La greffe de cellules souches pour réparer les fistules anales

1 patient sur 3 atteint de la maladie de Crohn souffre de fistules ano-périnéales. Pour certains, les traitements conventionnels ne fonctionnement pas avec, à terme, un risque d’incontinence anale. Une technique innovante de greffe de cellules souches vient de voir le jour. Une source d'espoir pour ces malades. Reportage

Maroussia Renard
Rédigé le , mis à jour le

Ce carton a voyagé depuis Madrid. Il est livré ce matin à la pharmacie centrale de l’hôpital des Diaconesses à Paris. Son contenu doit faire l’objet de toutes les précautions. Le colis doit impérativement être conservé entre 15 et 25 degrés car il contient du tissu vivant. 

"Dans ce colis, il y a des cellules souches adipeuses humaines, donc des cellules qui proviennent de graisse humaine, récupérées par liposuccion et multipliées en laboratoire. C’est un médicament très innovant et très coûteux. Chaque cure coûte 50.000 euros", explique le Dr Emmanuelle Guillot, pharmacien adjoint au groupe hospitalier Diaconesses Croix-Saint-Simon.  

Un traitement précieux et onéreux

C'est un traitement rare et précieux, et le pharmacien doit vérifier scrupuleusement l’intégrité de chaque flacon. Il faut faire vite, ces cellules humaines ont une durée de vie de 72 heures à partir du moment où elles sortent du laboratoire. Leur pouvoir est de se transformer en n’importe quel tissu du corps humain.  

Ces cellules souches ont pour destination le bloc opératoire. Elles vont être utilisées pour traiter une patiente atteinte de la maladie de Crohn et qui souffre d’une fistule anale résistante aux traitements conventionnels. 

"La fistule est la communication anormale entre l’intérieur du canal anal et le plus souvent la fesse dans le tissu cutané avec ici un petit abcès. C’est très inconfortable, ça fait mal, ça gonfle, ça suinte, ça coule, ça sent mauvais… il y a un retentissement très important sur la qualité de vie des patients donc c’est primordial de les traiter", explique le Dre Isabelle Etienney, cheffe de service de proctologie du groupe hospitalier Diaconesses Croix-Saint-Simon.  

Le traitement de la dernière chance

Le problème c’est que dans la maladie de Crohn, les fistules anales sont très fréquentes et chez un tiers des patients, aucun des médicaments habituels ne fonctionne. Pour eux, les cellules souches sont le traitement de la dernière chance.  

"Ce qu’on attend des cellules souches, c’est une action anti-inflammatoire locale. Ces cellules souches ont le pouvoir de se différencier et donner de nouvelles structures qui peuvent boucher, obstruer le trajet fistuleux", commente le Dre Isabelle Etienney.

120 millions cellules souches injectées

Après avoir rincé au sérum physiologique et cureté le trajet de la fistule anale, le chirurgien suture l’orifice interne. La patiente est alors prête à recevoir l’injection. Les cellules souches vont être préparées et reconstituées. C'est une étape délicate car ce tissu vivant est fragile. 

"Je vais les aspirer très doucement pour ne pas brusquer les cellules. Ce sont des cellules vivantes donc on ne peut pas aspirer très très vite pour ne pas qu’il y ait un tourbillon qui se crée dans la seringue et surtout dans l’aiguille et qui casse les cellules", explique le Dr Isabelle Etienney.  

Au total, le chirurgien va utiliser 4 flacons soit 120 millions de cellules souches. 

"Maintenant on va procéder au traitement de la fistule. On va commencer à injecter les cellules souches autour de l’orifice interne. On fait des petites injections tout autour, assez en profondeur pour que ça reste dans le tissu et que ça ne sorte pas", commente le Dre Isabelle Etienney.

Un traitement utilisé dans 3 hôpitaux

Pour la dernière étape, le chirurgien masse la zone opérée pour bien répartir les cellules souches. 
Ces cellules souches vont lutter contre l’inflammation, qui est autour du trajet fistuleux au cœur même de l’inflammation.

Il faudra attendre 6 mois pour savoir si ces cellules souches ont permis la guérison définitive de la fistule anale. Ce traitement innovant est utilisé seulement par trois hôpitaux en France.