La thyroïde au coeur des dérèglements

La thyroïde est une petite glande en forme de papillon, située à la base du cou, et qui produit des hormones régulant la température du corps, l'humeur, le poids, le transit et même la vie sexuelle. Un nodule peut expliquer l'hypothyroïdie ou l'hyperthyroïdie.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Benoît Thevenet et Régis Boxelé expliquent la thyroïde
Benoît Thevenet et Régis Boxelé expliquent la thyroïde

Déprime, fatigue, stress et prise de poids... ces symptômes peuvent révéler un dysfonctionnement de la thyroïde. En France, on estime qu'environ six millions de personnes souffriraient d'un dérèglement thyroïdien. Les femmes sont davantage touchées que les hommes, plus particulièrement après 60 ans.

À quoi sert la thyroïde ?

La thyroïde est une petite glande, située à la base du cou, en avant du larynx et de la trachée. Elle est formée de deux lobes, un gauche et un droit, ce qui lui donne une forme caractéristique de papillon. La thyroïde mesure environ 6 cm sur 6 cm et elle pèse 30 g.

La thyroïde a un rôle primordial parce qu'elle sécrète les hormones thyroïdiennes (hormones T3 et T4) qui sont transportées dans le sang et diffusent dans toutes les parties du corps. Elles contrôlent une multitude de fonctions dans l'organisme. Elles régulent par exemple la dépense énergétique, le poids, le rythme cardiaque, l'humeur, la concentration,... L'iode est un élément indispensable à la fabrication de ces hormones.

Pour bien comprendre comment fonctionne la thyroïde, il faut s'intéresser à une autre glande située dans le cerveau : l'hypophyse, qui sécrète une hormone, la TSH. Cette hormone permet à la thyroïde de fabriquer la juste dose d'hormones thyroïdiennes. Mais parfois, la thyroïde ne fonctionne pas correctement. Grâce au dosage de la TSH dans le sang, on obtient des informations sur la quantité d'hormones thyroïdiennes produites. Elle est habituellement comprise entre 0,4 et 4 mUI/l chez l'adulte.

Hypothyroïdie ou hyperthyroïdie ?

Il existe deux situations possibles. Premier cas de figure : en cas d'atteinte de la thyroïde, le taux d'hormones thyroïdiennes, la T4 notamment, est trop bas dans notre corps. On parle alors d'hypothyroïdie. Les fonctions de l'organisme tournent au ralenti. Il est possible de ressentir de la fatigue, une frilosité, une constipation ou de prendre du poids par exemple alors que l'appétit a tendance à diminuer. La somnolence, une peau sèche, une diminution du nombre de poils, etc sont possibles. L'hypophyse produit alors une hormone, la TSH pour booster la thyroïde, et son taux dans le sang s'élève (supérieur à 4 mUI/l selon les normes françaises). A savoir que dans certains cas, c'est la production par l'hypophyse qui fonctionne mal. Dans ce cas, la TSH peut être basse, normale ou légèrement élevée.  L'hypothyroïdie est le trouble le plus fréquent de la thyroïde et elle touche plus de femmes que d'hommes ; sa fréquence augmente avec l'âge.

Deuxième cas de figure : le taux d'hormones thyroïdiennes est trop élevé. On parle alors d'hyperthyroïdie. Les fonctions de l'organisme sont comme "accélérées". Les personnes concernées peuvent se sentir nerveuses, irritables, avoir des selles fréquentes, trembler et perdre du poids alors que l'appétit est augmenté, par exemple. Pour y remédier, l'hypophyse freine sa production de TSH, dont le taux diminue fortement (en revanche, les hormones thyroïdiennes, la T4 et/ou la T3 sont élevées, ou à la limite supérieure).

Dans les deux cas, si l'anomalie hormonale n'est pas corrigée, il peut y avoir des symptômes cardiaques. Avec une hyperthyroïdie, il s'agit de tachycardie et de palpitations le plus souvent, d'élévation de la tension ou de "fibrillation auriculaire parfois" (le rythme cardiaque devient anarchique) ; il peut y avoir une complication à type d'insuffisance cardiaque L'hypothyroïdie provoque un rythme cardiaque trop lent, c'est une bradycardie, ou une tension artérielle trop basse.

Des symptômes oculaires peuvent s'observer aussi bien dans l'hyper et dans l'hypothyroïdie, avec une sécheresse oculaire qui survient isolément ou dans le cadre d'un syndrome sec, aussi appelé maladie de Sjögren.

A noter, l'hyperthyroïdie comme l'hypothyroïdie peuvent être frustres (ou "infracliniques"), autrement dit avec une simple anomalie de la TSH sans anomalie de la T4.

Nodule : quand la thyroïde ne répond plus de rien

Devant des symptômes évocateurs d'un dysfonctionnement de la thyroïde, le diagnostic commence par une palpation de la base du cou pour confirmer la présence du nodule thyroïdien ou d'un goître. Et une prise de sang est indispensable pour analyser la production d'hormones.

Selon les recommandations sur l'hypothyroïdie, si la TSH est élevé, le taux sera recontrôlé 2 à 3 mois plus tard, en dosant en plus la T4, l'une des hormones produites par la thyroïde. Le traitement repose sur l'apport d'hormone thyrodienne, la lévothyroxine.

Selon celles sur l'hyperthyroïdie de la HAS, un dosage de la TSH est prescrit.l'hyperthyroïdie, si le taux est anormal, il sera complété par un dosage de la T4 +/- de la T3. La prise en charge comporte des médicaments (appelés anti-thyroïdiens de synthèse), de l'iode radioactif ou la chirurgie.

Les examens des nodules thyroïdiens

Lorsqu'un nodule est découvert de manière fortuite, qu'il y ait des troubles ou non de la fonction thyroïdienne, il peut être pertinent de faire passer certains examens au patient. Leur objectif est de vérifier le nombre de nodules présents et leur nature. Environ 4% des Français sont porteurs d'un nodule thyroïdien palpable, selon la société française d'endocrinologie (mais la fréquence pourrait être 10 à 15 fois plus importante en incluant les nodules non palpables). Les femmes sont plus touchées que les hommes et la fréquence des nodules augmente avec l'âge.

Environ 5% des nodules sont cancéreux, c'est pourquoi il faut toujours réaliser plusieurs examens complémentaires, pour vérifier si un nodule est bénin ou malin. En cas d'anomalie de l'hormone TSH, il y a la scintigraphie qui utilise de l'iode radioactif et analyse précisément le nodule : elle détermine si le nodule sécrète ou pas des hormones thyroïdiennes. On parle ainsi de nodule "chaud" s'il en produit ou "froid" si ce n'est pas le cas. SI le produit fixe l'iode, il est dit fixant et c'est plutôt en faveur du caractère bénin.

Autre examen indispensable : l'échographie, elle permet de mieux voir les nodules et de mesurer précisément leur taille. Un nodule supérieur à 3 cm, à contour irrégulier et durà la palpation, est plutôt suspect. S'il est très vascularisé à l'échographie, "hypoéchogène" et accompagné de microcalcifications et de ganglions, c'est aussi le cas. 

L'échographie est souvent accompagnée d'une ponction, ou cyto-ponction, qui recherche des cellules cancéreuses et permet d'adapter la surveillance grâce à des "guidelines" très précis. Si les résultats de la ponction sont évocateurs d'une malignité, une chirurgie s'impose et s'ils sont en faveur d'une bénignicité, une simple surveillance est suffisante (sauf si le nodule comprime des structures et justifie une intervention). Si les résultats sont douteux, en fonction des autres examens, on propose une nouvelle ponction 6 mois plus tard ou une opération pour confirmer le résultat.

La prise de sang avec le dosage de la TSH, éventuellement des anticorps anti-peroxydase et anti-thyroglobulines, donne également des informations.

Un suivi régulier est indispensable pour suivre l'évolution des nodules, et ce même si le traitement est efficace.

Nodules thyroïdiens : quand faut-il opérer ?

Les modules non suspects bénéficieront d'une surveillance progressivement espacées (d'abord 6 mois puis 1 an, 2, etc). On ne retire pas systématiquement les nodules. Les indications chirurgicales sont variées et précises. 

Une opération est généralement envisagée pour les nodules suspects et évocateurs de cancer que ce soit cliniquement ou à l'imagerie. Il s'agit par exemple des nodules durs et volumineux, ou ceux qui s'accompagnent de ganglions au niveau du cou, ou d'une dysphonie, anomalie de la voix qui témoignent d'une compression des cordes vocales (même s'ils sont bénins, cela justifie d'être retirés chirurgicalement). 

De même, de gros nodules bénins qui affectent la déglutition en comprimant les structures ORL, ou qui perturbent la respiration. Une augmentation de la taille de plus de 20% en un an est également suspecte.

Il arrive aussi de retirer les nodules et toute la thyroïde en une seule fois pour vérifier qu'il n'existe pas de risque de cancer. On parle alors de thyroïdectomie totale (ablation de la thyroïde). Après une thyroïdectomie totale, le patient devra prendre un traitement hormonal substitutif à vie. Trouver le bon dosage de ces hormones peut prendre plusieurs mois.

Parfois, un traitement par iode radioactif est également initié pour diminuer le risque de récidive. Auparavant fait systématiquement pour les cancer à faible risque, une étude a montré en 2022 qu'elle n'était pas plus efficace qu'une simple surveillance pour ces cancers.

Nodules thyroïdiens : de nouvelles alternatives à la chirurgie

Aujourd'hui, il existe de nouvelles prises en charge pour traiter les nodules thyroïdiens. Encore peu développée en France, l'utilisation de la thermablation est une alternative à la chirurgie pour traiter les nodules bénins. Elle fait appel à une élévation de la chaleur localisée au niveau de la tumeur pour réduire le nodule. Trois techniques peuvent être utilisées : le laser, le HIFU (ultrasons focalisés de haute intensité) ou la radiofréquence, qui est la technique utilisée ici.

L'intervention se passe sous contrôle échographique. À l'aide d'une grosse aiguille, le médecin détruit par carbonisation la partie haute du nodule. Afin de traiter tout le volume du nodule, le médecin change l'emplacement de l'aiguille.

Une fois l'intervention terminée, le médecin réalise un dernier contrôle échographique pour vérifier notamment la vascularisation. Un pansement réfrigéré est enfin appliqué sur le nodule afin que le patient ne ressente pas de douleurs.

Cette technique non invasive est réservée uniquement aux nodules bénins. "L'avantage de la thermoablation thyroïdienne, c'est qu'on laisse la thyroïde en place quand on est assuré qu'elle fonctionne bien. Cela signifie qu'il n'y a pas d'intervention chirurgicale, il n'y a pas d'arrêt de travail, il n'y a pas de cicatrice visible, il n'y a pas de traitement substitutif après puisqu'on a laissé en place le tissu sain…", explique le Dr Hervé Monpeyssen, endocrinologue.