Le traitement hormonal substitutif : efficace ou dangereux ?

Le traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause est-il bénéfique pour les femmes ménopausées ? Les réponses du Pr Françoise Forette, médecin interniste gériatre.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Chronique du Pr Françoise Forette du 29 novembre 2017
Chronique du Pr Françoise Forette du 29 novembre 2017

La prise en charge hormonale de la ménopause peut être considérée comme un traitement anti-vieillissement à la lumière des grandes études épidémiologiques d'observation parues à la fin des années 90 (Kawas, Tang, Henserson...).

Ces travaux montraient un bénéfice remarquable chez les femmes bénéficiant d'un traitement par œstrogènes et progestérone par rapport aux femmes n'en prenant pas : bénéfice sur les fonctions cognitives, sur les maladies cardiovasculaires, sur l'ostéoporose... Il y avait une très légère augmentation du cancer du sein, mais pas de la mortalité.

Le bénéfice était tel qu'il a été envisagé de ne pas arrêter l'hormonothérapie chez les femmes qui n'avaient aucune contre-indication.

En 2000-2010, remise en cause totale des bénéfices 

Mais une étude américaine, parue dans les années 2000-2010, la WHI (Women Health Initiative), a tout remis en cause. Il fallait confirmer ces études d'observation non contrôlées par des essais en double aveugle contre placebo pour éliminer les très nombreux biais de sélection. Plus de 27.000 femmes ont été randomisées dans de multiples bras étudiant toutes les conséquences de l'hormonothérapie sur le coeur, les os, le cerveau, la mortalité...

Les résultats obtenus étaient totalement différents. Il n'y a pas eu de bénéfice cardiovasculaire et une augmentation du risque d'AVC, de maladies  thromboemboliques, des démences et de cancers du sein pendant la surveillance de quatre ans a été constatée.

Un coup d'arrêt pour le THS

Les résultats de l'étude WHI ont marqué un coup d'arrêt pour le THS. Il y avait presqu'une interdiction de donner des oestrogènes au moment de la ménopause. Les conséquences pour les femmes étaient alors dramatiques : bouffées de chaleurs, dépression, ostéoporose... 

Pourtant, de nombreuses critiques justifiées se sont élevées contre cette étude. Tout d'abord, les femmes sélectionnées étaient âgées de 60 ans et plus et présentaient de nombreux facteurs de risques cardiovasculaires, obésité, hypertension... Des chercheurs ont alors émis l'hypothèse d'une mauvaise influence du temps de prescription (timing hypothesis). Selon eux, une prescription au moment de la ménopause serait bénéfique alors qu'une prescription plus tardive serait néfaste. Autre critique : les œstrogènes équins utilisés par voie orale étaient des facteurs pro-emboliques connus.

En 2015, nouvel intérêt pour le THS

En 2015, une étude finlandaise rétrospective de presque 300.000 femmes a montré une réduction de la mortalité par AVC chez les femmes soumises au traitement hormonal. Mais il s'agissait d'une étude d'observation. En septembre 2017, une nouvelle analyse de la WHI, grâce à une surveillance pendant 18 ans de femmes qui avaient pris pendant cinq ans des œstrogènes et de la progestérone, ou pendant sept ans des œstrogènes seuls, a démontré qu'il n'y avait aucune différence au niveau de la mortalité de toutes causes, la mortalité cardiovasculaire et la mortalité par cancer, entre les femmes prenant le traitement hormonal et les femmes soumises au placebo.

Il n'est pas légitime de priver les femmes qui n'ont pas de contre-indication et qui ont éventuellement des complications, d'un traitement hormonal au moment de la ménopause et pendant quelques années.

De nouvelles études indispensables

Il serait capital de mettre en route un essai contrôlé européen d'une grande puissance et d'une longue durée : chez des femmes européennes, plus jeunes que dans la WHI, c'est-à-dire au moment de la ménopause, et en l'absence de contre-indications cardiovasculaires ou au niveau du sein. Cet essai devrait concerné les traitements utilisés en Europe, œstrogènes naturels et non pas équins, par voie locale et non orale.

On saurait alors, enfin, si ce traitement hormonal de longue durée est une arme de prévention cardiovasculaire, cognitive et osseuse et donc, à terme un traitement anti-vieillissement.