Anticorps monoclonaux : on vous explique pourquoi ce traitement pose question

Le traitement par anticorps monoclonaux n’est pas efficace contre les variants du coronavirus ce qui pourrait renforcer ces derniers. Un risque qui interroge, surtout que les bénéfices de ce traitement n’ont pas encore été prouvés scientifiquement.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
La HAS autorise un traitement par anticorps monoclonaux pour prévenir le Covid-19 chez les plus fragiles (Image d'illustration)
La HAS autorise un traitement par anticorps monoclonaux pour prévenir le Covid-19 chez les plus fragiles (Image d'illustration)  —  Crédits Photo : © Shutterstock / ktsdesign

Ils sont autorisés depuis le 25 février en France. Les anticorps de synthèse, ou anticorps monoclonaux, commercialisés par le fabricant Eli Lilly sous le nom de bamlanivimab, ont été présentés par le ministre de la Santé Olivier Véran comme des "espoirs nouveaux" contre le covid. Ces anticorps, fabriqués en laboratoire spécifiquement contre le SARS-CoV-2, ont pour objectif de bloquer la protéine S du virus pour l’empêcher de s’accrocher aux cellules cibles et de les infecter.

Mais immédiatement après l’annonce de leur autorisation temporaire d’utilisation (ATU), la Direction Générale de la Santé (DGS), a rappelé dans un "message urgent" les précautions à prendre et a mis en garde contre les risques à utiliser ce traitement.

Des conditions d’administration strictes

Premier rappel de la DGS : ce traitement est aujourd’hui autorisé en monothérapie dans des cas restreints - patients de plus de 80 ans et patients souffrant d’un déficit immunitaire - et ses conditions d’administration sont, elles aussi, strictement définies. Il doit être prescrit par un médecin hospitalier, administré en intraveineuse dans un environnement hospitaliser et dans un délai maximal de cinq jours après le début des symptômes.

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Pas d’efficacité contre les variants

Mais ce n’est pas tout : un test de criblage pour identifier le variant en cause dans l’infection "devient obligatoire avant l’administration du traitement dans les territoires où la circulation des variants (…) est importante" prévient la DGS.

Et pour cause : si le variant britannique semble bien sensible au bamlanivimab, "l’efficacité de ce traitement" sur les variants sud-africain et brésilien "n’est pas démontrée" rappelle la DGS.
D’ailleurs, les expériences menées in vitro montrent déjà que la mutation E484K, présente notamment dans les variants sud-africain et brésilien, "est associée à une résistance au bamlanivimab" note l’ANSM dans le Résumé des caractéristiques du produit.

De nouveaux variants résistants ?

Pire, le bamlanivimab pourrait même donner l’avantage à ces variants, voire à de nouveaux variants, comme l’explique la DGS : "l’utilisation de bamlanivimab peut favoriser la sélection des mutations de novo de résistance". Autrement dit, en éliminant les souches de virus sensibles aux anticorps, le traitement laisserait le champ libre aux souches résistantes, comme celles qui portent la mutation E484K.

L’ANSM prévient même que "des investigations sont en cours pour déterminer les mutations pouvant impacter l’activité du bamlanivimab, ainsi que les mutations pouvant émerger sous le bamlanivimab."

Pas encore de bénéfice démontré

Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pas si sûr, selon la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique (SFPT) qui alerte sur le manque de preuve d’efficacité de ce traitement dans un communiqué daté du 1er mars 2021.

Pour l’heure, deux études ont été publiées sur ces anticorps monoclonaux : une première dans le NEJM en janvier 2021 et une deuxième dans le JAMA en février 2021.

Problème : il ne s’agit que d’essai de phase 2. Et même si la dernière étude en date, la plus avancée donc, a été "correctement conçue et réalisée", sa finalité "n’est pas de démontrer l’intérêt clinique du traitement évalué". Le risque ici est de "recommander à tort un traitement" alertent les signataires.  

Et en attendant les résultats de la phase 3, "la gravité de cette pandémie et l’urgence à traiter les patients ne justifient en rien l’utilisation à but compassionnel de traitement dont le bénéfice n’est pas connu" conclue la SFPT.

"Rien de chez rien"

Une situation qui a également fait réagir plusieurs scientifiques, comme le professeur Mathieu Molimard, chef du service de Pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux. Comme il l’explique sur Twitter, l’étude du JAMA ne prouve "rien de chez rien" : "aucun effet antiviral", "aucun effet symptomatique", "pas de démonstration d’un bénéfice en monothérapie". Le seul espoir repose, selon lui, sur une "association d’anticorps", c’est-à-dire l’administration du bamlanivimab avec un autre anticorps de synthèse.

Le spécialiste termine son analyse en posant deux questions, auxquelles les autorités sanitaires seraient tenues de répondre : "pourquoi avoir donné une ATU sur cette base" et "pourquoi surcharger les hôpitaux pour une logistique complexe de ce traitement" ?