Grossesse et alcool : qui trinque ?

Une étude menée sur plus de 13.000 Françaises révèle que 23% d'entre elles ont bu de l'alcool pendant leur grossesse. La surprise vient du profil des plus grandes consommatrices, elles sont plus souvent issues d'un milieu social aisé, plus âgées et avec un niveau d'études supérieur. L'enquête, publiée dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire de l'Institut de veille sanitaire (InVS), indique aussi qu'une consommation modérée a peu d'impact sur le risque de prématurité mais pourrait entraîner un plus faible poids du bébé à la naissance.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Grossesse et alcool : qui trinque ?

Les risques d'une consommation excessive d'alcool pour la santé du fœtus et de l'enfant à venir ne sont plus à prouver. Lorsqu'une femme enceinte boit, l'alcool n'est pas filtré par le placenta et arrive ainsi au fœtus. Or le foie d'un fœtus n'a pas la capacité à éliminer l'alcool comme un foie adulte. L'alcool agit ainsi comme une substance toxique qui va perturber le système nerveux fœtal et le développement de l'enfant avec des conséquences plus ou moins dramatiques selon la dose.

C'est pourquoi depuis 2006, toutes les bouteilles d'alcool vendues en France portent le pictogramme "Zéro alcool pendant la grossesse".

Mais l'impact des consommations modérées ainsi que le profil des consommatrices en France sont moins connus, c'est pourquoi les chercheurs français de l'Unité Inserm 953 (recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants) ont mené une enquête sur 13.776 femmes et 14.903 enfants auxquels elles ont donné naissance.

Trop de consommatrices et des profils socio-économiques inattendus

Les quantités absorbées au cours d'une journée ordinaire de consommation restent relativement raisonnables. Pour 73% des femmes, il s'agissait de moins d'un verre, pour 20% un verre, et pour 6,8% deux verres ou plus.

Mais le résultat le plus surprenant vient du profil des femmes ayant bu enceinte. Cette consommation est nettement plus fréquente chez les femmes après trente ans et celles ayant déjà eu un enfant. Elle est aussi plus importante dans les foyers aux revenus élevés et pour les femmes qui ont un niveau d'études de bac +3 ou plus.

L'étude révèle que 23% des femmes avouent avoir consommé de l'alcool durant leur grossesse. Cependant cette consommation reste globalement faible. En effet, parmi les consommatrices, 17% en ont bu une fois par mois ou moins, et seuls 2% déclarent en avoir consommé plus d'une fois par mois.

Impact sur le poids à la naissance et le risque d'enfant prématuré

D'après cette étude, le risque d'avoir un enfant prématuré (accouchement avant 37 semaines d'aménorrhée) n'apparaît pas statistiquement plus élevé pour les femmes ayant déclaré avoir bu de l'alcool pendant la grossesse.

En revanche, le risque d'avoir un bébé de faible poids à la naissance est un peu plus élevé pour les femmes ayant bu enceintes et déclarant avoir pris 2 verres ou plus lors des journées de consommation.

Ces résultats sont assez cohérents avec d'autres enquêtes menées en Europe ou ailleurs. Une étude danoise avait ainsi montré que le risque de prématurité n'augmentait que chez les femmes buvant au moins 10 verres par semaine (Kesmodel et al., Epidemiology).

Quant à l'effet sur le poids, il fait encore débat, mais une enquête canadienne récente indique qu'il faut au moins un verre d'alcool par jour pendant la grossesse pour augmenter le risque d'avoir un bébé de faible poids (Patra J et al., BJOG ).

Des efforts à mener sur la prévention

Les effets sur la santé du nouveau-né semblent peu importants mais seulement pour de très faibles doses d'alcool chez les femmes enceintes. Et il convient de rester prudent car cette étude n'a porté que sur les enfants à la naissance, il n'est donc pas exclu que ces faibles doses puissent avoir des effets négatifs à long terme sur leur développement.

En revanche il reste surprenant qu'après des années de campagnes de prévention, il y ait encore autant de femmes enceintes qui consomment de l'alcool. Les chercheurs de l'Inserm avouent d'ailleurs qu'il n'y a aucune étude permettant de savoir si ces campagnes et les logos sur les bouteilles ont réellement eu un impact.

A cela s'ajoute le fait que les consommations d'alcool sont certainement sous-déclarées par les femmes dans les questionnaires, en raison de l'image sociale très négative d'une femme enceinte buvant de l'alcool.

L'état des connaissances actuelles ne permettant pas d'établir une quantité limite acceptable pour la santé, il faut continuer les efforts pour diminuer la consommation d'alcool chez les femmes enceintes. Les auteurs de l'enquête préconisent d'ailleurs à ce sujet d'impliquer encore plus les médecins et les sages-femmes dans ces campagnes de sensibilisation.

Source"Consommation d'alcool pendant la grossesse et santé périnatale en France en 2010"; Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles, Caroline Prunet, Béatrice Blondel ; Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire de l'InVS (Institut de veille sanitaire) du 7 mai 2013

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