Peut-on se passer de mutuelle ?

La complémentaire santé sera obligatoire pour tous les salariés à partir de janvier 2015. Mais pour tous les autres (chômeurs, retraités, jeunes…), la mutuelle reste une affaire strictement individuelle et surtout de plus en plus chère, à tel point que certains y renoncent. Les explications avec Maroussia Renard, chroniqueuse spécialisée en économie.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Chronique de Maroussia Renard du 12 novembre 2014
Chronique de Maroussia Renard du 12 novembre 2014

Pour la première fois depuis le début des années 80, le nombre de Français qui n'ont pas de mutuelle augmente. Les derniers chiffres publiés portent sur l'année 2012 (il y a toujours un décalage) et ils montrent que 3,3 millions de personnes n'ont pas de complémentaire santé, soit 500.000 de plus que deux ans auparavant. Le chiffre n'est pas énorme en soi, mais c'est une inversion de tendance qui a de quoi inquiéter parce qu'on sait que le renoncement aux soins pour raisons financières est deux fois plus important pour les patients qui n'ont pas de mutuelle.

Pourquoi les Français renoncent à une mutuelle ?

Parmi les explications, il y a évidemment la crise : la hausse du chômage fait que certains Français se retrouvent privés de leur mutuelle d'entreprise et ils ne vont pas forcément souscrire un nouveau contrat. Les seniors sont aussi particulièrement touchés par le phénomène parce que les tarifs des mutuelles augmentent avec l'âge. Il y a aussi des jeunes, qui ne sont pas encore insérés dans le monde du travail et qui n'ont pas les moyens de se payer une mutuelle.

Le prix des cotisations a beaucoup augmenté ces dernières années : + 40% depuis 2006. Une hausse qui s'explique en partie par l'augmentation des taxes que les complémentaires répercutent sur le prix des contrats. Les tarifs sont extrêmement variables en fonction de l'âge et de la garantie choisie mais en moyenne, il faut compter 2.000 euros par an pour une famille avec deux enfants, 3.000 euros pour un couple de retraités et 700 euros pour un jeune célibataire.

Se passer de mutuelle, un choix délibéré

Il y a deux situations très différentes : la plupart des Français renoncent faute de moyens mais pour certains, se passer de mutuelle est un choix délibéré. Il est impossible de savoir combien de personnes sont concernées par ce choix mais il s'agit sans doute d'une minorité. Certains Français font le calcul entre les sommes dépensées pour payer leurs cotisations et leurs besoins de remboursement, et ils se rendent compte que ne pas avoir de mutuelle est plus rentable.

Le journal Le Particulier a fait une simulation assez intéressante en prenant l'exemple d'un couple de retraités sans enfants à charge. Ils ont additionné toutes leurs dépenses de santé sur cinq ans, il y avait par exemple trente consultations de généralistes (secteur 1) ; quinze consultations spécialistes (secteur 2) quarante boîtes de médicaments ; quatre paires de lunettes à verres progressifs ; un appareillage auditif ; tout ce qui concerne les dents... Au total, au bout de cinq ans, ils ont dépensé 12.990 euros pour se soigner, en comptant les remboursements Sécu. S'ils avaient eu une mutuelle, avec un contrat classique milieu de gamme, ils auraient dépensé 18.518 euros. Résultat : ne pas avoir de complémentaire leur a fait économiser 5.500 euros sur cinq ans.

Que se passe-t-il en cas de maladie grave ?

L'Assurance maladie couvre les plus gros risques, ceux qui sont susceptibles de coûter le plus cher. Si demain on vous diagnostique un cancer ou une maladie de Parkinson, vous serez pris en charge à 100%. C'est ce qu'on appelle le régime des ALD qui concerne près de 400 maladies différentes. Et dans ce cadre, le rôle des complémentaires est assez limité. À l'inverse, beaucoup d'autres dépenses sont très peu prises en charge par la Sécurité sociale : les lunettes, les prothèses dentaires et auditives. Mais elles ne sont pas beaucoup mieux traitées par les mutuelles à moins de prendre un contrat haut de gamme.

Par exemple, pour une prothèse dentaire facturée 750 euros, la Sécu rembourse 75 euros, les complémentaires prennent en charge en moyenne 300 euros. De toute façon, vous devez donc payer de votre poche une part importante des frais. Pour les soins du quotidien, on peut donc se passer d'une mutuelle à condition d'avoir des ressources confortables pour pouvoir affronter un pic de dépenses imprévues. Cela implique évidemment de mettre de côté chaque mois l'argent que vous auriez dépensé pour payer votre complémentaire en le faisant fructifier dans un placement sûr. L'autre condition, c'est d'être un patient attentif et responsable, c'est-à-dire ne pas consulter au moindre bobo, privilégier les médecins sans dépassements d'honoraires, se contenter des médicaments indispensables et jouer le jeu de la prévention…

Que se passe-t-il en cas d'hospitalisation ?

C'est vraiment le gros risque que l'on prend si on fait le choix de ne pas avoir de mutuelle car contrairement à ce que l'on peut croire parfois, l'hôpital, même public, ce n'est pas gratuit… Il y a de nombreux cas où l'hospitalisation est prise en charge à 100% : les patients en ALD, les femmes enceintes, les personnes qui ont eu un accident du travail et de manière générale, dès qu'on doit pratiquer un acte à plus de 120 euros (ce qui est toujours le cas en chirurgie par exemple). Si vous ne rentrez pas dans ces cases, la Sécu prend en charge les frais d'hospitalisation à hauteur de 80%. Vous devez donc payer les 20% restants, ce qu'on appelle le ticket modérateur et le forfait journalier à 18 euros.

Et lorsque l'on n'a pas de mutuelle, la facture peut très vite grimper. On estime que pour un séjour à l'hôpital, le patient doit payer en moyenne 500 euros de sa poche. Et dans certains cas, c'est beaucoup plus. Par exemple : si vous perdez connaissance, vous êtes hospitalisé et gardé sous surveillance plusieurs jours en réanimation sans qu'aucun acte lourd soit engagé ni aucune ALD dépistée, la note peut atteindre ou dépasser les 1.000 euros. Dans ce cas, si on n'a pas de complémentaire santé, on a intérêt à avoir des économies pour pouvoir payer.

Peut-on prendre une mutuelle uniquement pour l'hospitalisation ?

Il est possible de prendre une mutuelle uniquement pour l'hospitalisation. C'est d'ailleurs le conseil que l'on donne aux personnes qui font le choix de ne pas avoir de mutuelle. Il existe des contrats de complémentaires qui ne couvrent que l'hospitalisation. Les prix sont très variables en fonction de l'âge et du contenu des garanties. Les prix vont de 60 euros par an pour un contrat basique pour un trentenaire à près de 500 euros pour une garantie plus étendue pour un senior. Ces contrats prennent en charge le ticket modérateur, le forfait hospitalier et dans les formules les plus étendues, les dépassements d'honoraires éventuels lors de l'hospitalisation et les frais de chambre individuelle.

Attention parce qu'en général, les mutuelles limitées à l'hospitalisation sont destinées aux assurés en bonne santé, donc certaines ne sont accessibles qu'aux personnes de moins de 65 à 70 ans. Sachez aussi qu'il existe aujourd'hui beaucoup de contrats totalement modulables, vous pouvez choisir une petite garantie en dentaire et optique et une couverture plus importante pour l'hospitalisation et surtout la faire évoluer en cours de route si votre état de santé le nécessite.

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