Comment vit-on son deuil le jour de la Toussaint ?

La célébration de la Toussaint, par sa dimension sociale et collective, peut réconforter les personnes endeuillées. Le Dr Christophe Fauré, psychiatre, nous explique pourquoi.

Héloïse Rambert
Rédigé le , mis à jour le
Comment vit-on son deuil le jour de la Toussaint ?
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Ce 1er novembre, jour de la Toussaint, est culturellement lié à la fête des morts. Traditionnellement, les vivants consacrent cette journée au souvenir de "leurs" morts, et se rendent au cimetière pour fleurir leurs tombes. Ce rituel social a-t-il une utilité dans le processus de deuil, par nature éminemment intime ? Faut-il s’y plier ? Les réponses du Dr Christophe Fauré, psychiatre et psychothérapeute, auteur de "Vivre le deuil au jour le jour" paru chez Albin Michel.

  • Commémorer ses morts en ce jour particulier, est-ce que cela a du sens ?

Dr Christophe Fauré : "Pour les personnes qui ont perdu un être cher, la commémoration, c'est tous les jours. Les vivants continuent à vivre, au quotidien, en lien étroit avec le ou la disparue, même des années après. C'est la dimension psychologique intime du deuil. Mais le deuil est aussi un processus social, en lien avec les autres : on fait son deuil à l'intérieur de soi, mais aussi dans une communauté. En ce sens, fêter la Toussaint peut avoir un sens."

  • Quelles vertus peut avoir la Toussaint pour les personnes endeuillées ?

Dr Christophe Fauré : "Dans nos sociétés, la Toussaint, c'est tout ce qui reste des rituels sociaux autour de la perte. Et ils ont une utilité. Se rendre au cimetière, fleurir les tombes et voir les autres faire de même peut être réconfortant. C'est la communauté humaine que l'on voit, et on peut se sentir reliés aux autres, qui traversent le même processus, même si on ne leur parle pas. Cela peut faire du bien."

  • Dans le cercle plus intime, la Toussaint peut aussi être l'occasion de reparler du défunt...

Dr Christophe Fauré : "Plusieurs années après le décès, certaines personnes ne se sentent plus autorisées à parler de leurs morts. Elles pensent, à tort ou à raison, que les gens n'ont plus envie d'en entendre parler. Et elles se taisent. Cela peut créer une souffrance et réveiller une crainte fondamentale : celle de l'oubli du défunt. La Toussaint permet de libérer la parole. C'est une sorte d'autorisation sociale à renommer la personne disparue, sans craindre d'être un poids pour l'entourage ou d'avoir l'air de "ressasser" ou se complaire dans le malheur."

  • Mais tout le monde n'a pas envie de penser à ses morts un jour imposé, parce qu'il faudrait le faire...

Dr Christophe Fauré : "Absolument. Certaines personnes n'en ressentent ni le besoin ni l'envie. Le rituel peut être vécu comme une injonction et sembler un peu factice. Comme on n'a pas forcément envie de faire la fête le 31 décembre, on peut ne pas avoir le désir de consacrer un jour en particulier à la commémoration des morts. Il y a même des gens qui mettent un point d'honneur à ne pas aller au cimetière pour la Toussaint. Et ils ont tout à fait raison de ne pas se forcer à entrer dans des rituels sociaux qui n'ont pas de sens à leurs yeux. Chacun doit se faire confiance."
 

Livre :

  • Vivre le deuil au jour le jour
    Dr Christophe Fauré
    Ed. Albin Michel, octobre 2018