Comment concilier vie professionnelle et trouble bipolaire ?

A l'occasion de la Journée mondiale des troubles bipolaires, l'association FondaMental organise des cafés-rencontres retransmises sur Facebook sur les thèmes de la vie quotidienne.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
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Près d’un Français sur 10 a connu un épisode dépressif au cours des douze derniers mois.
Près d’un Français sur 10 a connu un épisode dépressif au cours des douze derniers mois.

Les troubles bipolaires, anciennement appelés psychose maniaco-dépressive, se présentent sous des formes diverses dont la plus typique se caractérise par une alternance de phases d’excitation (qu’on appelle maniaques ou hypomaniaques) avec des phases dépressives. Le retentissement sur la vie professionnelle peut donc être majeur. Le risque de désinsertion professionnelle est important, notamment en l'absence de prise en charge adaptée. Ces troubles touchent entre 1 et 2,5% de la population selon les estimations officielles.

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Instabilité de la vie professionnelle

"Les patients non stabilisés vont avoir des arrêts de travail fréquents et leur hiérarchie les supportera mal… explique le Dr Papéta, psychiatre spécialisé dans la bipolarité. Soit ils ne vont pas bien et sont mal supportés, soit ils sont en phase maniaque et ils trouvent leur supérieur idiot et cela finira aussi par poser problème et créer des hiatus relationnels…" 

Il n'est pas rare que l'importante réactivité émotionnelle dont souffrent les patients porteurs de bipolarité les rendent trop sensibles à la critique : "ils finissent par se rebeller ou claquer la porte, détaille le psychiatre. Un grand nombre de personnes bipolaires changent ainsi d'emplois très fréquemment et les multiplient sur 10 et 15 ans…"

Importance des traitements et de l'entourage

Toutefois, certains patients trouvent un équilibre professionnel, à l'instar de Régis, âgé de 55 ans et bipolaire depuis 20 ans. "Moi, je suis souvent dans un état hypomaniaque, ça me booste et ça m'a aidé dans ma carrière professionnelle, commente-t-il. J'avais beaucoup d'énergie avec davantage de capacité de travail et de créativité. Je produisais beaucoup de rapports en tant qu'informaticien." Ces moments très productifs compensaient ceux où il était en arrêt à cause d'une dépression mais ces aspects positifs restent pourtant méconnus, au détriment des patients.

Désormais chargé de mission numérique au sein de la division "Recherche et savoir" de son entreprise, il estime que sa maladie l'a aussi aidé durant toute sa carrière pour gérer ses équipes : "J'ai toujours veillé à ne pas me rendre indispensable avec les équipes que j'encadrais. C'était un moyen de faire en sorte que ça tourne correctement même si je n'étais pas mal et cela autonomise les équipes. Ce n'est pas simple à mettre en place mais après, c'est du gagnant-gagnant : l'équipe est épanouie et moi quand j'étais en arrêt, je ne culpabilisais plus. J'ai finalement tiré quelque chose de positif de ma maladie…"

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Il faut préciser que Régis est aujourd'hui stabilisé grâce à deux thymorégulateurs, un suivi avec son psychiatre et une bonne hygiène de vie (un bon sommeil et de l'activité physique et manuelle). "Je suis aussi très bien entouré, exclame-t-il. Mon épouse m'a accompagné toutes ces années et heureusement qu'elle était là. Elle m'alertait sur les phases maniaques parce que moi, je me sentais juste bien mais j'étais en réalité trop bien… Alors, elle trouvait les mots justes."  Cet équilibre personnel a eu une influence positive sur le plan médical et professionnel.

"De nombreux patients porteurs du trouble sont en invalidité alors qu'ils ont des compétences et c'est vraiment du gaspillage ! déplore également le Dr Papéta, car nous disposons maintenant de traitements efficaces qui permettent un rétablissement de qualité : et s’ils sont moins malades ils coûtent moins cher à la sécurité sociale ce qui n’est pas négligeable pour les autorités de santé !" Comme dans beaucoup de maladies chroniques, la bipolarité se heurte à une incompréhension et des freins non motivés. Pourtant, patients et entreprises peuvent trouver un terrain d'entente, avec des bénéfices pour tous…

A l'occasion de la Journée mondiale des troubles bipolaires, la fondation FondaMental organise des "cafés rencontres" à Paris, retransmises sur Facebook, à la page "rencontre en territoires bipolaires". Premir débat, à 9h00 : "Vivre avec des troubles bipolaires", suivi de trois autres dans la journée. Des conférences et des débats publics sont prévus à Allones, Clermont-ferrand, Grenoble, Limoges, Niort et Poitiers. 

Conseils pratiques pour l'emploi

Le Dr Papéta s'est impliqué dans plusieurs associations dont le but est le maintien dans l'emploi ou la réinsertion. "Notre travail est de faire de l’accompagnement vers l’emploi ou de les aider s’ils en ont déjà un, à trouver des techniques d'adaptation à leur poste si celui-ci leur plaît, détaille-il. Notre philosophie est un accompagnement aussi bien vers le savoir-faire que vers le savoir-être (qui fait parfois défaut aux personnes souffrant d'un trouble bipolaire) en travaillant l'estime de soi et la confiance, mais aussi grâce à des techniques de communication, d'organisation, de raisonnement" . Plusieurs antennes sont ainsi susceptibles d'apporter leur aide pour améliorer l'insertion sociale et professionnelle des patients porteurs de bipolarité. L'association Bipol initiative peut ainsi orienter vers Bipol Falret en région parisienne et vers Antem (Antenne Employabilité) à Brest.