Des scientifiques font repousser des pattes à des grenouilles amputées

Des grenouilles amputées ont été traitées avec des médicaments appliqués directement au contact de leur plaie d’amputation. En quelques mois, elles ont pu récupérer des membres presque complets et fonctionnels.

Hejer Tliha-Broche
Rédigé le , mis à jour le
Des scientifiques font repousser des pattes à des grenouilles amputées
Shutterstock

A ce jour, la capacité à faire repousser naturellement des membres relève du domaine de la science-fiction. 

Et pourtant des scientifiques américains des universités de Tufts et de Harvard ont réussi un exploit : faire repousser des pattes à des grenouilles amputées, les grenouilles "Xenopus laevis". 
Leur recherche a été publiée le mercredi 26 janvier 2022 dans la revue Science Advances. Comment les chercheurs ont procédé ? Quelles sont les prochaines étapes ? On vous explique.   

Une expérience sur 18 mois

Les scientifiques ont administré pendant seulement 24 heures un traitement combiné de cinq médicaments sur les zones amputées des grenouilles. Il a été appliqué par le biais d’un capuchon en silicone portatif que les chercheurs ont appelé le bioréacteur : "BioDome". 

Ce cocktail de médicaments a permis de "lancer la régénération" expliquent les chercheurs dans un communiqué. Chaque médicament avait un objectif différent "en atténuant l'inflammation, en inhibant la production de collagène qui entraînerait des cicatrices et en encourageant la nouvelle croissance des fibres nerveuses, des vaisseaux sanguins et des muscles", détaillent-ils.   

Résultats, 18 mois après l'essai : les moignons de nombreuses grenouilles ont repoussé de manière spectaculaire. Des pattes incomplètes, certes, mais bien composées d’os, de  muscles, de vaisseaux sanguins et de nerfs. Et surtout, ces membres sont presque "entièrement fonctionnels", soulignent les chercheurs

Les grenouilles pouvaient s'en servir ( la patte régénérée) pour nager dans l'eau, se déplaçant un peu comme le ferait une grenouille normale. - Communiqué de l’université de Tufts    

Une régénération progressive et prometteuse

Par quels mécanismes l’application de médicaments pendant seulement 24h peut conduire à une croissance du membre sur le long terme ? C’est dans les premiers jours suivant le traitement, que les scientifiques ont trouvé des éléments de réponse : ils ont détecté l'activation de voies moléculaires déjà connues, qui sont normalement présentes dans un embryon en développement. 

Et ce processus de régénération, qui permet à un membre de grandir à nouveau, serait donc présent "en silence" à l’âge adulte, ne demandant qu’a être enclenché à nouveau. "Le fait qu'il n'ait fallu qu'une brève 
exposition aux médicaments pour déclencher un processus de régénération de plusieurs mois suggère que les grenouilles et peut-être d'autres animaux peuvent avoir des capacités de régénération dormantes qui peuvent être déclenchées"
, détaille le Dr Nirosha Murugan, co-autrice. 

Quelles sont les prochaines étapes ?

Les organismes tels que les grenouilles Xenopus laevis ont des "capacités de régénération limitées à l'âge adulte qui reflètent celles des humains" , soulignent les scientifiques. 

Les chercheurs ne comptent donc pas s’arrêter là. La reconstruction parfaite d’un membre à la fois sur sa forme et sa fonction n’a pas encore livré tous ses mystères chez la grenouille. Quel cocktail médicamenteux sera le plus performant ? Quelle sera la durée d’application optimale du bioréacteur ? 
"Nous testerons ensuite comment ce traitement pourrait s'appliquer aux mammifères", a ajouté le Dr Michael Levin, un des co-auteurs de l’étude.

Cette étude ouvre ainsi peut -être la voie à une application, un jour, chez l’homme, dans le cadre de la médecine régénérative. De quoi représenter un véritable espoir pour les dizaines de millions de personnes qui vivent avec une amputation à travers le monde.

Par le passé, plusieurs études avaient tenté sans succès de régénérer des membres sur des animaux, avec l’aide d’une stimulation électrique, ou encore par transplantation de cellules souches.