Des souris naissent à partir de deux pères pour la première fois

Des scientifiques ont réussi à donner vie à des souriceaux en bonne santé grâce à des cellules issues de deux souris mâles. On vous explique comment c'est possible.

Anne-Firmine Mayala avec AFP
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Les scientifiques ont réussi à faire naître sept souriceaux en bonne santé, issus de deux pères
Les scientifiques ont réussi à faire naître sept souriceaux en bonne santé, issus de deux pères  —  Shutterstock

"Révolutionnaire". C'est ainsi que certains experts qualifient l'expérience d'une équipe de biologistes du développement japonais de l'Université de Kyushu. Ces derniers ont réussi pour la première fois à créer des embryons en utilisant uniquement des cellules de souris mâles, obtenant sept souriceaux en bonne santé, issus de deux pères, selon une étude publiée mercredi 15 mars dans la revue Nature.

Transformer des cellules de peau en ovules

L’équipe avait déjà trouvé le moyen de transformer des cellules de peau d’une souris femelle en ovule utilisable pour donner naissance à des souriceaux sains. Elle a cette fois-ci répété l’expérience à partir d’une souris mâle, en prélevant des cellules de peau à partir de sa queue pour ensuite les transformer en ce qu'on appelle des cellules souches pluripotentes. C'est-à-dire qu'elles sont capables de se transformer en n'importe quel type de cellules.

Comme chez les humains, les cellules de souris mâles ont des paires de chromosomes XY, et celles des femelles des paires XX. Durant le processus, les chercheurs ont obtenu environ 6% de cellules perdant le chromosome Y qui leur confère le caractère masculin, et dupliqué ensuite le chromosome X restant, pour obtenir la paire XX, propre au sujet féminin.

Les cellules ainsi transformées ont été utilisées pour créer des ovules, fertilisées avec du sperme de souris mâle, puis implantées dans l'utérus de souris femelles porteuses. Sur un total de 630 essais débouchant sur un taux de succès inférieur à 1%, sept souriceaux ont vu le jour. Ces derniers sont sains et fertiles.

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Une technique possible chez l'humain ?

Katsuhiko Hayashi, qui a encadré cette étude, a déjà averti que beaucoup d'obstacles subsistaient avant d’en arriver à des expériences sur l'humain. Cette avancée permet, néanmoins d’imaginer des implications en matière de reproduction, avec la possibilité pour des couples d’hommes ou même pour un seul homme, d’avoir un enfant biologique sans l’aide d’un ovule féminin.

Théoriquement, un seul homme pourrait même fournir le sperme et l'ovule, ce qui reviendrait "un peu au clonage, comme celui de la brebis Dolly", le premier mammifère cloné à partir d'une cellule adulte en 1996, selon le Dr Nitzan Gonen, directeur du laboratoire sur la détermination des sexes à l'Université israélienne Bar-Ilan University, qui a qualifié cette recherche de "révolutionnaire".

Défi technique et questions éthiques

Mais pour l'heure, rien ne garantit le succès de l'expérience chez l'humain. Et elle serait d'autant plus problématique chez l'humain, où le temps de gestation de neuf mois, contre seulement trois semaines chez la souris, multiplierait les risques d'échec.

Au-delà des questions techniques se posent des interrogations éthiques. "Le fait de pouvoir faire quelque chose ne veut pas nécessairement dire qu'on doive le faire (...) particulièrement quand on parle d'une espèce d'être humain", a commenté le chercheur israélien.

En attendant, la technique pourrait être utilisée pour sauver une espèce en danger qui n'aurait plus qu'un mâle reproducteur, même si la procédure reste "très peu efficace", avec 99% des embryons qui n'y survivent pas, note Nitzan Gonen.

Embryon : quel cadre pour la recherche ?
Embryon : quel cadre pour la recherche ?  —  Le Magazine de la Santé - France 5