Plus d'un cancer sur trois crée une métastase au foie. Ces cancers secondaires sont 20 à 50 fois plus fréquents que les cancers primitifs.

Cancer du foie : un diagnostic en 24 heures

Parce qu'il est généralement asymptomatique, diagnostiquer un cancer du foie n'est pas chose aisée. Il est d'ailleurs trop souvent diagnostiqué à un stade avancé. D'où l'intérêt de le dépister le plus précocément possible.

Il existe des centres de diagnostic rapide, notamment à l'hôpital Beaujon, à Paris. Bilan sanguin, scanner, IRM... tous ces examens sont réalisés en une seule journée et en un seul lieu pour savoir si une lésion détectée au foie est bénigne ou cancéreuse. Ce diagnostic rapide du cancer du foie s'adresse à toute personne présentant une tumeur qui vient d'être détectée lors d'une consultation chez son médecin ou à la suite d'un examen d'imagerie.

Habituellement, ce type de diagnostic prend plusieurs semaines. Dans ces centres, l'organisation a été totalement repensée. Et en quelques heures à peine, le patient peut avoir une consultation pluridisciplinaire, une échographie et une IRM.

Les centres de diagnostic rapide réalisent des diagnostics pour tout type de tumeurs du foie et du pancréas, bénignes ou cancéreuses. Ce diagnostic rapide permet d'envisager très rapidement une biopsie, si elle est indiquée, et en cas de diagnostic de cancer, de mettre immédiatement en place un programme de traitement adapté.

Cancer du foie : quel pronostic ?

Le pronostic du cancer du foie reste toujours délicat, car il dépend de nombreux paramètres. Le principal problème est que l'on découvre très tard le cancer du foie puisque les symptômes sont longtemps absents. 

Selon la Ligue contre le cancer, le nombre de nouveaux cas de cancer du foie est de près de 12 000 en France (8874 chez les hommes et 2784 chez les femmes en 2023). L’âge médian au diagnostic est de 70 ans chez les hommes et 73 ans chez les femmes. Le cancer du foie fait partie des cancers de mauvais pronostic puisque le taux de survie à cinq ans n'est que de 18 %. Actuellement, le cancer du foie représente 7 % des décès par cancer chez l’homme.

Comment prévenir le cancer du foie ?

Pour améliorer le pronostic du cancer du foie, des progrès doivent être faits sur le dépistage, mais aussi sur la prévention. Quelques conseils à appliquer au quotidien permette de réduire les risques de souffrir d'un cancer du foie.

Tout d'abord, limitez votre consommation d'alcool à deux verres par jour maximum, et pas tous les jours. Utilisez toutes les mesures de prévention contre les hépatites B et C, qui favorisent le cancer du foie, comme la vaccination pour le virus B, le préservatif ou, pour les personnes qui consomment des drogues injectables, des seringues à usage unique.

Cancer du foie : des interventions moins invasives

Le chirurgien utilise des électrodes pour détruire les petites tumeurs
Le chirurgien utilise des électrodes pour détruire les petites tumeurs

Les traitements du cancer du foie dépendent surtout de la taille de la tumeur et de la gravité de la maladie. Quand la tumeur est importante, les médecins ont souvent recours à la chirurgie. Ils enlèvent la tumeur ou un lobe du foie (lobectomie). Au maximum, ils enlèvent tout le foie et on fait une transplantation.

Pour de petites tumeurs ou quand la chirurgie n'est pas possible, il existe d'autres techniques moins invasives. Ce sont celles qui se sont le plus développées ces dernières années. Parmi ces traitements, la radiofréquence consiste à détruire la tumeur en la soumettant à une très forte température grâce à des ondes électromagnétiques. C'est une technique très utilisée aujourd'hui, car extrêmement efficace sur les petites tumeurs.

Autre solution, toujours pour les petites tumeurs : les médecins injectent directement de l'alcool dans la tumeur : on parle d'alcoolisation.

Autre possibilité : la chimiothérapie, et surtout, la chimioembolisation. On injecte des médicaments anticancéreux dans l'artère hépatique, qui apporte le sang au foie. Ce traitement est répété tous les quatre mois environ, jusqu'à ce que le cancer soit détruit.

Cancer du foie : le traitement par chimioembolisation

La chimioembolisation permet d'injecter la chimiothérapie directement dans les cellules cancéreuses situées au niveau du foie sans exposer le reste du corps aux effets de ces médicaments
La chimioembolisation permet d'injecter la chimiothérapie directement dans les cellules cancéreuses situées au niveau du foie sans exposer le reste du corps aux effets de ces médicaments

Aujourd'hui les traitements du cancer du foie se font dans les services de radiologie interventionnelle. Les médecins traitent localement les tumeurs primitives repérées par l'IRM, en injectant les chimiothérapies dans les vaisseaux qui alimentent la partie malade du foie. Des techniques peu invasives qui peuvent se répéter en fonction de l'évolution de la maladie.

Le traitement par chimioembolisation se fait sous anesthésie locale. Le médecin utilise l'échographie pour repérer l'artère fémorale dans laquelle il doit passer pour atteindre les vaisseaux qui alimentent la tumeur.

La radiographie permet au médecin de visualiser sa position dans les artères. Et pour bien trouver son chemin, il injecte par un cathéter un produit de contraste qui colore les vaisseaux. Pour trouver les petites artères qui irriguent les tumeurs, une acquisition 3D est réalisée. Elle permet de visualiser le parcours à suivre.

Une fois le cathéter en place, la chimiothérapie est injectée. Une gélatine est également injectée, elle permet de boucher les petites artères qui alimentent la tumeur pour qu'elle se nécrose. C'est le second effet de ce traitement que l'on nomme embolisation.

Quelques jours après l'intervention, un contrôle IRM est réalisé pour visualiser la réaction des cellules tumorales au traitement.

Cancer des voies biliaires intra-hépatiques : l'ablation partielle du foie

Le cancer du foie est dans certains cas un cancer des voies biliaires intra-hépatiques. Ces canaux passent dans le foie et permettent de transporter la bile vers la vésicule biliaire. Quand ce type de cancer est détecté à temps, il est possible de réaliser une ablation de la partie malade du foie (hépatectomie partielle).

Après l'ablation de la partie malade, le foie restant prend le relais et assure la totalité de la fonction hépatique, sans perte de fonction pour le patient. Des analyses sont également effectuées pour décider si un traitement complémentaire est nécessaire.

Cancer du foie : la transplantation hépatique

Attention images de chirurgie ! Comment se déroule une transplantation hépatique ?
Attention images de chirurgie ! Comment se déroule une transplantation hépatique ?

Lorsque la résection de la partie malade du foie ne suffit pas pour traiter le patient et qu'il faut retirer tout l'organe, une transplantation hépatique est alors indispensable.

La première étape de la transplantation hépatique consiste à retirer le foie malade. Le chirurgien doit veiller à couper les vaisseaux et canaux reliés à la partie inférieure du foie. Chaque élément est ligaturé puis sectionné au plus près du foie. L'objectif est de reconstituer un circuit normal avec le futur greffon.

Une fois le foie malade retiré, il faut penser à mettre en place celui du donneur, maintenu au froid après son prélèvement. Pour rétablir la circulation sanguine autour du foie, le chirurgien commence par relier la veine du greffon à celle du patient, puis il suture l'artère. Le greffon est ainsi revascularisé. Les autres circuits qui entourent le foie sont ensuite entièrement rétablis.

Une biopsie est effectuée sur le nouveau foie pour analyser la qualité de son tissu. Cet examen de référence permettra d'assurer le suivi du patient, qui a déjà reçu un traitement anti-rejet par perfusion au cours de l'intervention.

Le rejet n'est pas la seule cause d'échec de ce type de greffes. Il peut y avoir un apport insuffisant de sang, lorsque les vaisseaux sont mal raccordés. Les infections sont elles aussi dangereuses pour le foie greffé.

Chimiohyperthermie : des résultats prometteurs

La chimiohyperthermie consiste à isoler le foie pour le soumettre à de forts traitements sans toucher les autres organes
La chimiohyperthermie consiste à isoler le foie pour le soumettre à de forts traitements sans toucher les autres organes

La chimiothérapie est souvent utilisée pour combattre le cancer du foie. Plusieurs équipes de chercheurs ont eu l'idée d'isoler le foie des autres organes (technique utilisée en chirurgie cardio-vasculaire) pour pouvoir augmenter les doses. Jusqu'alors, les résultats n'étaient pas probants mais en 2007, un chirurgien de l'hôpital Georges Pompidou (Paris) y est arrivé.

Il a non seulement isolé le foie pour pouvoir injecter, à haute dose, des produits de chimiothérapie et une très forte chaleur, mais il a aussi utilisé plusieurs types de produits. C'est ce qu'on appelle la chimiohyperthermie.

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· Fondation pour la recherche sur le cancer
· Société Nationale Française de Gastro-Entérologie (SNFGE)
· Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard