Cancer du sein : des tests pour éviter les chimiothérapies inutiles

Chaque année, 49.000 nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués en France. Comment déterminer, parmi ces femmes, lesquelles pourraient éviter une chimiothérapie inutile ? Il existe désormais des tests dits "génomiques" qui permettraient de prédire les risques de rechute du cancer, mais aussi évaluer l'intérêt des traitements lourds. En France, ces tests ne sont ni recommandés ni remboursés en France. L'Institut Curie, à Paris, a lancé une évaluation de l'un de ces tests prédictifs. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Des chimiothérapies par "principe de précaution"

Aujourd'hui, pour traiter un cancer du sein on prescrit - ou non - une chimiothérapie. Les oncologues utilisent des critères classiques pour caractériser la tumeur en fonction de :

  • sa taille
  • son agressivité
  • l'atteinte ou non des ganglions
  • l'âge de la patiente

Mais pour 6.000 cas de cancer par an, ces critères ne sont pas suffisants pour évaluer les risques de rechute. Et quelques fois, on prescrit une chimiothérapie alors qu’elle n'est pas nécessaire.

A l'institut Curie, une étude clinique évalue un test prédictif qui permettrait d'éviter les chimiothérapies inutiles. La démarche s'inscrit dans ce qu'on appelle la "désescalade thérapeutique" : l'idée est de proposer des traitements, moins lourds pour préserver la qualité de vie des femmes.

"Assez souvent, on fait la chimiothérapie un peu par principe de précaution", explique le Professeur Roman Rouzier, directeur médical du Pôle Sénologie à l’Institut Curie. "Et si l’on n’en fait pas, on prend le risque de ne pas donner la thérapeutique adaptée à la patiente. C’est dans ces cas-là que l’on peut profiter de la biologie moléculaire."

Tests "génomiques"

Un test, dit "génomique", va établir la carte d'identité génétique de la tumeur. Les scientifiques extraient l’ARN des cellules tumorales - une molécule très proche de l’ADN. En tout, 50 gènes sont analysés. Les résultats de ces analyses sont associés aux caractéristiques cliniques de la patiente : la taille de sa tumeur et le nombre de ganglions envahis,

Les calculs permettent d'obtenir un "score de récidive", c’est-à-dire une évaluation du risque de rechute dans les 10 ans à venir. Ce risque sera alors classé comme faible, intermédiaire ou élevé.

Pour Sylviane, 66 ans, le test a déterminé un risque faible : 6%. Elle échappe donc à un traitement lourd qui aurait été inutile. "Dans le cas de Sylviane, on considère qu’il n’est pas nécessaire de faire de la chimiothérapie : le bénéfice attendu ne serait pas à la hauteur des effets secondaires de ce traitement. » explique le Professeur Roman Rouzier.

Perte de cheveux, nausées, fatigue extrême : autant d’effets secondaires que Sylviane n’était pas prête à affronter. "Pour moi la chimiothérapie c’est la mort… Avec une chimio au bout du chemin je n’aurais pas pu m’en sortir", confie-t-elle.

Des tests à l'étude en France

Comme Sylviane, 200 patientes vont pouvoir bénéficier de ce test. Il en existe quatre de ce type sur le marché international. Les Etats-Unis, le Royaume Uni, l’Allemagne et l’Italie les utilisent déjà. Mais en France, pour le moment, ils ne sont ni recommandés par les autorités de santé, ni remboursés.

L'Institut National du Cancer (INCa) préfère rester prudent en attendant des preuves suffisantes. "Quel test utiliser ? Quelles femmes traiter ?" s’interroge le Dr Chantal Belorgey, directrice des Recommandations du médicament et de la qualité de l’expertise à l’INCA. "Pour éviter les pertes de chance des patientes, en ne traitant pas des patientes qui devraient l’être, nous préférons rester prudents - nous attendons les résultats des études en cours."

Les premiers résultats sont attendus fin 2016. Ils pourraient permettre à terme le remboursement de ces tests et la généralisation de leur pratique.