Covid : "On n'a jamais eu autant de jeunes en même temps en réanimation"

Des patients de plus en plus jeunes sont admis en réanimation pour des formes graves de Covid. Sur les réseaux sociaux, de nombreux soignants s'inquiètent de ce phénomène. Témoignage d'un pneumologue travaillant dans l'unité Covid d'un hôpital.

Lucile Boutillier
Rédigé le , mis à jour le
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Image d'illustration.  —  Crédits Photo : © Shutterstock / faboi

"En réanimation, il y a toujours eu des jeunes de façon sporadique, mais jamais aussi nombreux", alerte le Dr Arnaud Boyer, pneumologue à l'hôpital Saint-Joseph de Marseille. Depuis un an et demi, ce médecin de 33 ans assure la permanence des soins plusieurs fois par semaine dans les unités Covid de l'hôpital.

Comme le Dr Boyer, de nombreux soignants alertent sur la proportion de plus en plus importante de patients jeunes à l'hôpital et en réanimation pour covid.

Des jeunes moins vaccinés

Depuis l'arrivée du variant Delta, les patients admis en réanimation sont de plus en plus jeunes. Ce n'est pas le cas seulement à Marseille : dans toute la France, la part des patients de moins de 40 ans dans ces services a beaucoup augmenté. 

234 patients entre 20 et 40 ans étaient en réanimation le 24 août selon Santé Publique France. C'est à peu près le même nombre qu'aux pics des première, deuxième et troisième vagues. Pourtant, les autres catégories d'âge en sont encore loin, et le nombre de jeunes admis en réanimation continue à augmenter. 

Début mai, les jeunes représentaient 4% des patients en réa. Le 24 août, ils représentaient 11% des personnes hospitalisées dans ces services.

En cause : la grande contagiosité du variant Delta et le faible taux de vaccination des plus jeunes. Selon Santé Publique France, 62,5% des 12-39 ans sont vaccinés dans les Bouches-du-Rhône, contre plus de 75% au niveau national. 

"Le problème, c'est que les jeunes ne se considèrent pas comme à risque face au virus. On a répété depuis le début de l'épidémie que l'âge ou l'obésité étaient les principaux facteurs de risques. Sauf que dans les faits, ne pas être vacciné constitue un risque qui a surplombé tous les autres", rappelle le Dr Boyer. 

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Des symptômes qui persistent longtemps

"Actuellement, dans notre unité, il y a 5 patients de moins de 40 ans en réanimation, dont des femmes enceintes", explique le Dr Boyer.

Et tous âges confondus, "une fois admis en réanimation, avec le Covid, il y a à peu près 30% de décès", explique le pneumologue.

"Même si on s'en sort, la plupart des patients hospitalisés pour Covid, encore plus ceux qui sont hospitalisés en réanimation, ont gardé des symptômes respiratoires durant de nombreux mois ! Peu de patients qui ont été hospitalisés ont pu reprendre leur travail par exemple", avertit le Dr Arnaud Boyer.

Entre unité Covid et discours antivax

Si ce médecin participe à l'unité Covid de l'hôpital, il reçoit également des patients dans son cabinet des quartiers nord de Marseille. Pour lui, cela crée un paradoxe. "Le matin, je vois des patients atteints de formes graves de Covid. Et l'après-midi, je travaille dans une des zones les moins vaccinées de France", décrit-il. 

Selon lui, la couverture vaccinale dans le XIVe arrondissement de Marseille est à peine plus élevée que dans les Antilles, où la situation des hôpitaux s'aggrave fortement. 

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Responsabilité des soignants

"A Marseille, on a plus qu’ailleurs des médecins qui sous-entendent que le vaccin ne serait pas si efficace. Quand quelques médecins influents marseillais disent que le rapport bénéfice/risque ne serait pas favorable pour les jeunes, ça annule tout le travail que les autres médecins ont réalisé avec leurs patients.

Pour le pneumologue, si le discours de tous les médecins allait dans le même sens, la couverture vaccinale serait meilleure.

Il est très difficile de passer après ces arguments, explique le Dr Boyer. "Les médecins antivax restent une infime minorité", précise-t-il. "Mais c'est vrai qu'on les entend beaucoup ... La plupart des gens n’ont pas le bagage scientifique pour savoir qui a raison et qui a tort, donc ils sont perdus." regrette le médecin.

Comment convaincre les récalcitrants ?

"Pour leur asthme, ou leur cancer dont les traitements sont bien plus toxiques, ils me font confiance, mais pas pour le vaccin ! 'Si vous me faites confiance pour le reste, faites moi confiance pour le vaccin.’ Souvent, cet argument fonctionne", raconte le Dr Arnaud Boyer.

Afin de convaincre ses patients sceptiques, le pneumologue rassure au sujet des effets secondaires des vaccins et décrit ce qui se passe à l'hôpital. 

"Je n'hésite pas à dire qu’il y a des gens exactement comme eux qui sont actuellement dans des lits d’hôpitaux, sous oxygène, et qui se croyaient invincibles, et pensaient que le covid ne touchait que les autres", explique-t-il. 

Depuis quelques semaines, le Dr Boyer encourage la vaccination sur les réseaux sociaux pour lutter contre la désinformation. "J’ai de plus en plus de mal à laisser passer les discours anti-vaccin, qui m’énervent de plus en plus, parce que derrière des gens vont être hospitalisés", explique-t-il. 

"A mon faible niveau, j’essaie de dire ce que je vois, pour essayer de montrer la gravité de la réalité. Et on a un moyen de prévenir cela avec la vaccination."