Levothyrox : une étude affirme que les deux formules ne sont pas équivalentes

Selon des chercheurs, près de 60% des patients malades de la thyroïde pourraient ne pas réagir de la même façon à l’ancienne et à la nouvelle formule du Levothyrox.

La rédaction d'Allo Docteurs
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40 plaignants exigeant l'ancienne formule ont été déboutés.
40 plaignants exigeant l'ancienne formule ont été déboutés.

Nouveau rebondissement dans l’affaire du Levothyrox. Selon des chercheurs en biostatistiques et en pharmacologie des universités de Toulouse et de Londres (Royaume-Uni), les deux formules de ce médicament à base de levothyroxine prescrit chez les malades de la thyroïde ne seraient pas équivalentes pour chaque individu. L’étude repérée par Le Monde est publiée le 4 avril 2019 dans la revue Clinical Pharmacokinetics. Les scientifiques à l’origine de cette publication révèlent que près de 60% des patients pourraient ne pas réagir de la même manière aux deux versions du médicament.

Des réponses équivalentes "en moyenne"

Souvenez-vous : entre mars et juin 2017, une nouvelle formule du Levothyrox était imposée à plus de deux millions de patients. Peu après cette transition, des milliers de personnes rapportaient des réactions inhabituelles au traitement et des effets secondaires.
Les chercheurs français et britanniques à l’origine de l’étude publiée aujourd’hui, deux ans après le changement de formule, se sont intéressés à la question de la "bioéquivalence" entre l’ancien et le nouveau Levothyrox. En pharmacologie, deux médicaments sont dits bioéquivalents lorsque, administrés à la même concentration, ils engendrent les mêmes effets.

Pour cela, les chercheurs ont simplement repris les résultats que le laboratoire Merck lui-même avait fournis à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Ces résultats sont ceux d’un essai dans lequel 204 individus sains ont reçu l’ancienne puis la nouvelle formule du médicament. Dans les deux cas, les concentrations de l’hormone thyroïdienne ciblée par le principe actif, l’hormone LT4, avaient été mesurées dans le sang de tous les participants. Le laboratoire avait alors trouvé que les réponses étaient en moyenne équivalentes, à plus ou moins 10%.

Problème : des disparités existaient de chaque côté de cette moyenne, à un tel point que la bioéquivalence entre les deux formules n’était pas respectée pour près de 60% des volontaires de cet essai. Un chiffre non négligeable mais que la moyenne aurait rendu invisible car, en statistiques, la moyenne ne rend compte ni des extrêmes, ni de la répartition des données autour du chiffre moyen.

"Cela confirme l’existence d’une susceptibilité individuelle"

Or ce chiffre n’aurait pas été explicité par le laboratoire Merck et, selon Le Monde, l’ANSM n’aurait pas réalisé de seconde analyse indépendante, préférant se reposer sur l’interprétation du laboratoire lui-même.

A l’heure actuelle, l’ANSM n’a pas réagi sur ce point. Mais selon la docteure Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice adjointe de l’ANSM et invitée du Magazine de la Santé le 4 avril 2019, "ces éléments ne sont pas nouveaux". Elle précise en effet que "tout le monde sait" qu’il existe "une variabilité individuelle et des réactions différentes chez les individus dans les essais cliniques et, évidemment, dans la vraie vie." Ainsi, "cela confirme l’existence d’une susceptibilité individuelle dans le cas de la lévothyroxine. […] Et c’est ce qui avait été indiqué notamment dans les messages que nous avions pu adresser même s'ils n’ont pas pleinement atteint leur cible jusqu’aux patients : il peut y avoir des ressentis et donc des évolutions différentes et la nécessité d’une adaptation" rappelle la docteure Ratignier-Carbonneil.

L’hypothèse de l’excipient

Maintenant, comment expliquer que l’ancienne et la nouvelle formule, toutes deux à base de lévothyroxine, ne soient pas bioéquivalentes pour autant de personnes lors de l’essai du laboratoire Merck ? Les auteurs de l’étude évoquent l’hypothèse de l’excipient, cette substance qui entre dans la composition des médicaments pour permettre l’incorporation des principes actifs : du lactose pour l’ancienne formule, du mannitol et de l’acide citrique pour la nouvelle. Or, selon les chercheurs, le mannitol agit directement sur la durée du transit intestinal et peut donc modifier la quantité de lévothyroxine absorbée par le patient lorsqu’elle passe de son système digestif à sa circulation sanguine.

Cette nouvelle étude pourrait être utilisée par les milliers de patients qui ont saisi la justice pour "défaut d’information" lors du changement de formule. Mais juridiquement, "il ne s’agit pas d’un manquement de la part du laboratoire qui a respecté la réglementation européenne, car celle-ci ne propose qu’un test de bioéquivalence moyenne" explique au Monde le docteur Pierre-Louis Toutain, co-auteur de l’étude. Une comparaison des moyennes qui a indiscutablement été réalisée.