Le sommeil lave le cerveau à grandes eaux

Le repos ne sert pas qu'à se changer les idées : il permet aussi, littéralement, de se nettoyer le cerveau. L'équipe qui, en 2012, avait découvert l'existence d'un "tout-à-l'égout" cérébral permettant l'évacuation des déchets produits par les neurones, vient de démontrer que celui-ci fonctionne essentiellement la nuit.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
Le sommeil lave le cerveau à grandes eaux
''Quand le marchand de sable passe, le cerveau se décrasse...'' (© ORTF)
''Quand le marchand de sable passe, le cerveau se décrasse...'' (© ORTF)

Bip... Bip… Bip... Clang ! Au petit matin, nous sommes nombreux à être réveillés par le bruit des camions de la voirie qui ramassent nos poubelles débordant d'ordures. C'est peu ou prou à ce moment que le "tout-à-l’égout" qui sert à nettoyer notre cerveau des résidus de l'activité des neurones réduit, pour sa part, son activité.

En août 2012, l'équipe du chercheur Maiken Nedergaard résolvait un mystère de la physiologie en révélant le processus par lequel le cerveau parvenait à évacuer vers l'extérieur les molécules résiduelles de l'activité neuronale.

En effet, contrairement au reste de nos organes, le cerveau n'est pas nettoyé par le système lymphatique. Pourtant, les scientifiques observent depuis longtemps, dans le liquide céphalo-rachidien, les sous-produits de l'activité neuronale (c'est la raison pour laquelle le taux de certaines protéines contenues dans ce fluide, prélevé par ponction lombaire, permet de déduire l'existence de lésions dans le cerveau, telles que les protéines caractéristiques de la maladie d'Alzheimer).

A l'aide d'un complexe appareillage optique, les scientifiques new-yorkais avaient pu observer le système spécifique de nettoyage du cerveau : il s'agit, très grossièrement, d'un système microscopique de "pompe" qui crée un véritable courant dans le cerveau, qui draine les fluides à la périphérie de la boîte crânienne. L'équipe de Maiken Nedergaard avait alors nommé l'ensemble de ce mécanisme "système glymphatique".

Dans un article publié le 17 octobre 2013, dans la revue Science, les chercheurs révèlent que ce système glymphatique fonctionne essentiellement lorsque nous sommes endormis, c'est-à-dire lorsque le cerveau réduit son activité.

Selon leurs observations, une fois que le marchand de sable est passé, les cellules cérébrales réduisent leur taille de 60%, permettant aux déchets d'être enlevés plus efficacement. De même que les camions des services de la voirie circulent mieux lorsque les rues sont désertes, le nettoyage "à grandes eaux" de notre cerveau s'effectue mieux si les neurones laissent la voie libre.

Cette découverte "[pourrait] permettre de trouver des traitements contre certaines maladies neurologiques", expliquent les auteurs de l'article. "Quasiment toutes les pathologies neurodégénératives sont en effet liées à une accumulation de déchets cellulaires."

Par ailleurs, les scientifiques notent que cette découverte pourrait contribuer à comprendre le mystère même du sommeil. Pourquoi, en effet, le sommeil est-il indispensable à l'immense majorité des espèces, alors même que cet état laisse les individus vulnérables à tous les prédateurs ? L'existence de ce processus d'élimination efficace des déchets accumulés pendant la période d'éveil pourrait être un élément clef de la réponse.

Source : Sleep Drives Metabolite Clearance from the Adult Brain, M. Nedergaard et coll. Science Oct. 2013 doi:10.1126/science.1241224